(1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195
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(1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195

Jean-Jacques Rousseau
1712-1778

[Notice]

Né à Genève, orphelin élevé presque à la grâce de Dieu, tour à tour apprenti, musicien ambulant, laquais, copiste, précepteur, secrétaire, commis de caisse, Rousseau promena d’aventures en aventures, de mécomptes en mécomptes une jeunesse vagabonde, indigente et humiliée, dont les souffrance romanesques aigrirent son cœur passionné. Mécontent de lui-même et des autres, il aima mieux déclarer la guerre à l’ordre social que de réformer son caractère ou d’accuser ses torts. Tourmenté par une imagination ombrageuse, il finit par tomber dans une noire misanthropie qui devint son supplice, et hâta la fin d’une existence solitaire et farouche que consumaient des craintes sans cause, et un orgueil sans bornes.

Intelligence plus puissante que saine, il eut moins de justesse que de force dans l’esprit. Mêlant la lumière aux ténèbres, il prêta un faux jour d’évidence à des thèses que lui inspirait le goût du paradoxe, de la contradiction ou de la singularité. Habile à déduire des conséquence rigoureuses de principes erronés qu’il formule avec l’aplomb d’un oracle, et eut l’ambition de façonner à sa fantaisie le cœur humain. On pourrait dire de lui : ce fut un malade qui voulut guérie les autres.

Toutefois, il faut lui savoir gré d’avoir admirablement parlé de l’âme t de Dieu à un siècle où il y eut des matérialistes et des athées. Touché par la beauté morale, il défendit les croyances éternelles du genre humain, il eut le cœur religieux, et fut excellent lorsqu’il eut raison avec tout le monde. Celui qui disait au baron d’Holbach :« La majesté des Écritures m’étonne », sema ses germes d’où le Génie de christianisme devait éclore.

Il eut surtout le mérite de sentir vivement les beautés de la nature. Ses descriptions ont de la couleur, de l’éclat et un charme pénétrant ; peintre ému, il mêle à ses tableaux un accent domestique et bourgeois qui est une importante nouveauté dans notre littérature.

Formé tout seul, sans maître, à l’école de la souffrance, son génie se compose d’imagination et de sensibilité, de logique et de véhémence ; il a de l’orateur le mouvement, la force, la dialectique pressante, l’abondance et la flamme. Il nous inspire une admiration inquiète, et mêlée d’une pitié qui, sans absoudre les écarts de son esprit, nous rend sympathiques à son cœur, et désarme les juges les plus sévères.

Les jeunes gens corrompus sont inhumains et cruels

J’ai toujours vu que les jeunes gens corrompus de bonne heure étaient inhumains et cruels ; leur imagination, pleine d’un seul objet, se refusait à tout le reste ; ils ne connaissaient ni pitié, ni miséricorde ; ils auraient sacrifié père et mère, et l’univers entier, au moindre de leurs plaisirs1

Au contraire, un jeune homme, élevé dans une heureuse simplicité, est porté par les premiers mouvements de la nature vers les passions tendres et affectueuses : son cœur compatissant s’émeut sur les peines de ses semblables ; il tressaille d’aise quand il revoit son camarade ; ses bras savant trouver des étreintes caressantes, ses yeux savent verses des larmes2 d’attendrissement ; il est sensible à la honte de déplaire, au regret d’avoir offensé. Si l’ardeur d’un sang qui s’enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit, le moment d’après, toute la bonté de son cœur1 dans l’effusion de son repentir ; il pleure, il gémit sur la blessure qu’il a faite ; il voudrait, au prix de son sang, racheter celui2 qu’il a versé : tout son emportement s’éteint, toute sa fierté s’humilie devant le sentiment de sa faute. Est-il offensé lui-même ? au fort de sa fureur, une excuse, un mot le désarme3 ; il pardonne les torts d’autrui d’aussi bon cœur qu’il répare les siens. L’adolescence n’est l’âge ni de la vengeance, ni de la haine ; elle est celui de la commisération de la clémence, de la générosité. Oui, je le soutiens, et je ne crains point d’être démenti par l’expérience, un enfant qui n’est pas mal né, et qui a conservé jusqu’à vingt ans son innocence, est, à cet âge, le plus généreux, le meilleur, le plus aimant et le plus aimable de tous les hommes4.

