(1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — CHAPITRE IV. De la composition des vers. » pp. 295-331
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(1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — CHAPITRE IV. De la composition des vers. » pp. 295-331

CHAPITRE IV.

De la composition des vers.

Le premier exercice que l’on a coutume de faire, pour apprendre les règles de la versification, consiste à retourner les vers, c’est-à-dire à disposer convenablement les mots qui doivent entrer dans leur formation.

I

manière de retourner les vers hexamètres.

Ce qui offre le plus de difficultés dans la composition du vers hexamètre, ce sont les deux derniers pieds, dont l’un doit être un dactyle, et l’autre un spondée ou un trochée. Il faut donc, avant tout, se livrer à la recherche de ces deux derniers pieds. On en viendra facilement à bout, si l’on suit la méthode que nous allons indiquer.

Il faut voir d’abord si, dans la matière donnée pour faire le vers, il n’y a pas un mot de trois syllabes dont la première soit brève et la deuxième longue, comme prŏcēllă, hŏnōrēs, fĕrēbānt, etc. ; ou bien un monosyllabe bref, comme ăd, ĭn, sĕd, ăb, suivi d’un disyllabe dont la première soit longue, comme ăb āurīs, pĕr ōrbĕm, ĭn āurās, etc. Si de tels mots s’y trouvent, on commencera par les écrire à la fin du vers, en faisant de la première syllabe la fin du cinquième pied, et le sixième pied des deux autres syllabes :

……. fĕr | ēbānt.
……. ĭn | āurās.

Ensuite on cherchera un mot de deux syllabes, dont la première soit longue et la seconde brève, comme prātă l[ATTcaractere]tă, etc., pour achever le dactyle du cinquième pied :

……. | prātă fĕ | rēbānt.
……. | dīctă pĕr | āurās.
……. | υūltŭs ĭn | hōstĕm.

S'il n’y avait pas de disyllabe ayant la quantité voulue, il faudrait avoir recours à un mot de trois et même de quatre syllabes, dont la pénultième fût longue et la finale brève, comme ēϰtrēmă, rĕdĭmītă, pŏpŭlātūr, et achever ainsi le dactyle :

……. ēx | trēmă fĕ | rēbānt.
……. υī |rēsquĕ sĕ | cūndās.
……. pŏpŭ | lātŭr hŏ | ηōrēs.

Si la matière ne renfermait pas des mots de ce genre, mais qu’il y eût un ou plusieurs dactyles, il faudrait choisir celui qui conviendrait le mieux pour le sens et l’harmonie du vers, et le mettre au cinquième pied, comme :

….. frīgŏrĕ | mēmbră.
….. sīdĕră | pālmās.
….. M[ATTcaractere]s | tīssĭmŭs | Hēctor.
….. ēf | fūndĕrĕ | flētūs.
….. fŭ | rēntĭbŭs | aūstrīs.

Quand on aura disposé ainsi les deux derniers pieds, il faudra chercher dans la matière de quoi faire un pied et demi, depuis la césure du troisième pied, jusqu’au dactyle du cinquième. Ce pied et demi pourra être formé de trois syllabes longues, comme sūblīmēs, mōx qu[ATTcaractere]rūnt ; ou de deux longues et de deux brèves, comme mītīssĭmă, nōn sūstĭnĕt ; ou bien encore de deux brèves et de deux longues, comme rŭtĭlāntēs, sēd ĭn āurās. Par exemple :

…. sōl | vūntūr | frīgŏrĕ | mēmbră.
…. tēn| dēns ād |sīdĕră | pālmās.
…. lār | gōsque ēf |fūndĕrĕ | flētūs.
…. flāmmă fŭ | rēntĭbŭs | aūstrīs.

Cela fait, il ne restera plus que les deux pieds et demi du commencement, qui, pouvant être dactyles ou spondées, offriront peu de difficultés.

In sĕgĕ | tēm vĕlŭ | tī quūm | flāmmă fŭ | rēntĭbŭs | aūstrīs.
Extēmplo | Ænē |[ATTcaractere] sōl | vūntūr | frīgŏrĕ | mēmbră,
Ingĕmĭt | ēt dŭplĭ | cēs tēn | dēns ād | sīdĕră | pālmās.
Vīsŭs ăd | ēssĕ mĭ | hī lār | gōsque ēf | fūndĕrĕ | flētūs.

La raison de ces trois divisions que nous venons d’indiquer, savoir : la fin du vers qui comprend les deux derniers pieds, le milieu qui renferme un pied et demi, et le commencement, deux pieds et demi, c’est d’abord la difficulté que présentent les deux derniers pieds, dont l’un doit être dactyle ; c’est ensuite la césure qui doit se trouver au commencement du troisième pied.

S'il n’était pas possible de mettre une césure au troisième pied, il en faudrait nécessairement deux dans le vers, l’une au second pied, et l’autre au quatrième, comme on le voit dans le vers suivant.

Dēspĭcĭ | ēns mărĕ | vēlĭvo | l ūm, tēr | rāsquĕ jă | cēntēs .

Mais, dans ce cas, il faut faire en sorte que le troisième pied soit un dactyle suivi d’une césure ; autrement le vers serait dur à l’oreille, comme le suivant :

Sī cū | rāt cōr | spēctān | tīs tĕtĭ | gīssĕ quĕ | rēlā. Hor.

Ce serait pire encore, si, après la césure du second pied, il y avait un mot de quatre syllabes longues, comme dans cet autre vers :

Lecto | rem de | lectan | do, pari | terque mo | nendo.

Remarque. — Le vers hexamètre se termine quelquefois par deux monosyllabes, ou par le verbe est précédé d’une élision. Par exemple :

Quōd sī tāntŭs ămōr mēntī, sī tāntă cŭpīdo ēst. Virg.
Grāmmătĭcī cērtānt, ĕt ădhūc sūb jūdĭcĕ līs ēst.

