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24. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre VI. Massillon. »

mes frères, si nous sentions les misères de notre âme, comme nous sentons celles de notre corps ; si notre salut éternel nous intéressait autant qu’une fortune de boue, ou une santé fragile et périssable, nous serions habiles dans l’art divin de la prière ; nous ne nous plaindrions pas que nous n’avons rien à dire en la présence d’un Dieu à qui nous avons tant à demander ; il ne faudrait pas donner la gêne à notre esprit, pour trouver de quoi nous entretenir avec lui ; nos maux parleraient tout seuls ; notre cœur s’échapperait malgré nous-mêmes en saintes effusions, comme celui de la mère de Samuel devant l’arche du Seigneur ; nous ne serions plus maîtres de notre douleur et de nos larmes ; et la plus sûre marque que nous n’avons point de foi, et que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes, c’est que nous ne savons que dire au Seigneur dans le court intervalle d’une prière. — Faut-il apprendre à un malade à demander sa guérison ; à un homme pressé de la faim, à solliciter de la nourriture ; à un infortuné battu de la tempête, et sur le point d’un triste naufrage, à implorer du secours ? […] Rien ne doit dédommager le chrétien dans le pardon des offenses, que la consolation d’imiter Jésus-Christ, et de lui obéir ; que les titres qui, dans un ennemi, lui découvrent un frère ; que l’espérance de retrouver devant le juge éternel la même indulgence dont il aura usé envers les hommes. […] Le juste meurt comme l’impie, l’homme comme la bête ; et nul ne revient pour nous dire lequel des deux avait eu tort. — Des discours vagues, des doutes usés, des incertitudes éternelles, des suppositions chimériques, sur lesquels on ne voudrait pas risquer le malheur ou le bonheur d’un seul de ses jours, et sur lesquels on hasarde une éternité tout entière !

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