Si j’étais riche

Si j’étais riche, je n’irais pas me bâtir une ville en campagne, et mettre au fond d’une province les Tuileries devant mon appartement. Sur le penchant de quelque agréable colline bien ombragée, j’aurais une petite maison rustique, une maison blanche avec des contrevents verts5 ; et, quoiqu’une couverture de chaume soit en toute saison la meilleure, je préférerais magnifiquement6, non la triste ardoise, mais la tuile, parce qu’elle a l’air plus propre et plus gaie7 que le chaume, qu’on ne couvre pas autrement les maisons dans mon pays, et que cela me rappellerait un peu l’heureux temps de ma jeunesse8 J’aurais pour cour9une basse-cour, et pour écurie, une étable avec des vaches, afin d’avoir du laitage que j’aime beaucoup. J’aurais un potages pour jardin, et pour pare un joli verger. Les fruits, à la discrétion1des promeneurs, ne seraient ni comptés ni cueillis par mon jardinier, et mon avare magnificence n’étalerait point aux yeux des espaliers superbes auxquels à peine on osât toucher. Or, cette petite prodigalité serait peu coûteuse, parce que j’aurais chois mon asile dans quelque province éloignée où l’on voit peu d’argent et beaucoup de denrées, et où règnent l’abondance et la pauvreté2.

Là, je rassemblerais une société plus choisie que nombreuse d’amis3aimant le plaisir, et s’y connaissant, de femmes qui pussent sortir de leur fauteuil et se prêter aux jeux champêtres, prendre quelquefois, au lieu de la navette et des cartes, la ligne, les gluaux, le râteau des faneuses et le panier des vendangeurs4. Là, tous les airs de la ville seraient oubliés ; et, devenus villageois au village nous nous trouverions livrés à des amusements divers, qui ne pour le lendemain. L’exercice et la vie active nous feraient un nouvel estomac et de nouveaux goûts. Tous nos repas seraient des festins, où l’abondance plairait plus que la délicatesse. La gaieté, les travaux rustiques, les folâtres jeux, sont les premiers cuisiniers du monde5, et les ragoûts fins sont bien ridicules à des gens en haleine depuis le lever du soleil. Le service n’aurait pas plus d’ordre que d’élégance ; la salle à manger serait partout, dans le jardin, dans un bateau, sous un arbre, quelquefois au loin, près d’une source vive, sur l’herbe verdoyante et fraîche, sous des touffes d’aunes et de coudriers1 : une longue procession de gais convives porterait en chantant2l’apprêt du festin  ; on aurait le gazon pour table et pour chaises ; les bords de la fontaine serviraient de buffet, et le dessert pendrait aux arbres3.

Les mets seraient servis sans ordre, l’appétit dispenserait des façons4 ; chacun, se préférant ouvertement à tout autre, trouverait bon que tout autre se préférât de même à lui : de cette familiarité cordiale et modérée, naîtrait sans grossièreté, sans fausseté, sans contrainte, un conflit badin, plus charmant cent fois que la politesse, et plus fait pour lier les cœurs. Point d’importants laquais épiant nos discours, critiquant tous bas nos maintiens, comptant nos morceaux5d’un œil avide, s’amusant à nous faire attendre à boire, et murmurant d’un trop long dîner. Nous serions nos valets, pour être nos maîtres6 ; chacun serait servi par tous ; le temps passerait sans7 le compter, le repas serait le repos8, et durerait autant que l’ardeur du jour. S’il passait près de nous quelque paysan retournant au travail, ses outils sur l’épaule, je lui réjouirais le cœur par quelques bons propos, par quelques coups de bon vin qui lui feraient porter plus gaiement sa misère9 ; et moi, j’aurais aussi le plaisir de me sentir émouvoir un peu les entrailles, et de me dire en secret :« Je suis encore homme. »

Si quelque fête champêtre rassemblait les habitants du lieu, j’y serais des premiers avec ma troupe10. Si quelques mariages, plus bénis du ciel que ceux des villes, se faisaient à mon voisinage, on saurait que j’aime la joie, et j’y serais invité. Je porterais à ces bonnes gens quelques dons simples comme eux, qui contribueraient à la fête, et j’y trouverais en échange des biens d’un prix inestimable, des biens si peu connus de mes égaux, la franchise et le vrai plaisir. Je souperais gaiement au bout de leur longue table ; j’y ferais choses au refrain d’une vieille chanson rustique, et je danserais dans leur grange, de meilleur cœur qu’au bal de l’Opéra1

Le lever du soleil

On voit le soleil s’annoncer de loin par les traits de feu qu’il lance au-devant de lui. L’incendie augmente, l’orient paraît tout en flammes : à leur éclat, on attend l’astre longtemps avant qu’il se montre ; à chaque instant on croit le voir paraître : on le voit enfin. Un point brillant part comme un éclair2, et remplit aussitôt tout l’espace ; le voile des ténèbre s’efface et tombe ; l’homme reconnaît son séjour, et le trouve embelli. La verdure a pris, durant la nuit, une vigueur nouvelle : le jour naissant qui l’éclaire les premiers rayons qui la dorent, la montrent couverte d’un brillant de rosée qui réfléchit à l’œil la lumière et les couleurs. Les oiseaux en chœur se réunissent, et saluent de concert le père de la vie ; en ce moment, pas un seul ne se tait. Leur gazouillement, faible encore, est plus lent et plus doux que dans le reste de la journée3 : Il se sent 4 de la langueur d’un paisible réveil. Le concours de tous ces objets porte aux ses une impression de fraîcheur qui semble pénétrer jusqu’à l’âme. Il y a là une demi-heure d’enchantement auquel nul homme ne résiste : un spectacle si grand, si beau, si délicieux, n’en laisse aucun de sangfroid.

