Chapitre XXIV.
Homère…. le premier.] Aristote a restreint lui-même, plus haut, chap. iv, ce que cette assertion aurait de trop rigoureux.
Les anciens poëtes.] Les poëtes dramatiques apparemment, puisque Aristote ne connaît pas d’épopée antérieure à l’Iliade et à l’Odyssée, et que celles-ci lui paraissent des modèles du genre. A moins toutefois qu’il ne lui vienne ici un scrupule à l’esprit sur l’étendue des deux épopées homériques, qui, en effet, ne pourraient guère être lues d’une seule haleine, quoi qu’en dise le savant Dacier. La mesure qu’il détermine ensuite nous laisse dans le doute à cet égard. Si dans les anciens concours trois concurrents présentaient chacun trois tragédies▶ (sans parler des drames satyriques), le total de ces ◀tragédies▶ devait égaler à peu près l’Iliade en longueur d’un autre côté, en admettant que l’usage des trilogies dramatiques fût aboli au temps d’Aristote, mais qu’il y eût cinq concurrents, cela ferait environ 8000 vers pour un seul concours. Encore reste-t-il à savoir si, dans les Dionysiaques, les représentations tragiques n’étaient pas réparties entre plusieurs journées. Aristote parle évidemment pour des gens qui savaient toutes ces choses. Ce n’est peut-être pas sa faute si nous le comprenons si difficilement aujourd’hui. Voyez, sur les questions que soulève ce texte, les auteurs cités plus haut sur le chap. vii. Dacier et Batteux n’en ont pas vu toute la difficulté. Cf. les Prolégomènes de Wolf sur l’Iliade, p. cx - cxii.
De grands effets.] Sur la μεγαλοπρέπεια, voy. Démétrius, Sur le Style, § xxxviii - xlix Longin, Du Sublime, viii, § 3 et comparez Aristote, Rhétorique, III, 6 et 12.
Changer les émotions et varier les épisodes.] Observation semblable dans la Rhétorique, i, 11.
Le vers héroïque.] Voyez la Rhétorique, III, 3 et 8 Horace, Art Poétique, v. 74 et suiv.
Le plus plein.] Ὀγϰωδέοταττον. Voyez Démétrius, Sur le Style, § clxxvii : Τό ὀγϰηρὀν ἐν τρισίν, πλάτει , μήϰει,πλάσματι, etc.
Celui-ci convient à la danse.] C’est le tétramètre trochaïque. Voyez plus haut, chap. iv, et la Rhétorique, III, 1 et 8 : Ἔστι γὰρ τροχβρòς βυθμòς τὰ τετράμεετρα.
Après quelques mots d’entrée.] Φροιμιασάμενος pour μιασάμενος (cf. Rhétorique, III, 14), par une contraction et un effet d’aspiration analogue à τερθβύρομαι pour τερατεύομαι, Topiques, VIII, 1.
L’incroyable.] Mot à mot : le déraisonnable, τò ᾄλογον, comme plus haut, chap. xv. Cf. Rhétorique, III, 17 : Εἴ τιψεύδεται έϰτòς τοῦ πράγματος.
La poursuite d’Hector.] Un critique ancien, Magaclide, cité par le scholiaste
de Venise sur ce passage de l’Iliade, en blâme aussi
l’invraisemblance. — Le Tasse relève ici une lacune importante
dans les observations d’Aristote, et il essaye de la justifier. Dans ses
Discorsi dell’arte poetica, I, p. 19, éd. 1804, après avoir marqué
la différence qui, selon lui, doit exister entre les héros épiques et les
héros tragiques : « Dalle cose dette può esser manifesto, che la
differenza ch’è fra la tragedia e l’epopeia non nasce solamente della
diversità degl’instrumenti e del modo dell’imitare, ma molto
più e molto prima della diversità delle cose imitate, la qual differenza è
molto più propria, è più intrinseca, e più essenziale dell’altre e se
Aristotile non ne fà menzione, è perchè basta a lui in quel luogo di
mostrare che la tragedia e l’epopeia siano differenti, e cio abbastanza si
mostra per quelle altre due differenze, le quali a prima vista sono assai
più note, che questa non è. »
Mentir comme il convient.] Aristote donne de même, dans la Rhétorique, i, 1 et 15, des règles pour soutenir le pour et le contre sur la même thèse ce qui ne l’empêche pas dans la Morale à Nicomaque, IV, 13, de condamner formellement le mensonge. Cf. la Métaphysique, IV, 29 les Pensées de Platon de V. Le Clerc, p. 537, 538 Pindare, Néméenne VII, v. 22.