Il y a plusieurs choses à observer dans la composition d’un vers :

La première, c’est de voir si la dernière lettre d’un dactyle est une consonne ou une voyelle. Si c’est une consonne, il faut avoir bien soin que le mot suivant commence par une voyelle ou une diphthongue ; autrement la dernière syllabe de ce dactyle deviendrait longue par position. Ainsi, après le verbe cōndĕrĕt, si l’on mettait muros au lieu de urbem, la dernière syllabe, ret, deviendrait longue, et il n’y aurait plus de dactyle. Il en serait ainsi de tout autre mot qui finirait par une voyelle brève et une consonne, et qui serait suivi d’un mot commençant par une consonne, comme dans ce vers :

Agrico | lām lau | dāt ju | rīs le | gumque pe | ritus.

Les finales de agricolam, de laudat, de juris, qui sont brèves de leur nature, deviennent longues par position.

Si, au contraire, la dernière lettre d’un dactyle était une voyelle, il faudrait nécessairement que le mot suivant commençât par une consonne ; autrement il se ferait une élision de la dernière syllabe. Ainsi, après cōgĕrĕ, si l’on mettait āgmen, la mesure se réduirait à quatre syllabes : cogĕr āgmen.

La seconde chose à observer, celle à laquelle nous attachons le plus d’importance, c’est de ne jamais se permettre des transpositions forcées, des déplacements de mots qui nuiraient à la liaison des idées, et obscurciraient le sens de la phrase47.

Si la matière donnée pour le vers est séparée par une virgule, il faut avoir soin de mettre au commencement tout ce qui est avant la virgule, sans jamais mélanger les mots qui précèdent avec ceux qui suivent, à moins que le sens ne le permette.

Je suppose que l’on ait cette matière :

Ora lacrymis rigat, palmasque tendit ad sidera.

La virgule placée après rigat ne permettant pas de passer outre, il faudra nécessairement mettre les trois premiers mots au commencement du vers, ainsi qu’il suit :

Oră rĭ | gāt lăcr[ATTcaractere] | mīs, tēn | ditque ad | sidera | palmas.

vers hexamètres a retourner.

De senectute.

« Frūstrā ōbsīstis : sĕnēctus mōrōsă vĕnĭet,
Quǣ răpĭet fōrmam pūlchram, vīvōsquĕ lĕpōrēs.
Fōrtis Mĭl[ATTcaractere] sǣpĕ hōstēs cērtāmĭnĕ vīcĕrat ;
Nēcquīcquam pālman rĕtŭlit : hūnc sĕnēctus rūgōsă
Pērcŭlit trīstī lūmĭnĕ cērnēntem īncāssum
Brāchĭă quōndam ōmnīnō ǣquālĭă Hērcŭlĕīs.
Frūstrā pērfidă Lāis sē in spĕcŭlō āspĭcĭēns,
Tēntat rĕpărārĕ dāmnum sĕnēctǣ mōrōsǣ ;
Nīl dēlet rūgās ănīlēs queīs frōns sūlcātur.
Dĭēs vīncit cūnctă, lōngǣvă vīncit vĕtūstās :
Vīrtūs sēmper fŭit sōlă, mănēbit sōlă. »

Tempestas describitur.

Cōntĭnŭō mūrmur aūdītur per ǣquŏră cōmmōtă
Ingēns, sīgnă cōnflictūs fŭtŭrī vēntōrum ;
Hōrrēndus răbĭōsi aūstrī sībĭlus rĕsŏnat :
Cǣlum tēctum cālīgĭnĕ spīssā dēnsātur.
Miscēntur ōmnĭă ; tērrǣ undǣ mīscēntur :
Tērrĭfĭcās fūlmĭnă, cālīgĭnĕ rūptā, nōctis
Tĕnĕbrās cōndēnsānt, tŏnītrŭă sēxcēntă māgnō
Rŭūnt cum strīdōrē hōrrĭdă, vĭcīssim rĕbŏāntquĕ ;
Et sēdāntur nūnc, ǣquŏris īnstar nūnc crēscūnt.
Jam vēntīs tŏnĭtrūquĕ cōncūssă lăbānt fŭrēntī
Mōntis prǣrūptī cūlmĭnă, īpsĕ mōns dĕhīscit.
Frāctīs vīscĕrĭbus, strīdōrĕ māgnō fĕrūntur
Prǣcĭpĭtēs flŭvĭī : ănĭmālĭă văcŭīs s[ATTcaractere]lvīs
Pāssim dīffŭgĭūnt per ăpērtōs cāmpōs tērrĭtă48

Hectoris exsequiœ.

« Quum jam almum diem retulit mortalibus læta
Aurora, audacem Hectorea cum fletibus tollunt,
Constituuntque ingentem pyram, summumque cadaver
Rogis imposuēre, atque favillas injecēre.
Postera quum roseos amictus retexit aurora,
Ad bustum Hectoris jacentis plebs circumfusa
Irruit : tum, innumerâ coronâ contemplante,
Pyram extinxēre, carchesia nigro Baccho
Fundentes ; dein sodales alba viri monumenta
Et socii legēre (pius imber oculos irrigat) ;
Lectaque mœsti in aurato feretro posuēre.
Et mox purpureis et mollibus peplis abdita
Misēre in cavam foveam, densosque supernè
Lapides straverunt, congestaque saxa in ordine.
Ibi speculator sedebat usquè ab alto tumulo,
Ne priùs Pelasgi inimico Marte ingruerent.
Mox reduces celebrant convivia lauto luxu,
In Priami ædibus, fumosaque siccant pocula.
Talia funera ritu ferali curārunt49. »

II

manière de retourner les vers pentamètres.

Le vers pentamètre, comme nous l’avons dit, se compose de cinq pieds, qui se divisent en deux hémistiches de deux pieds et demi chacun. Seulement il ne faut pas oublier que les deux pieds du premier hémistiches peuvent être dactyles ou spondées, et qu’ils doivent être suivis d’une césure ayant la valeur d’un demi-pied. Le second hémistiche, au contraire, se compose nécessairement de deux dactyles, plus une césure (qui peut être brève ou longue) ; ce qui oblige, pour plus de facilité, de commencer le vers par le second hémistiche. Nous allons indiquer les moyens les plus faciles d’en venir à bout.

