Chapitre XXV.
Voici encore un chapitre évidemment incomplet, et cependant si plein de minutieux détails, qu’il faudrait bien des pages pour le commenter, si je ne me bornais aux explications les plus nécessaires. Quant au caractère général des problèmes qui y sont discutés, voy. l’Essai sur l’Histoire de la Critique, p. 123, où je crois avoir montré combien de subtilités puériles se mêlaient à l’érudition d’Aristote et à sa philosophie.
Les problèmes et les solutions.] Προϐλήματα ou ὰπορίαι, et λύσεις, expressions consacrées dans les écoles grecques depuis Aristote, et qu’on retrouve à chaque page des commentaires Alexandrins extraits par le scholiaste de Venise. Voyez Wolf, Prolegomena, p. xcv Lehrs, de Aristarchi studiis Homericis, p. 200-229 Schœll, Hist. de la Litt. gr., tome IV, p. 35 Bojesen, Préface de son édition du XIXelivre des Problèmes.
Cette imitation se fait par l’élocution.] Rhétorique, III, 1 : Τὰ γὰρ ὀνόματα μιμήματά ἰστιν, ὑπῆρξε δὲ ϰαὶ ἡ φωνὴ πάντων μιμήτιχώτατον τῶν μορίων ἡμῖν.
Si l’intention est bonne.] Μὴ ὀρθῶς, leçon des manuscrits. La correction μὲν suffit pour donner un sens raisonnable. Ἔχει est sous-entendu après ὀρθῶς.
Lever les deux pieds droits en même temps.] Προϐεϐληϰότα offre un sens raisonnable mais προϐαίνειν paraît être le mot propre en pareil cas. Aristote, Sur la Marche des Animaux, chap. xiv : προϐεϐτηϰότα (ζῷα) ϰατά διάμετρον ϰαὶ οὐ τοῖς δβξιοίς ή τοις ἀριστεροις ἀμφοτέροις ἄμα.
Le but de cet art.] Après avoir cité cette remarquable observation, M. V.
Hugo en a judicieusement rapproché (Préface de Cromwell, à la fin) une
pensée de Boileau : « Ils prennent pour galimatias tout ce que la
faiblesse de leurs lumières ne leur permet pas de comprendre. Ils traitent
surtout de ridicules ces endroits merveilleux où le poëte, afin de mieux
entrer dans la raison, sort, s’il faut parler ainsi, de la raison même. Ce
précepte effectivement, qui donne pour règle de ne point garder quelquefois
de règles, est un mystère de l’art qu’il n’est pas aisé de faire entendre à
des hommes sans aucun goût…, et qu’une espèce de bizarrerie d’esprit rend
insensibles à ce qui frappe ordinairement les hommes. » (Discours sur
l’Ode.)
Boileau, il est vrai, ne parle pas tout à fait aussi nettement que
le laisserait croire cette habile citation.
Une biche n’a point de cornes.] Erreur signalée dans Homère,
Iliade, XV, 271 Pindare, Olympique, III, 52 Callimaque, Hymne
à Diane, v. 102. Scaliger, Poétique, III, 4, prétend les justifier par
l’exemple d’une biche à cornes, récemment observée en France. Comparez
Élien, Hist. des Animaux, VII, 39. On trouve une faute analogue dans
Aristophane, Nuées, v. 150, où le scholiaste la relève. « On
prétend aussi qu’il se trouve des biches qui ont un bois comme le cerf, et
cela n’est pas absolument contre toute vraisemblance. » (Buffon.)
De l’avoir mal peinte.] Ἀμιμήτως. Les anciennes éditions portent ϰαϰομιμήτως, qui n’est guère qu’un synonyme. Aristote emploie volontiers ces sortes d’adverbes : ύπερϐεϐ)ημένως, Morale Nicom., III, 13 συνεστραμμένως, συμπερασματιϰῶς, ἀντιϰειμένως, Rhét., III, 2 πεπλασμένως et πεφυϰότως, Rhét., II, 24 ἀφωριομένως, Catégories, ch. x etc.
Euripide.] Εὐριπίδην pour Εὐριπίδης, est une conjecture de Heinsius.
Comme pensait Xénophane.] Ma traduction suppose une virgule après ἔτυχεν, et dispense de toute conjecture. Ritter lit ὡς παρὰ Ξενοφάνει, quelques manuscrits portant en effet ὥσπερ Ξενοφάνει. On ne sait pas à quelle doctrine de Xénophane il faut rapporter ces allusions. Ce qui est certain, c’est que Xénophane traitait avec mépris les opinions populaires sur la divinité.
Leurs lances, etc.] Sur cet exemple et sur les autres exemples tirés d’Homère, les problèmes que soulève Aristote se retrouvent presque tous dans les anciens commentateurs, et particulièrement dans le scholiaste de Venise, qui contient de si nombreux extraits des études d’Aristote sur Homère.
