(1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre XIII. » pp. 104-105
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(1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre XIII. » pp. 104-105

Chapitre XIII.

Sur ces diverses formes de catastrophe tragique, où Aristote, par une omission que nous avons expliquée dans Essai sur l’Histoire de la Critique, p. 203 et suiv., ne mentionne même pas le rôle de la Fatalité, voyez Marmontel, au mot Catastrophe.

Les honnêtes gens.] Ἐπιειϰεῖς, moi défini dans la Morale Nicom., V, 14. Il est employé ici dans un sens général.

Mais odieux.] La Poétique de la Mesnardière, qu’on a rarement à louer, contient (p. 22 et suiv.) de bonnes observations sur la différence de l’horrible et du terrible dans la tragédie. Voyez aussi la Harpe (Analyse de la Poétique), qui relève avec raison l’excessive rigueur des règles données ici par Aristote.

Sentiment [d’humanité.] Φιλάνθρωπον. Voyez Morale Nicom., VIII, 1.

Qu’un homme très-méchant tombe du bonheur dans le malheur.] « Si Corneille en avait cru Aristote, il se serait interdit le dénoûment de Rodogune  et, si nous en croyons Dacier, ce dénoûment est un des plus mauvais, car il est d’une espèce inconnue aux anciens et rejetée par Aristote. D’après la même théorie, toutes les pièces où le personnage intéressant fait son malheur lui-même avec connaissance de cause seraient bannies du théâtre  et l’on n’aurait jamais pensé à y faire voir l’homme victime de ses passions. Voilà comme une théorie exclusivement attachée à la pratique des anciens veut réduire le génie à l’éternelle servitude d’une étroite imitation. » (Marmontel, au mot Règles. )

Un homme qui nous ressemble.] Corneille et Dacier s’inquiètent beaucoup de ce qu’Aristote paraît assimiler la condition des héros de tragédie à celle des auditeurs. Toutefois Corneille observe que « les rois sont hommes comme les auditeurs et tombent dans ces malheurs par l’emportement des passions dont les auditeurs sont capables  »; et Dacier, que « le poëte n’a pas en vue d’imiter les actions des rois, mais les actions des hommes, et que c’est nous qu’il représente. Mutato nomine, de te fabula narratur. »

Thyeste.] On compte jusqu’à six tragédies portant ce titre, qui sont aujourd’hui perdues  Aristote cite, au chap. xvi, celle de Carcinus. Voyez Wagner, Fragments des Tragiques, dans la Bibliothèque Firmin Didot.

Simple.] Non pas tout à fait dans le même sens que plus haut, chap. x. « Aristote appelle ici fable simple celle qui n’explique que les malheurs d’un seul personnage  et il appelle double celle qui a une double catastrophe, qui est heureuse pour les bons et funeste pour les méchants, comme dans l’Électre de Sophocle, où Oreste et Électre sont enfin heureux, et où Égisthe et Clytemnestre périssent. » (Dacier.)

Comme veulent quelques-uns.] Remarquez ici une de ces allusions, très-rares dans la Poétique, aux auteurs qui avaient traité les mêmes questions avant Aristote.

Alcméon.] Sujet traité par Sophocle, Euripide, Astydamas, Théodecte, Nicomaque, Agathon  et, sous forme de drame satyrique, par Achæus.

Oreste.] Sujet traité par Euripide, par Théodecte (Aristote, Rhétorique, II, 24), par Carcinus, et par un tragique de date inconnue, Timésithée.

Méléagre.] Sujet traité par Euripide, par Antiphon, et par Sosiphane, poëte de la pléiade tragique, contemporain d’Aristote.

Télèphe.] Sujet traité par Eschyle, Euripide, Agathon, Iophon, Cléophon et Moschion.

Euripide… le plus tragique des poëtes.] Quintilien, X, 1, § 67 : « Euripides… in affectibus cum omnibus mirus, tum m iis qui in miseratione constant facile præcipuus. »

La faiblesse des spectateurs.] Rhétorique, III, 1 : διὰ τὴν τῶν ἀϰροατῶν μοχθηρίαν. Cf. plus bas, chap. xvi. L’emploi de τὸ θέατρον pour οἱ θεαταί est fréquent et d’ailleurs bien naturel. Voyez Aristophane, Acharniens, v. 629  Chevaliers, v. 233, 508, 1318  Paix, v. 735, etc.

Il appartient plutôt à la comédie.] Surtout à la nouvelle comédie, car les anciennes comédies finissaient quelquefois d’une manière assez tragique, comme l’observe avec raison Ritter, rappelant les Babyloniens, les Détaliens et les Nuées d’Aristophane. L’auteur d’un argument sur l’Oreste d’Euripide remarque que cette pièce, ainsi que l’Alceste, a un dénoûment comique  il cite encore un exemple de Sophocle, et il ajoute : « En un mot, il y a beaucoup d’exemples de ce genre dans la tragédie. » Comparez Villemain, Tableau du xviii e siècle, IIIe partie, v e leçon.