1° S'il y a, dans la matière, un mot de deux syllabes, dont la première soit brève et la seconde longue, ou douteuse, ou même brève (ce qui est moins élégant), et qu’il puisse se transposer sans difficulté, on commencera par placer ce mot à la fin du vers, avec une séparation entre les deux syllabes :

…….. | nit.
…….. | gunt.

Il faut voir ensuite s’il n’y a pas un mot de trois syllabes, dont la première et la dernière soient brèves, comme clămārĕ, lăborĕ, ădēssĕ, Apōllŏ, rĕpēntĕ. Si ce mot s’y trouve, on l’écrira immédiatement avant :

……. A | pōllŏ că | nit.
……. rĕ | pēntĕ vĭ | œ.
……. ăd | ēssĕ Dĕ | os.

Après cela, on cherchera, pour achever le dactyle, un mot de deux syllabes, dont la première soit longue et l’autre brève :

…… dōctŭs A | pōllŏ că | nit.
…… mīllĕ rĕ | pēntĕ vĭ | œ.
…… rēbăr ăd | ēssĕ Dĕ | os.
Si l’on ne trouvait pas un mot de trois syllabes qui pût se joindre au dernier, il faudrait en choisir un de deux syllabes, dont la première fût longue et la seconde brève, comme :
……. bēllă că | nit.
……. frāgă lĕ | gunt.
……. fērrĕ nĕ | fas.

Puis il faudrait en ajouter un autre qui eût la valeur d’un dactyle, afin de compléter le premier hémistiche :

…… trīstĭă | bēllă că | nit.
…… mōllĭă | frāgă lĕ | gunt.
…… tālĭă | fērrĕ nĕ | fas.

Le second hémistiche ainsi achevé, il faudra composer le premier avec le reste de la matière :

Colle sub | umbro | so | mollia | fraga le | gunt.

Nous avons dit que le vers pentamètre doit finir par un disyllabe ; on pourra néanmoins le finir quelquefois par un mot de quatre syllabes : utitur | auxili | is ; ou bien par un monosyllabe précédé d’un autre monosyllabe, comme ĕt vŏlŭīssĕ săt ēst, Ov. ; ou même par le verbe est précédé d’une élision : prōxĭmă s[ATTcaractere]pĕ rŏsa ēst.

Remarques. — 1° Les bons auteurs semblent éviter avec le plus grand soin les élisions dans la seconde moitié du vers pentamètre. S'ils les admettent quelquefois, c’est quand elles sont douces et agréables à entendre, comme les élisions de que et de ve : Velleraque alba tegunt. Ov.

2° On sait que le vers pentamètre ne s’emploie jamais seul ; il est toujours précédé d’un hexamètre, et leur réunion forme un distique.

3° Chaque distique doit renfermer un sens assez complet pour que l’on puisse, à la rigueur, se passer de ce qui suit. C'est pourquoi le vers pentamètre doit se terminer par un point ou un deux-points, ou au moins par un point et virgule. Il est rare qu’une simple virgule puisse suffire.

4° Le vers pentamètre a beaucoup de grâce, quand les mots sont choisis avec goût, et comme liés entre eux par une heureuse combinaison. Par exemple :

Alta puellares tardat arena pedes. Ov.

exercices sur les distiques.

Ipsĕ mātūrō tēmpŏrĕ sĕram tĕnĕrās vītēs

Rūstĭcus, grāndĭă pōmă mănū făcĭlī.

Nec tămen pŭdĕat īntērdum bĭdēntem tĕnŭīssĕ,

Aūt tārdōs stĭmŭlō bŏvēs īncrĕpŭīssĕ.

Autre matière.

Lēctō āffīxus jăcēbat in mōrtĕ vīcīnā,
Quō nōn sĕnēx dītĭor tōtō ōrbĕ.
Mĕdĭcus fīdus ădēst, ōmnī mĕdĭcō prǣstāntĭor :
Prōmptă mĕdēlă pōrrĭgĭtur trīstī mălō ;
At trĭbus nūmmīs rĕdĭmēndă : dīscēdĭtĕ, dīxit :
Tāntă mĕdēlă fŏret dētĕrĭor lēthō.
Inĭmīcĕ Dis sĕnēx, aūrō Pr[ATTcaractere]sērpĭnă nōn caret,
Et Plūt[ATTcaractere] īmmītis nēscit căpī mūnĕrĕ.

Autre matière.

Scrībis ut lăcr[ATTcaractere]mābĭlĕ tēmpus stŭdĭō ōblēctem,
Nē sĭtū tūrpī pēctŏră nōstră pĕrĕānt.
Quod mŏnēs, ămīcĕ, dīffĭcĭllĕ ēst ; quĭă cārmĭnă lǣtum
Opus sūnt et vŏlūnt hăbērĕ mēntis pācem.
Fōrtūnă nōstră ăgĭtur per ādvērsās prŏcēllās,
Nūllăquĕ sōrtĕ mĕā pŏtēst ēssĕ trīstĭŏr.
Exĭgis ut in fūnĕrĕ nātōrum lūdat Prĭămus,
Et ut Nĭŏbē ōrbă dūcat chŏrōs fēstōs.
Lūctĭbŭs, stŭdĭō tĕnērī dēbērĕ vĭdĕor,
Sōlus jūssus ābīrĕ in Gĕtās ēxtrēmōs ?

Quand les élèves connaîtront suffisamment la structure des vers, et seront habiles à les retourner, il faudra les amener peu à peu à la composition écrite, en introduisant dans la matière des difficultés qui croîtront par degrés, selon les progrès et la force relative du plus grand nombre. Telles seront les substitutions ou équivalents, les synonymes, les épithètes, les périphrases, le développement du sujet.

I

des substitutions ou équivalents.

Les substitutions, dans la versification, sont des changements de mots, de genres, de nombres, de cas, de temps, de personnes, de modes, qui facilitent la facture du vers et contribuent aussi à son élégance.

1. Substitution des substantifs.

Les poëtes font un fréquent usage de la métonymie ; ainsi ils prennent souvent l’effet pour la cause, le contenant pour le contenu, le signe pour la chose signifiée, le nom de la matière pour la chose qui en est faite, le terme abstrait pour le terme concret, et réciproquement.

