Ils revinrent donc à l’étymologie, fondirent l’art de bien écrire dans l’art de bien dire, et considérèrent connue code unique et universel du style les préceptes de l’éloquence. Pour se faire une idée de la puissance de la parole à Rome, qu’on lise ce que disent Aper et Maternus dans cet excellent Dialogue des orateurs, chef-d’œuvre de raison et de style, qu’il soit de Tacite, de Quintilien, ou de tout autre, préface naturelle de tout ouvrage où il est question d’éloquence, et dont plusieurs pages semblent écrites d’hier, tant il y a de rapprochements entre notre état social et politique actuel et celui de Rome aux derniers temps de la République et aux premiers de l’Empire. […] Mais les choses se sont modifiées dans les âges modernes ; et même en obéissant à l’idée romaine, au principe d’utilité positive et pratique, il est nécessaire de revenir aujourd’hui à cette universalité de préceptes applicables à tous les genres littéraires, dont les Grecs avaient donné l’exemple, et que la plupart des rhéteurs ont en tort d’abandonner pour se borner, à l’exemple des Romains, aux règles de l’éloquence. Sans doute, la tribune et le barreau ont conservé beaucoup de leurs anciennes prérogatives ; l’éloquence de l’avocat en tout pays, et celle du représentant, dans les gouvernements constitutionnels, sont encore une des voies les plus rapides et les plus sûres pour arriver à la fortune, aux hautes dignités, à la considération nationale, à la célébrité européenne ; enfin la société moderne a vu naître et fleurir une troisième branche d’éloquence inconnue à l’antiquité, celle de la chaire. Mais la supériorité d’intelligence manifestée par des écrits, quels qu’ils soient, conduit souvent au même but que l’éloquence proprement dite, et, sous bien des rapports, le pouvoir de la presse a succédé à celui de la parole.