Alfred de Musset
1810-1857
[Notice]
Dans le groupe romantique de 1828, M. Alfred de Musset se distingua tout d’abord par un air cavalier, et par une turbulence mutine qui ressemblait à l’espièglerie d’un page. Mais il avait beau narguer la muse classique, se travestir en Espagnol ou en Italien, faire scandale par son persiflage impertinent, mêler le grotesque au bizarre ou à l’impossible, sous ces déguisements se révélait le poëte fin, gracieux, tendre, original et franc qui devait se classer parmi les maîtres, à partir du jour où, s’affranchissant du paradoxe ou de l’imitation, et cessant d’alarmer le goût comme le sens moral, il laisserait enfin parler sincèrement ses émotions.
C’est assez dire que, chez M. Alfred de Musset, il faut faire la part du bon et du mauvais génie. Il eut le tort d’oublier trop souvent qu’il n’est pas permis aux intelligences supérieures d’amoindrir ou de dissiper le trésor dont la postérité leur demandera compte. Il entrevit l’idéal, mais comme une patrie absente, dont l’avaient exilé les écarts de sa fantaisie téméraire. Il malmena les cordes de sa lyre, et elles finirent par se briser prématurément sous sa main imprudente.
Mais s’il eut ses misères dont nous avons gémi, hâtons nous d’ajouter que ses bons moments furent excellents. Toutes les fois qu’il ose être lui-même, et respecte sa muse, il a des accents qui vont à l’âme, parce qu’ils en viennent. Vif, net, ferme, sobre et léger, son vers porte, avec une aisance supérieure, un bon sens spirituel, dont l’ironie et la finesse rappellent Marot, Régnier et La Fontaine. Son originalité tient à sa sincérité. Il se peint tel qu’il est, sans se flatter. En le lisant, on l’aime et on le plaint, comme un malade qui souffre, même quand il a le rire sur les lèvres. Cette bonne foi est son charme, et lui assure un long avenir1.
Le sommeil d’un enfant
À une étoile
Le cœur est poëte
Le passé. — L’avenir
L’incendie
La muse au poëte
a la malibran 3
L’espoir en dieu
O toi que nul n’a pu connaître,Et n’a renié sans mentir,Réponds-moi, toi qui m’as fait naître,Et demain me feras mourir !Dès que l’homme lève la tête,Il croit t’entrevoir dans les cieux :La création, sa conquête,N’est qu’un vaste temple à ses yeux.Dès qu’il redescend en lui-même,Il t’y trouve ; tu vis en lui.S’il souffre, s’il pleure, s’il aime,C’est son Dieu qui le veut ainsi.De la plus noble intelligenceLa plus sublime ambitionEst de prouver ton existence,Et de faire épeler ton nom3.………………Le dernier des fils de la terreTe rend grâces du fond du cœur,Dès qu’il se mêle à sa misèreUne apparence de bonheur.Le monde entier te glorifie ;L’oiseau te chante sur son nid ;Et pour une goutte de pluieDes milliers d’êtres t’ont béni.Tu n’as rien fait qu’on ne l’admire ;Rien de toi n’est perdu pour nous ;Tout prie, et tu ne peux sourire,Que nous ne tombions à genoux1.(Édition Charpentier.)
Tristesse
J’ai perdu ma force et ma vie2,Et mes amis, et ma gaîté ;J’ai perdu jusqu’à la fiertéQui faisait croire à mon génie3.Quand j’ai connu la Vérité,J’ai cru que c’était une amie ;Quand je l’ai comprise et sentieJ’en étais déjà dégoûté.Et pourtant elle est éternelle,Et ceux qui se sont passés d’elleIci-bas ont tout ignoré1.Dieu parle, il faut qu’on lui réponde ;Est d’avoir quelquefois pleuré2.