Exemples :

Aut Ararim Parthus bibet, aut Germania Tigrim.

(Parthus au lieu de Parthi ; c’est le singulier pour le pluriel. Germania pour Germani ; c’est le terme abstrait pour le terme concret. Ararim, Tigrim ; c’est le tout pour la partie.)

Regali conspectus in auro nuper et austro.

Ici les mots auro et austro désignent la matière pour la chose qui en est faite : l’or et la pourpre, pour des vêtements d’or et de pourpre.

Ante focum si frigus erit, si messis in umb ra.

Ici frigus est mis pour hyems, messis pour œstas ; c’est l’effet pour la cause.

Les poètes font aussi un fréquent usage de la synecdoche ; ainsi, ils emploient souvent la partie pour le tout, le genre pour l’espèce, le singulier pour le pluriel, et réciproquement, etc.

Exemples :

Tum pavidœ matres tectis ingentibus errant.
(Tectis, les toits, pour œdibus, les appartements.)
…… quœ te tam lœta tulerunt Sœcula ?
(Sœcula pour sœculum.)
Uterumque armato milite complent.
(Milite pour militibus.)

Souvent aussi ils emploient un substantif au lieu d’un adjectif.

Exemple :

Indutosque jubet truncos hostilibus armis
Ipsos ferre duces, inimicaque nomina figi.
(Hostilibus pour hostium, et inimica pour inimicorum.)

Ils remplacent l’ablatif, soit par le génitif : fessi rerum, fidens animi, œvi maturus, dives opum, lœta laborum, etc. ; soit par le datif : ardet apex capiti ; miseris causam lacrymis ; solus tibi certet Amyntas, etc ; soit par l’accusatif : os humerosque deo similis ; exuvias indutus Achillis ; fractus membra labore.

(Voir, dans le Traité d’élégance, à la page 156, l’article concernant les hellénismes.)

2. Substitution des adjectifs.

Les poëtes latins mettent quelquefois un adjectif neutre avec un substantif masculin ou féminin. Ex. : Triste lupus stabulis — funestum frugibus imber.

Ils mettent aussi l’adjectif au pluriel neutre avec le substantif au génitif.

Exemples :

Obsedere alii telis angusta viarum.
(Pour vias angustas.)
Ferimur per opaca locorum.
(Pour opaca loca.)

Ils changent l’adjectif en un substantif.

Exemple :

Inclementia divum has avertit opes.
(Pour inclementes divi.)

Ils emploient fréquemment l’hypallage, et font accorder l’adjectif avec un autre nom que celui auquel il doit se rapporter.

Exemple :

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram.
(Pour ibant soli per umbram sub nocte obscurâ.)

Ils appliquent à une chose une épithète qui ne convient qu’à une personne.

Exemple :

Heu fuge crudeles terras, fuge littus avarum.

Un rivage cruel, une terre avare, c’est-à-dire où règne un roi cruel et avare.

Ils changent fréquemment les adverbes en adjectifs.

Exemple :

Ferte citi ferrum, date tela, scandite muros.
(Citi pour citò.)
3. Substitution des verbes.

Dans un récit, les poëtes emploient souvent l’infinitif au lieu de l’indicatif.

E xemple :

Nos pavidi trepidare metu, crinemque flagrantem
Excutere, et sanctos restinguere fontibus ignes.

Ils mettent fréquemment l’infinitif au lieu du gérondif en di ou en do.

Exemple :

Sed si tantus amor casus cognoscere nostros.

Ils construisent aussi avec l’infinitif des verbes qui devraient être au supin ou au gérondif en dum.

Exemples :

Omne quùm Proteus pecus egit altos
Visere montes.
(Visere pour visum ou ad visendum.)
Impulerat ferro argolicas fœdare latebras. Virg.

Ils emploient le parfait de l’infinitif au lieu du présent.

Exemples :

Tum certare odiis, tum res rapuisse licebit. Virg.

Si curat cor spectantis tetigisse querela. Hor.

Ils mettent souvent à l’imparfait, au parfait et au plus-que-parfait de l’indicatif des verbes qui devraient être au conditionnel en français.

Exemple :

Nec veni, nisi fata locum sedemque dedissent.
Et si fata deûm, si mens non lœva fuisset,
Impulerat ferro argolicas fœdare latebras.

Outre les substitutions de mots, il y a aussi dans les lettres et les syllabes des altérations qui sont d’un fréquent usage dans la poésie. Telles sont :

1° La syncope ou suppression d’une syllabe, soit dans les noms, comme di pour dii, tuguri (au génitif sing.) pour tugurii, divûm, superûm, virûm, etc., pour divorum, superorum, virorum ; periculum pour periculum, vincla pour vincula, etc. ; soit dans les verbes, comme amârat pour amaverat, lenîbant pour leniebant, implêssem pour implevissem, etc.

2° La synérèse ou crase, qui réunit deux syllabes en une seule, comme suāvis, suētus, suādes, cuī, deīn, deēn, deēst, anteīre, etc.

3° La tmèse, qui coupe et sépare certains mots composés. Par exemple :

Jamque adeo super unus eram…….
(Pour unus supereram.)
Quò me cumque rapit tempestas, hùc feror hospes. Hor.
(Pour quòcumque.)
Et multo nebulœ circùm dea fudit amictu.

Les autres licences, qui sont moins fréquentes, s’apprendront suffisamment par l’usage.

II

des synonymes.

Quand un mot n’est point poétique, ou qu’il ne convient pas à la mesure du vers, on le remplace par un synonyme, c’est-à-dire par un autre mot qui exprime la même idée sous une forme plus poétique, et qui a la quantité voulue.

Ainsi, au lieu de dire :

Indè vadit in portum, on dira : Hinc portum petit.
Non habes vultum humanum Haud tibi vultus mortalis
Non tibi dea mater, Non tibi diva parens
Ubi naves fuerunt in mari Ut pelagus tenuêre rates

Les synonymes que l’on trouve dans le dictionnaire ne sont pas tous admissibles, soit parce qu’ils n’expriment point l’idée sous une image poétique, soit parce que le sens qui leur est propre s’éloigne trop de celui que l’on veut exprimer.