— Voy. aussi notre Essai sur l’Histoire de la Critique, p. 123 et suiv.
Les Illyriens.] M. Albert Dumont, dans son ouvrage sur Le Balkan et l’Adriatique (1873), chap. v, a fait de nombreux rapprochements entre les mœurs homériques et celles des Illyriens modernes ou Albanais.
Les mulets.] Cf. Iliade, X, 84 et le scholiaste.
Verse du vin.] Cf. Plutarque, Questions symposiaques, V, 4.
Tous est ici par métaphore.] Au vers cité par Aristote, le texte d’Homère qui nous est parvenu porte ἄλλοι, au lieu de πάντες on sait que ce texte est le résultat d’un long travail de récension commencé à Alexandrie, postérieurement à Aristote. Le mot πάντεςavait peut-être été substitué à ἄλλοι par quelques-uns de ces grammairiens qui faisaient métier de procurer à leurs confrères des problèmes à résoudre. Voy. les scholies de Venise sur l’Iliade, XX, 269-272 XXIV, 418 et cf. X, 372.
La plus connue des constellations qui ne se couchent jamais.] Une scholie de
Venise donne une interprétation plus simple que celle d’Aristote :
« la seule des constellations nommées dans ce passage
d’Homère. »
Δίδομεν δέ οί.] Même discussion dans les Réfutations sophistiques, chap. iv.
Tὸ μὲν οὐ ϰαταπύθεται ὄμϐρῳ.] Il s’agit, dans le texte de l’Iliade, d’un tronc d’arbre desséché « qui pourrit là », si on lit οὐ, génitif marquant le lieu, ou bien « qui ne pourrit pas », si on lit οὐ, négation.
Empédocle.] Voy. Athénée, x, p. 424 A Plutarque, Questions symposiaques, V, 4 Simplicius, sur Aristote, Du Ciel, I, p. 507 de l’éd. des Scholies par Brandis. — Aristote a remarqué dans la Rhétorique, III, 5, que les écrits d’Héraclite étaient « difficiles à ponctuer ». Il y avait donc une ponctuation dans les manuscrits dès cette époque, où cependant on n’en voit pas la moindre trace sur les inscriptions et Aristophane de Byzance n’est pas l’inventeur de la ponctuation : il n’a fait qu’en mieux déterminer les signes et les règles.
Ouvrier en airain, etc.] Même observation, sans nom d’auteur, dans le scholiaste de l’Iliade, XIX, 283.
Le javelot d’airain, etc.] On lit dans le texte d’Homère μείλινον au lieu de χάλϰεον. Au reste, cet hémistiche fait partie de quatre vers (269-272) que le scholiaste signale comme interpolés ὑπό τινος τῶν βουλομένων πρόϐλημα ποιεῖν.
Glaucon.] Voyez Aristote, Rhétorique, III, 1, et Platon, Ion, p. 530.
Icarius.] Strabon, X, p. 708, et le scholiaste de l’Odyssée, I, 285, donnent une autre explication de la conduite de Télémaque : c’est que Pénélope était en mésintelligence avec son père et sa mère. Cf. Odyssée XIX, 158. Toutes ces excuses sont peu satisfaisantes.
Zeuxis.] Sur son procédé d’imitation, voyez le passage classique de Cicéron, De l’Invention, II, 1, commenté par Victorinus, p. 119 des scholiastes de Cicéron, éd. Orelli. Cf. O. Müller, Manuel d’Archéologie, § 137.
Égée.] Peut-être Aristote désigne-t-il ici le rôle d’Égée dans la Médée d’Euripide, v. 663-755, ce qui est l’opinion de Ritter peut-être veut-il parler de la manière dont Médée traitait Égée dans la pièce d’Euripide qui portait ce dernier nom. Voy. Welcker, livre cité, p. 729. Le sujet de cette pièce est exposé dans : Apollodore, Bibliothèque, I, 9, 28 Pausanias, II, 3, 7 le scholiaste de l’Iliade, XI, 741 cf. Plutarque, Vie de Thésée, chap. xii, et les Fragments des Tragiques, p. 621-624 de l’éd. Wagner.
Douze.] Ce compte est bien difficile à retrouver dans le texte tel qu’il nous est parvenu. Les six premiers lieux communs de solutions se distinguent assez nettement, comme on verra par la traduction française. Quant aux six autres, Ritter les rapporte : 1° aux mots étrangers, 2° à la métaphore, 3° à l’accent, 4° à la ponctuation, 5° à l’ambiguïté des termes, 6° à l’usage, et il compare fort à propos cette fin du chapitre xxv avec le chapitre iv des Réfutations sophistiques ce qui ne l’empêche pas de regarder tout ce chapitre xxv comme une interpolation.