Par un faux raisonnement.] Παραλογισμόϛ. Rhétorique, II, 22 : Παραλογίζεται ὁ ἀϰροατὴς ὄτι ἐποίησεν ἢ οὐϰ ἐποίησεν οϋ δεδειγμένου. Comparez plus haut, chap. xvi.
Si le premier fait est faux, etc.] Passage très-obscur le texte des mss. est évidemment corrompu aux mots : διò δή, άλλου δέ (on lit aussi ἄλλ̕ οῦδέ et ἄλλλο δέ), ἢ προσθεῑναι. Nous avons adopté les conjectures de Vahlen, qui permettent au moins de voir un sens raisonnable dans la phrase d’Aristote pour la construire grammaticalement, il faudrait, en outre, lire, avec Bonitz, δεῖ, pour δή mais il resterait encore à expliquer προσθεῖναι. Nous n’avons pas tenu compte dans la traduction des trois mots : διὸ δε (ou δή) προσθεῖναι, qui restent obscurs, même dans le texte de Vahlen. — Dacier et Batteux ne s’inquiètent que du raisonnement même d’Aristote, sans songer aux difficultés que présente le texte même. Quant à l’exemple que cite Aristote, Dacier le croit interpolé il l’interprète de travers, après avoir lui-même choisi d’autres exemples dans Homère. Batteux, dans ses Remarques, ne parle pas même de cet exemple, et il en donne un autre, qui est de l’invention d’Heinsius. Ils n’ont pas observé que les Νίπτρα, déjà cités au chap. xvi, ne comprennent pas seulement le court incident du bain d’Ulysse, mais tout ce qui s’y rattache dans le XIXe chant de l’ Odyssée. Or, dans sa première entrevue avec Pénélope, Ulysse, sous le faux nom d’Æthon et sous les habits d’un mendiant, se donne pour un guerrier qui a vu Ulysse à la guerre de Troie, et il décrit l’extérieur de ce héros : là-dessus Pénélope fait le faux raisonnement dont notre philosophe a loué Homère. Hermann explique très-bien cette allusion, et par là même il justifie l’authenticité des mots παράδειγμα, etc., qui manquent dans plusieurs manuscrits. Vettori, qui les connaissait, sans les avoir insérés dans son texte, n’y devinant aucun rapport avec la scène de la reconnaissance d’Ulysse par Euryclée, supposait qu’il pouvait bien être question d’une pièce de Sophocle, intitulée aussi Νίπτρα. — Sur ἐϰ τῶν Νίπτρων, au lieu de ἐν, comparez dans la Rhétorique, II, 23, et III, 16, des locutions analogues.
Le muet qui vient de Tégée.] C’est Télèphe lui-même, le principal héros de cette ◀tragédie, qui était parodié, à ce propos sans doute, par Alexis, dans son Parasite. Voyez Athénée, X, p. 421 D. Télèphe expiait par un silence volontaire le meurtre de ses deux oncles. Voyez Hygin, Fables 100 et 244. Cf. Eschyle, Euménides, v. 421 (ou 446).
Si la fable a été faite ainsi.] Ἂν δὲ θῆ, expression aristotélique : voyez les Topiques, VIII, 1.
Homère adoucit et efface.] Ἀφανίζει ήδύνων. Rhétorique, III, 17 : έϰϰρούουσι γὰρ αἱ ϰινήσεις άλλήλας αί ᾰμα ϰαί ή άφανίζουσιν ῆ άφανεῖς ποιοῦσι.