Si, au lieu de dire avec Virgile : Hi summo in fluctu pendent, on disait : Hi summo in fluctu sistunt, l’image disparaîtrait, ainsi que la beauté du vers.

Si, au lieu de dire :

Invadunt urbem somno vinoque sepultam,

on disait : Somno vinoque fruentem, la pensée du poète serait travestie d’une manière ridicule.

Souvent un mot a plus de synonymes que le dictionnaire n’en indique. Il faut alors chercher dans son esprit ou dans ses souvenirs d’autres expressions qui rendent aussi bien et mieux, s’il est possible, l’idée du mot que l’on veut changer. — Supposons qu’il y ait dans la matière ces deux mots fluctus dividere, fendre les flots, il sera facile de voir que le verbe dīvĭdĕrĕ ne convient ni au sens, ni à la mesure. En cherchant dans le gradus, on trouvera disjungere, distrahere, separare, qui ne conviennent pas mieux. Mais on n’aura qu’à se rappeler les verbes qui se combinent bien avec fluctus, et l’on trouvera secare, scindere, findere, sulcare, verrere, etc., verbes qui expriment la même idée sous des images plus poétiques.

Pour trouver plus facilement des synonymes, il faut aussi se rappeler ce que nous avons dit au sujet des figures, que l’on peut mettre quelquefois la cause pour l’effet, le contenant pour le contenu, le signe pour la chose signifiée, le terme abstrait pour le terme concret, le genre pour l’espèce, la partie pour le tout, etc. ; que l’on peut et que l’on doit même, en poésie, employer des expressions métaphoriques, etc.

III

des épithètes.

Les épithètes (de ἐπιτίθημι, ajouter) sont des adjectifs que l’on ajoute aux substantifs pour leur donner plus de force, plus d’élévation et de noblesse ; quelque chose de plus gracieux, de plus délicat, de plus touchant ; quelque singularité piquante, une couleur plus riante et plus vive, des traits plus sensibles aux yeux de l’intelligence et de l’imagination.

Les épithètes qui ne présentent pas quelques uns de ces caractères, doivent être bannies de la poésie, comme des mots parasites qui ne font que ternir l’idée exprimée par les substantifs50

Les épithètes se tirent principalement de la nature des choses, des circonstances, du caractère.

Epithètes tirées de la nature des choses.

Les épithètes tirées de la nature des choses, sont celles qui expriment quelques propriétés naturelles, comme la matière, la forme, la couleur, etc. Ainsi, l’eau est naturellement liquide, l’oiseau revêtu d’ailes, la neige blanche, le soleil radieux, etc. Si donc je dis : unda liquida, avis pennata, nix candida, sol lucidus, les mots liquida, pennata, candida, lucidus, seront des épithètes puisées dans la nature même des choses.

Ces sortes d’épithètes, n’énonçant que des généralités, ne sont le plus souvent, sous la plume de jeunes élèves, qu’un remplissage inutile, une sorte de pléonasme vicieux que l’on doit éviter.

Il y a donc un choix à faire, et ce choix exige beaucoup de discernement. On doit rechercher de préférence les épithètes qui font image et peignent la chose dont on parle, en mettant sous les yeux ses qualités les plus saillantes. Il faut, au contraire, éviter celles qui sont communes et triviales, celles qui n’éveillent dans l’esprit que des idées vulgaires, sans ajouter aucun intérêt à la pensée.

Si l’on disait, en parlant de la neige qui couvre les campagnes : Candida nix operit campos, l’épithète candida serait ici choisie avec goût, parce qu’il s’agit précisément de peindre la surface de la terre blanchie par une couche de neige.

Virgile, parlant des soins que l’on doit aux abeilles, et des plantes qu’il faut cultiver autour de leurs ruches, s’exprime ainsi :

Hœc circùm casiœ virides, et olentia latè
Serpylla, et graviter spirantis copia thymbrœ
Floreat, irriguumque bibant violaria fontem.
« Qu'autour d’elles fleurissent la verte lavande, le thym, le serpolet à la suave odeur, et que la violette y boive une onde pure. »

Ces vers plaisent surtout à cause des épithètes qu’ils renferment, et qui sont puisées dans la nature des choses dont il s’agit. En effet, ces mots virides, olentia latè, spirantis graviter, irriguum, peignent admirablement les divers objets dont parle Virgile, et répondent parfaitement au but qu’il s’est proposé. D'abord, ce sont des touffes de lavande au vert feuillage, chose si agréable aux abeilles ; puis du thym, du serpolet exhalant au loin leurs suaves odeurs, olentia latè, afin que les ruches en soient embaumées ; enfin, ce sont des violettes arrosées d’une onde pure, irriguum(de irrigare, quasi rivum agere), qui arrose, qui baigne en coulant.

Epithètes tirées des circonstances.

Les meilleures épithètes se tirent généralement des circonstances du sujet que l’on traite ; elles expriment alors non plus l’état habituel d’une chose, mais l’influence que cette chose exerce comme cause, comme moyen, ou comme effet. L'exemple suivant nous le fera comprendre.

Supposons cette matière : Nix avibus infert mortem. Un écolier, qui ne consulte que le gradus, ferait à peu près ainsi :

Mortem avium turbœ nix infert alba loquaci.

Mais on voit, au premier coup d’œil, que les épithètes alba et loquaci ne valent rien ; elles sont tirées de la nature des choses ; il fallait, au contraire, les puiser dans les circonstances du sujet, et considérer pour cela les causes et les effets, tant au physique qu’au moral.

Pourquoi la neige fait-elle périr les oiseaux ? est-ce parce qu’elle est blanche ? Non, assurément ; c’est parce qu’elle est froide et glacée ; c’est parce que, en couvrant la surface de la terre, elle empêche ces petits habitants des airs d’y chercher leur nourriture. Telle est donc l’action physique de la neige, que je dois considérer, et qui me fournit les épithètes frigida, gelida, glacialis, ou inops cibi, dapibus egens, victum negans, etc. Mais quelle épithète donner à avibus ? L'adjectif loquacibus exprime bien l’état habituel des oiseaux ; mais c’est ici leur situation présente qu’il faut envisager. Ces petits êtres souffrants, sur le point de périr, ont-ils envie de gazouiller ? ne sont-ils pas silencieux ? leur bouche n’est-elle pas muette ? Loquacibus serait donc un vrai contre-sens. C'est mutis, tacitis, silentibus, qu’il faut choisir pour épithètes.

