(1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PRÉAMBULE. » pp. -
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(1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PRÉAMBULE. » pp. -

PRÉAMBULE.

Ce n’est pas assez que le langage soit vrai et qu’il exprime d’une manière précise nos pensées et nos sentiments ; ce n’est pas même assez qu’il soit correct et suive en tous points les règles de la grammaire. S'il en était ainsi, la langue latine ne saurait offrir de sérieuses difficultés ; car enfin, ces règles de grammaire, que l’on a beaucoup trop multipliées, peuvent se réduire à un petit nombre ; et, si on les étudie avec méthode, il sera facile de les apprendre en peu de temps ; puis, avec un peu d’attention et de discernement, on viendra facilement à bout de les appliquer d’une manière convenable. Il faut aussi que le langage soit beau, et que, par le choix des mots, la délicatesse des expressions, la structure de la phrase, il revête ces formes gracieuses, ces tournures élégantes qui donnent de la noblesse au style et caractérisent le véritable écrivain.

A l’étude des règles grammaticales, il faut donc ajouter une autre étude plus sérieuse et plus attrayante, celle du génie de la langue que l’on veut apprendre. Or, le moyen le plus simple, le plus naturel, nous disons même le moyen unique pour atteindre ce but, est de se familiariser avec les auteurs qui ont le mieux écrit en cette langue, de bien saisir le caractère propre et les formes diverses de leur style, de concevoir une idée exacte de la propriété des mots, de leur élégance, de leur disposition dans la phrase, de l’harmonie des périodes… Nous conseillons aux jeunes élèves de porter principalement leur attention sur les passages les plus saillants des modèles qu’ils auront sous les yeux, et d’en faire l’objet d’une étude toute spéciale. En suivant cette méthode, qui nous est spécialement recommandée par un grand poëte1, ils enrichiront leur esprit d’une foule de pensées nobles et fécondes, leurs cœurs s’épanouiront sous l’influence de sentiments élevés, et il se formera en eux comme un riche trésor de termes choisis et de tournures élégantes, où ils n’auront qu’à puiser quand il sera besoin d’écrire et de composer en latin.

Un maître habile et jaloux du progrès de ses élèves ne manquera pas de mettre à profit cette partie si intéressante des études latines. Mais, pour obtenir à cet égard des résultats satisfaisants, il faudra, avant tout, qu’il s’assujettisse lui-même à un travail sérieux, et que, dans la préparation des auteurs, il se rende un compte exact de tout ce qu’il y a de richesse, d’élégance, d’harmonie dans le style, et, en un mot, de toutes les beautés littéraires comprises dans le texte qu’il doit analyser. Dès lors, il lui sera facile, dans le cours de ses leçons, de dire des choses claires, précises, intéressantes, et de donner à son sujet tout le développement dont il est susceptible.

Nous lui conseillons aussi, comme une chose bien importante, de procurer à ses élèves des modèles d’analyse littéraire, et, dans la correction des thèmes ou des compositions latines, de leur communiquer de vive voix ou par écrit un texte corrigé qu’il aura préparé avec le plus grand soin, en s’aidant de son expérience, de ses études approfondies sur la langue latine ; en s’aidant surtout du texte original d’où ces thèmes ou ces compositions ont dû être tirés.

Nous lui conseillons également de réduire en questions les parties les plus intéressantes d’un sujet déjà expliqué, et d’habituer ses jeunes disciples à formuler eux-mêmes des réponses dans lesquelles ils reproduiront, autant qu’il leur sera possible, les termes choisis et les tournures élégantes de leurs auteurs.

Ce serait aussi une méthode bien profitable, de composer des thèmes d’imitation sur le texte d’une version déjà expliquée et apprise de mémoire, et d’obliger les élèves à se servir des mêmes expressions et à suivre le même ordre, le même enchaînement dans la structure de la phrase. De cette manière, ils auraient sous les yeux, et mieux encore dans leurs souvenirs, un texte modèle où ils puiseraient, pour faire leurs thèmes, des expressions justes, des tournures élégantes, des inversions conformes au génie de la langue latine.