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36. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIII. du corps de l’ouvrage. — argumentation, confirmation, réfutation  » pp. 175-188

Elle se fonde, disent-ils : 1° sur les objets de la pensée : l’honnête, l’utile et leurs contraires sont la matière du genre délibératif ; le vrai, le juste et leurs contraires, celle du genre judiciaire ; le beau et le laid, celle du genre démonstratif ; 2° sur la situation de celui qui écoute : dans le délibératif, il écoute pour approuver ou rejeter l’avis proposé ou combattu ; dans le judiciaire, pour absoudre ou condamner l’individu accusé ou défendu ; dans le démonstratif, pour imiter ou fuir les exemples loués ou blâmés ; 3° sur les différents points de la durée : la délibération porte toujours sur l’avenir, le jugement sur le passé, l’éloge ou le blâme ordinairement sur le présent. Je réponds qu’il n’est pas rare qu’on délibère sur des intérêts actuels, et que, si le jugement porte toujours sur le passé, il en est fort souvent de même de l’éloge ou du blâme, qui ne sont en définitive qu’une espèce de jugement, sauf la sanction pénale ; d’où il suit aussi qu’il y a presque toujours du démonstratif, c’est-à-dire de l’éloge ou du blâme dans le judiciaire et même dans le délibératif ; que le délibératif, en traitant de l’honnête, peut par la même aborder le vrai et le juste aussi bien que le judiciaire ; que si le beau du démonstratif est purement artistique, c’est resserrer le genre dans des bornes trop étroites ; s’il est moral, il rentre dans le vrai, le juste et l’honnête des deux autres genres ; que, tandis que les deux premiers ont un double élément, d’une part, la destination des œuvres oratoires à telle ou telle tribune, de l’autre la nature des idées, le démonstratif n’a que ce dernier, ce qui jette une sorte de confusion dans la division ; que d’ailleurs si cette division pouvait paraître complète dans l’antiquité, elle ne l’est pas pour nous, car à quel genre rattacher l’éloquence de la chaire, qui n’a assurément rien de judiciaire, qui peut passer pour un mélange du délibératif et du démonstratif, sans être absolument ni l’un ni l’autre, et dont il serait peut-être mieux de faire un quatrième genre que l’on pourrait nommer protreptique ou hortatif ?

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