Outre le côté physique, on peut aussi considérer la chose au point de vue moral. Si donc je veux donner à avibus une autre épithète que mutis, je les envisage sous le rapport moral, et je me demande : Pourquoi ces oiseaux ne chantent-ils pas ? C'est parce qu’ils sont tristes, souffrants, transis de froid, et cette réflexion me fournit d’autres épithètes : mœstis, afflictis, algentibus, etc.

De même, pour donner à nix une autre épithète que frigida, je dis en moi-même : Ce qui cause la mort est odieux, funeste, pernicieux, etc. ; je choisirai donc l’un de ces mots : noxia, inimica, funesta, exitiosa, etc. Ce genre d’épithètes se rattachant à un ordre d’idées plus élevées et offrant par là même un plus grand intérêt, mérite aussi la préférence. Néanmoins le mélange des idées physiques et morales produit souvent le plus bel effet51

Epithètes tirées du caractère.

Le caractère de l’homme et les propriétés particulières des choses sont deux autres sources d’épithètes. Chaque personne, en effet, a son caractère propre, ses qualités et ses défauts, qui fournissent autant de qualificatifs au nom qui la désigne. Ainsi, Virgile a dit : pius Æneas, fortis Achilles, duplex, dirus Ulysses, Mezentius contemptor deûm, aspera Juno. Horace a dit : Medea ferox, flebilis Ino, perfidus Ixion, Io vaga, tristis Orestes, impiger, iracundus, inexorabilis, acer Achilles.

Chaque chose a aussi quelque propriété spéciale qui lui convient dans la plupart des circonstances, même dans celles qui ne paraissent avoir aucun rapport avec l’idée que l’on veut exprimer. Ainsi, ce qui caractérise le mieux ces plantes délicieuses que nous nommons le thym et le serpolet, ce sont les suaves odeurs qu’elles exhalent. C'est pourquoi ces épithètes, fragrantes, suaviter olentes, spirantes graviter, leur conviennent presque toujours.

Remarques. — 1° Les épithètes, comme nous l’avons déjà vu dans le Traité d’élégance, se placent généralement avant le nom qu’elles modifient, comme dans ce vers de Virgile :

Tityre, tu patulœ recubans sub tegmine fagi.

Il est néanmoins des circonstances où il vaut mieux les placer après leurs substantifs ; c’est quand l’intérêt de la pensée ou l’harmonie du vers l’exigent ainsi. Quand Virgile a dit, en parlant des Troyens qui surnagent au milieu des flots :

Apparent rari nantes in gurgite vasto,

il a eu soin de placer l’épithète vasto à la fin du vers, afin que l’image fût plus sensible et offrît un contraste plus frappant avec l’autre épithète rari, qui est au commencement.

2° Un substantif ne doit avoir communément qu’une seule épithète, à moins qu’on ne veuille énumérer les qualités d’un objet en les accumulant, comme dans ce vers de Virgile :

Monstrum horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum.

ou qu’elles ne soient unies par une conjonction, comme dans cet autre vers :

At lœtus Mnestheus successuque acrior ipso.

IV

de la périphrase.

La périphrase ou circonlocution consiste à exprimer en plusieurs mots ce qu’on aurait pu dire plus brièvement, et souvent même en un seul mot. Ainsi, au lieu de aves, les oiseaux, on dira alituum ou aligerum genus, ou pennata cohors ; au lieu de zephyrus, on dira : blandior aura favoni ; au lieu de aquila, l’aigle, on dira : Jovis ales, ou minister fulminis ales ; au lieu de arare, labourer, on dira : telluri infindere sulcos ; au lieu de navigare, on dira : vela dare in altum, ruere spumas salis, secundis ventis credere navem.

Souvent il arrive que l’on se sert de périphrases plus étendues pour donner plus de grâce, plus de couleur à la pensée. Ainsi, pour peindre l’aurore, Virgile dira :

Postera jamque dies primo surgebat Eoo,
Humentemque Aurora polo dimoverat umbram.

Pour peindre le déclin du jour, il dira :

Et jam summa procul villarum culmina fumant,
Majoresque cadunt altis de montibus umbrœ.

La périphrase ne doit être employée que pour exprimer une idée par des traits plus distincts et plus sensibles, ou la présenter sous des couleurs plus vives et plus gracieuses.

V

du développement.

Ce n’est pas assez de changer et d’ajouter des mots, il faut aussi étendre la matière en y ajoutant des idées nouvelles qui intéressent le lecteur, qui lui plaisent et excitent son admiration.

Soit à développer cette matière : Philomela queritur amissos fetus. Un jeune élève, dont les idées sont si restreintes et le sentiment si peu développé, se trouvera bien embarrassé ; et si, après de vains efforts, on lui met sous les yeux ces beaux vers de Virgile, quel ne sera pas son étonnement ?

Qualis populea mœrens Philomela sub umbra,
Amissos queritur fetus, quos durus arator
Observans nido implumes detraxit ; at illa
Flet noctem, ramoque sedens, miserabile carmen
Integrat, et mœstis latè loca questibus implet.

Dédale, relégué dans l’île de Crète avec son jeune fils Icare, fabrique des ailes à l’aide desquelles ils puissent l’un et l’autre s’échapper de leur prison.

Matière. Icarus erat juxtà patrem suum, et nunc captabat plumas vento disturbatas, nunc mollibat ceram, lusuque suo patris labori obstabat..

Voici comment Ovide a su amplifier ce récit et le rendre poétique :

……. Puer Icarus unà
Stabat, et, ignarus sua se tractare pericla,
Ore renidenti, modò quas vaga moverat aura
Captabat plumas ; flavam modò pollice ceram
Mollibat, lusuque suo mirabile patris
Impediebat opus. Ov., Met., VIII, 13.