Jésus-Christ

La majesté de Ecritures m’étonne ; la sainteté de l’Évangile parle à mon cœur. Voyez les livres des philosophes avec toute leur pompe : qu’ils sont petits près de celui-là ! Se peut-il qu’un livre à la fois si sublime et si sage soit l’ouvrage des hommes1 ? Se peut-il que celui dont il fait l’histoire ne soit qu’un homme lui-même ? Est-ce là le ton d’un enthousiaste ou d’un ambitieux sectaire ? Quelle douceur, quelle pureté dans ses mœurs ! quelle grâce touchante dans ses instructions ! quelle élévation dans ses maximes ! quelle profonde sagesse dans ses discours ! quelle présence d’esprit, quelle finesse et quelle justesse dans ses réponses ! quel empire sur ses passions ! Où est l’homme, où est le sage qui sait agir, souffrir et mourir sans faiblesse et sans ostentation ? Quand Platon peint son juste imaginaire couvert de tout l’opprobre du crime et digne de tous les prix de la vertu, il peint trait pour trait Jésus-Christ ; la ressemblance en est si frappante, que tous les Pères l’ont senti, et qu’il n’est pas possible de s’y tromper2.

Quels préjugés, quel aveuglement ne faut-il point avoir pour oser comparer le fils de Sophronisque3au fils de Marie ! quelle distance de l’un à l’autre ! Socrate mourant sans douleur4, sans ignominie, soutint aisément jusqu’au bout son personnage ; et si cette facile mort n’eût honoré sa vie, on douterait si Socrate, avec tout son esprit, fut autre chose5qu’un sophiste. Il inventa, dit-on, la morale ; d’autre avant lui l’avaient mise en pratique ; il ne fit que dire ce qu’ils avaient fait ; il ne fit que mettre en leçons leurs exemples. Aristide1 avait été juste avant que Socrate eût dit ce que c’était que la justice. Léonidas2était mort pour son pays avant que Socrate eût fait un devoir d’aimer la patrie. Sparte était sobre avant que Socrate eût loué la sobriété ; avant qu’il eût loué la vertu, la Grèce abondait en hommes vertueux. Mais où Jésus avait-il pris chez les siens cette morale élevée et pure dont lui seul a donné les leçons et l’exemple ? Du sein du plus furieux fanatisme3, la plus haute sagesse se fit entendre, et la simplicité des plus héroïques vertus honora le plus vil 4de tous les peuples. La mort de Socrate philosophant tranquillement avec ses amis est la plus douce5 qu’on puisse désirer ; celle de Jésus expirant dans les tourments, injurié, raillé, maudit de tout un peuple, est la plus horrible qu’on puise craindre. Socrate, prenant la coupe empoisonné, bénit celui qui la lui présente et qui pleure ; Jésus, au milieu d’un affreux supplice, prie pour ses bourreaux acharnés. Oui, si la vie et la mort de Socrate sont d’un sage, la vie et la mort de Jésus sont d’un Dieu6.

Conseils à un jeune homme 7

Vous ignorez, monsieur, que vous écrivez à un pauvre homme accablé de maux8, et, de plus, fort occupé9, qui n’est guère en état de vous répondre , et qui le serait encore moins d’établir avec vous la société que vous lui proposez. Vous m’honorez1 en pensant que je pourrais vous être utile, et vous êtes louable du motif qui vous la fait désirer ; mais, sur le motif2 même, je ne vois rien de moins nécessaire que de venir vous établir à Montmorcency. Vous n’avez pas besoin d’aller si loin chercher des principes de la morale ; rentrez dans votre cœur, et vous les y trouvez3 ; non, je ne pourrais vous rien dire à ce sujet que ne vous dise encore mieux votre conscience, quand vous voudrez la consulter. La vertu, monsieur, n’est pas une science qui s’apprenne avec tant d’appareil.

Pour être vertueux, il suffit de vouloir l’être ; et si vous avez bien cette volonté, tout est fait, votre bonheurs est décidé.

