que la plus indispensable des dispositions dans un traducteur, est cette espèce d’analogie naturelle qui le rapproche, à son insu, du modèle qu’il se propose d’imiter, qui établit d’avance entre eux un rapport de goût et de sentiments, sans lequel le traducteur, quel que soit d’ailleurs son talent, restera toujours infiniment au-dessous de son auteur. […] Il faut établir le principe de ces fréquentes inégalités ; faire voir en quoi consistent précisément ces beautés et ces défauts : et s’il reste démontré que leur imitation introduirait parmi nous une école d’autant plus dangereuse qu’elle s’appuierait d’un grand nom et d’exemples séduisants, il en faudra bien conclure que M. de Chateaubriand occupe et conservera un rang à part, et qu’il a traité un genre dans lequel il n’est point à désirer qu’il fasse des imitateurs. […] Craignons donc de laisser ou de voir s’établir une école nouvelle, qui, en confondant tous les genres et tous les styles, prêterait indiscrètement à la théologie le langage de la poésie, et à la poésie le style et les formes théologiques : craignons d’adopter une poétique qui constituerait les fautes en principes, et qui poserait pour règle première la violation de la plus essentielle des règles, l’accord indispensable des choses et du style ; et cette précieuse unité, sans laquelle le vrai et le beau n’existent plus dans les ouvrages de l’imagination. […] Il partit donc d’un principe tout opposé à celui qui avait si bien dirigé Racine : il établit, comme maxime fondamentale, que des vers, pour être bons, doivent avoir la correction grammaticale et la simplicité élégante d’une bonne prose.