« Le jeune Icare était auprès de son père, et ne se doutant point que ce qu’il avait dans les mains devait lui causer la mort, le sourire sur les lèvres, tantôt il saisissait les plumes que le vent avait dispersées, tantôt il amollissait la cire avec son pouce, et, par ces jeux, il retardait l’ouvrage admirable de son père. »

Ignarus sua se tractare pericla, — ore renidenti, ces deux pensées, ajoutées à la matière, sont pleines de beauté. Icare ne sait pas combien ces plumes et cette cire qu’il a dans les mains doivent lui être funestes. Le poëte, par cette réflexion toute naturelle, intéresse en faveur de ce jeune captif. On souffre, en effet, en le voyant s’amuser et se jouer avec ces objets qui vont être si dangereux pour lui. Rien de si poétique que ce mot pericla pour causas periculorum.

Il faut admirer aussi la beauté naïve de cette seconde pensée, ore renidenti. En saisissant les plumes et en amollissant la cire, amusement qui lui plaisait beaucoup, il avait le sourire sur les lèvres, chose si naturelle à un enfant au milieu de ses jeux. Cette idée fait donc image dans le vers et en augmente la poésie.

Il faut remarquer aussi le choix et la beauté des autres expressions : le mot stabat, convenant si bien à un enfant qui est toujours sur pied, et qui devait, à plus forte raison, dans la circonstance présente, être debout à côté de son père ; puis cette alternative d’amusements si bien exprimée par l’adverbe modò répété deux fois ; la beauté de ce fréquentatif captabat, qui peint si bien l’empressement du jeune enfant à saisir les plumes que le vent avait emportées ; puis aussi cette cire qu’on voit s’amollir sous la pression de ses petits doigts ; enfin, le choix de cette épithète mirabile, convenant si bien à ce travail qui était une merveille.

Dédale attache ensuite les ailes fatales aux épaules de son fils. Il s’agit ici de peindre l’inquiétude de ce tendre père, qui redoute que cet instrument de salut ne devienne pour son enfant un instrument de mort.

Matière. Inter opus monitusque flevit senex, manus ejus tremuerunt ; osculavit filium.

Voici comment Ovide a exprimé ces idées :

Inter opus monitusque genœ maduere seniles,
Et patriœ tremuêre manus ; dedit oscula nato
Non iterum repetenda suo, etc.

« Au milieu de son travail et de ses conseils, les joues du vieillard se mouillèrent de larmes, ses mains paternelles tremblèrent ; il embrassa son fils, mais, hélas ! c’était pour la dernière fois. »

Genœ maduere seniles, comme cette périphrase est bien choisie ! combien elle donne de poésie à cette pensée, flevit senex ! Quel intérêt l’adjectif seniles ajoute au mot genœ : des joues de vieillard ! Mais ce qui frappe plus encore dans ces deux vers, ce sont ces expressions patriœ manus. Si Dédale tremble, c’est qu’il est père, et qu’il craint pour la vie de son fils52.

Nous voyons dans Virgile cette même idée reproduite dans des vers plus beaux encore. Il s’agissait de ce même Dédale qui avait gravé ses aventures sur la porte du temple d’Apollon, mais qui n’avait pu, à cause de sa douleur, y graver la chute de son fils.

Bis conatus erat casus effingere in auro,
Bis patriœ cecidêre manus. Æn., VI, 30.

Qu'il y a de beauté dans ces mots patriœ cecidêre manus ! Il semble voir les mains de ce tendre père qui s’élèvent pour commencer cette touchante peinture, et qui retombent aussitôt ; et pourquoi ? parce que ces mains sont mues par un cœur de père, et que la douleur les a rendues impuissantes.

sources de développement.

Les principales sources de développement sont : l’énumération des parties, la description, la comparaison, la répétition.

De l’énumération des parties.

L'énumération consiste à mettre sous les yeux les diverses parties d’un tout, les principales circonstances d’une action, certaines idées accessoires qui servent à développer l’idée principale.

Milton déplorant sa cécité : « Tout meurt, dit-il, et tout renaît ; mais la lumière ne revient pas pour moi. »

Louis Racine a développé ainsi cette pensée :

« Tout meurt et tout renaît : l’automne, tous les ans,
« Fait place au triste hiver, que suit le doux printemps ;
« Les zéphyrs en tous lieux ramènent la verdure,
« Aux arbres dépouillés ils rendent leur parure ;
« Et, par l’ordre constant d’une agréable loi,
« Tout revient ; mais le jour ne revient pas pour moi. »

Voici une pensée simple : Omnibus moriendum est. Horace a su l’étendre au moyen d’une périphrase :

Pallida Mors æquo pulsat pepe pauperum tabernas
Regumque turres. Hor., Odes, lib. I, iv.

Et ces vers d’Horace ont été amplifiés d’une manière admirable par un poète français :

« La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
« On a beau la prier,
« La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles,
« Et nous laisse crier.
« Le pauvre, en sa cabane où le chaume le couvre,
« Est sujet à ses lois,
« Et la garde qui veille aux barrières du Louvre,
« N'en défend pas nos rois. »

Virgile, au second livre des Géorgiques, voulant développer cette idée : O fortunatos nimiùm sua si bona norint agricolas ! fait une énumération magnifique des divers avantages de la vie champêtre. En lisant ces beaux vers, on ne peut s’empêcher d’admirer avec lui la grandeur et la variété des jouissances de la campagne.

De la description.

La description consiste à peindre sous les plus vives couleurs les attributs ou qualités principales d’une chose, à en reproduire les traits les plus saillants, les circonstances qui ajoutent le plus d’intérêt à l’objet que l’on décrit.

