NOTE SUR L’EXTRAIT DE LA POLITIQUE.
De chants qui jettent l’âme dans un religieux délire.] Les lexiques ne citent pas
un second exemple de ce verbe ἐξοργιάζω, et beaucoup d’interprètes l’entendent
dans le sens de calmer le délire. Mais le verbe ἐξοργίζω,
qu’on trouve plus souvent, et, entre autres auteurs, dans Xénophon, a toujours
le sens d’exciter, jeter dans le délire. G. Budé, qu’a suivi
H. Estienne, avait donc tort de traduire ἐξοργιάζω par : « Ad sacra
suscipienda præparo, ad sacrorum cultum expio, et idoneum
reddo. »
Le sens que j’adopte et que M. Weil a fort bien défendu, dans son
mémoire Sur l’effet de la Tragédie selon Aristote (Bâle, 1848), s’accorde
d’ailleurs et avec l’analogie grammaticale dans les verbes tels que ἐξαλλάττω,
ἐξαϰολουθέω, ἐϰπίνω, έϰπίμπλημι, etc., et avec l’ensemble de la théorie
aristotélique, telle que nous l’avons exposée dans notre Essai sur l’Histoire de
la Critique, p. 180 et suiv. Batteux, qui a traduit deux fois ce passage
d’Aristote, s’est d’abord conformé pour le mot en question au latin de Budé (Les
quatre Poétiques, t. I, p. 234) la seconde fois (De la Poésie
dramatique, II, 4, t. III des Principes de la Littérature), il s’est
dispensé de le traduire.