S’il m’appartenait de vous donner des conseils, le premier que je voudrais vous donner, serait de ne point vous livrer à ce goût que vous dites avoir pour la vie contemplative, et qui n’est qu’une paresse de l’âme, condamnable à tout âge et surtout au votre4. L’homme n’est point fait pour méditer, mais pour agir.

La vie laborieuse que Dieu nous impose n’a rien que de doux au cœur de l’homme de bien qui s’y livre en vue de remplir son devoir ; et la vigueur de la jeunesse ne vous a pas été donnée pour la perdre à d’oisives contemplations. Travaillez donc, monsieur, dans l’état où vous ont placé vos parents et la Providence : voilà le premier précepte de la vertu que vous voulez suivre ; et si le séjour de Paris, joint à l ‘emploi que vous remplissez, vous paraît d’un trop difficile alliage avec elle, faites mieux, monsieur, retournez dans votre province ; allez vivre dans le sein de votre famille ; servez, soignez vos vertueux parents : c’est là que vous remplirez véritablement les soins que la vertu vous impose.

Une vie dure est plus facile à supporter en province que la fortune à poursuivre à Paris, surtout quand on sait, comme vous ne l’ignorez pas, que les plus indignes manéges y font plus de fripons gueux que de parvenus1.

Vous ne devez point vous estimer malheureux de vivre comme fait monsieur votre père2, et il n’y a point de sort que le travail, la vigilance, l’innocence et le contentement de soi ne rendent supportable, quand on s’y soumet en vue de remplir son devoir. Voilà, monsieur, des conseils qui valent tous ceux que vous pourriez venir prendre à Montmorency ; peut-être ne seront-ils3pas de votre goût, et je crains que vous ne preniez pas le parti de les suivre ; mais je suis sûr que vous vous en repentirez un jour. Je vous souhaite un sort qui ne vous force jamais à vous en souvenir. Je vous prie, monsieur, d’agréer mes salutations très-humbles.

À la belle étoile

Je me souviens d’avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville, dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône ; car je ne me rappelle pas lequel des deux. Des jardins élevés en terrasse bordaient le chemin du côté opposé. Il avait fait très-chaud ce jour-là, la soirée était charmante, la rosée humectait l’herbe flétrie ; point de vent, une nuit tranquille ; l’air était frais sans être froid ; le soleil, après son coucher, avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion4 rendait l’eau couleur de rose ; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient l’un à l’autre. Je me promenais dans une sorte d’extase, livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m’apercevoir que j’étais las ; je m’en aperçus enfin. Je me couchai voluptueusement sur la tablette d’une espèce de niche ou d’arcade enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi ; je m’endormis à son chant. Mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour ; mes yeux en s’ouvrant virent le soleil, l’eau, la verdure, un paysage admirable. Je me levai, me secouai1 ; la faim me prit ; je m’acheminai gaiement vers la ville2.

Prière

Les riches et les puissants croient qu’on est misérable et hors du monde, quand on ne vit pas comme eux ; mais ce sont eux qui, vivant loin de la nature, vivent hors du monde. Ils vous trouveraient, ô éternelle beauté ! toujours ancienne et toujours nouvelle, ô vie pure et bienheureuse de tous ceux qui vivent véritablement, s’ils vous cherchaient seulement au dedans d’eux-mêmes ; si vous étiez un amas d’or, ou un roi victorieux qui ne vivra pas demain, ils vous apercevraient, et vous attribueraient la puissance de leur donner quelque plaisir : votre nature vaine occuperait leur vanité3.

Cependant, qui ne vous voit pas, n’a rien vu ; qui ne vous goûte pas, n’a jamais rien senti. Il est comme s’il n’était pas, et sa vie entière n’est qu’un songe malheureux. Moi-même, ô mon Dieu ! égaré par une éducation trompeuse, j’ai cherché un vain bonheur dans le système des sciences, dans la faveur des grands, quelquefois dans de frivoles et dangereux plaisirs. Parmi toutes ces agitations, je courais après le malheur, tandis que le bonheur était auprès de moi. Je n’ai cessé d’être heureux que quand j’ai cessé de me fier à vous. O mon Dieu ! donnez à ces travaux d’un homme, je ne dis pas la durée ou l’esprit de vie, mais la fraîcheur du moindre de vos ouvrages ! Que leurs grâces divines passent dans mes écrits, et ramènent mon siècle à vous, comme elles m’y ont ramené moi-même ! Contre vous, toute puissance est faiblesse ; avec vous, toute faiblesse devient puissance. Quand les rudes aquilons ont ravagé la terre, vous appelez le plus faible des vents ; à votre voix, le zéphyr souffle, la verdure renaît, les douces primevères et les humbles violettes colorent d’or et de pourpre le sein des noirs rochers1.