Homère et Virgile possèdent au plus haut degré le talent de la description poétique ; il suffit, pour en juger, de lire quelques pages de leurs écrits. Nous ne citerons ici pour exemple que ce magnifique passage du second livre de l’Enéide, où le grand poëte décrit l’incendie et le pillage de Troie. Les détails sont si bien choisis et tous les traits si bien exprimés, que le lecteur se sent réellement transporté au milieu de cette scène d’horreur. On doit surtout admirer la mort de Priam, qui est un véritable chef-d’œuvre. Toutes les circonstances en sont décrites de la manière la plus sensible et la plus propre à nous émouvoir : ce roi chargé d’années, qui revêt son armure quand on lui annonce que l’ennemi est maître de la ville ; la rencontre des membres de sa famille, qui vont se réfugier au pied d’un autel élevé au centre du palais, et contraignent l’auguste vieillard, malgré sa bouillante ardeur, à se réfugier avec eux dans cet asile sacré ; l’indignation de ce roi à la vue de Pyrrhus qui égorge l’un de ses fils ; le trait qu’il lui lance d’une main faible et tremblante ; la brutale fureur de Pyrrhus ; la manière dont il massacre ce vénérable vieillard : tous ces traits sont peints avec un talent inimitable. Nous n’en citerons que quelques vers :

« Forsitan et Priami fuerint quæ fata requiras ?
« Urbis ubi captæ casum, convulsaque vidit
« Limina tectorum, et medium in penetralibus hostem ;
« Arma diu senior desueta trementibus ævo
« Circumdat nequicquàm humeris, et inutile ferrum
« Cingitur, ac densos fertur moriturus in hostes.
« Ædibus in mediis, nudoque sub ætheris axe,
« Ingens ara fuit, juxtàque veterrima laurus,
« Incumbens aræ, atque umbrâ complexa penates.
« Hìc Hecuba et natæ nequicquàm altaria circùm,
« Præcipites atrâ ceu tempestate columbæ,
« Condensæ, et divûm amplexæ simulacra tenebant.
« Ipsum autem sumptis Priamum juvenilibus armis
« Ut vidit : Quæ mens tam dira, miserrime conjux,
« Impulit his cingi telis ? aut quò ruis ? inquit.
« Non tali auxilio, nec defensoribus istis
« Tempus eget : non si meus afforet Hector.
« Hùc tandem concede ; hæc ara tuebitur omnes,
« Aut moriêre simul, etc. » Virg., Æn., II, 506.

« Peut-être me demanderez-vous quelles furent les destinées de Priam. Dès qu’il voit la ville prise et saccagée, les portes de son palais forcées, et l’ennemi au milieu de ses appartements, le vieux monarque revêt en vain ses épaules tremblantes d’une armure depuis longtemps oubliée, et se ceint d’un fer inutile ; puis, victime dévouée à la mort, il va se précipiter à travers les rangs serrés des ennemis.

« Au centre du palais, sous la voûte découverte du ciel, s’élevait un grand autel ; un laurier antique inclinait sur lui son feuillage, et couvrait les pénates de son ombre hospitalière. Là, Hécube et ses filles, semblables à des colombes qu’une noire tempête a mises en fuite, étaient assises autour de l’autel, et tenaient embrassées les images de leurs dieux. Dès que la reine aperçoit Priam revêtu des armes de sa jeunesse : Quelle funeste pensée, ô malheureux époux ! vous a poussé à ceindre cette armure ? Où courez-vous ainsi ? Ce n’est point un pareil secours ni un tel défenseur que réclame la circonstance présente. Non, Hector lui-même, fût-il ici, ne pourrait nous sauver. Venez donc auprès de nous ; cet autel nous protégera tous, ou nous mourrons ensemble. »

(Nous laissons aux maîtres le soin de faire remarquer les principales beautés de ce passage, que la meilleure traduction ne saurait reproduire.)

De la comparaison.

La comparaison consiste à mettre en regard deux idées qui ont entre elles des rapports de similitude, et à rendre la première plus vive, plus touchante, plus lumineuse, en la rapprochant de la seconde qui est plus sensible, plus familière et plus facile à concevoir.

La poésie aime à se parer de comparaisons riches, nobles, touchantes, afin de plaire à l’imagination et au sentiment, et d’ajouter au sujet de nouvelles beautés. On en a vu un exemple dans le passage cité plus haut, où Virgile, avec une pensée pleine de délicatesse, compare à des colombes qu’une noire tempête a mises en fuite et précipitées en troupe sur une terre abritée, Hécube et ses filles qui, poursuivies par Pyrrhus, vont se réfugier au pied des autels.

« Hic Hecuba et natæ nequicquàm altaria circùm,
« Præcipites atrâ ceu tempestate columbæ,
« Condensæ, et divûm amplexæ simulacra tenebant. »

Dans le neuvième livre de l’Enéide, Euryale, percé par le trait du cruel Volscens, tombe à terre, et ne tarde pas à rendre le dernier soupir. Virgile ne pouvait mieux faire que de comparer le jeune guerrier soit à une fleur brillante dont la racine a été tranchée par le soc de la charrue, soit à un pavot qui laisse pencher vers la terre sa tête chargée de pluie.

« Volvitur Euryalus letho, pulchrosque per artus
« It cruor, inque humeros cervix collapsa recumbit.
« Purpureus veluti quùm flos succisus aratro
« Languescit moriens ; lassove papavera collo
« Demisere caput, pluvia quùm fortè gravantur. » Virg.

« Il se roule dans les bras de la mort, un sang virginal inonde ses beaux membres, sa tête défaillante se penche sur ses épaules. Ainsi une fleur brillante, tranchée par le soc de la charrue, languit et meurt ; ainsi le pavot, épuisé de lassitude, courbe sa tête chargée de pluie. »

Un écrivain moderne a peint, sous une belle comparaison, le pouvoir odieux de ces tyrans d’Egypte qui n’étaient grands que parce qu’ils vivaient dans une profonde solitude.

« Le prince, dit-il, était pour tous ses sujets un objet d’admiration et de terreur. Semblable à la foudre qui, retirée dans la profondeur des nuages, semble éclater avec plus de grandeur et de majesté ; c’était du fond de son labyrinthe que le monarque dictait ses volontés. »

Les comparaisons doivent être claires et de nature à mieux faire concevoir l’objet auquel elles s’appliquent. Si cet objet est grand et noble, il faut que tous les rapports de similitude concourent à en soutenir la dignité ; si son caractère est la beauté, il faut qu’ils servent à l’embellir ; si l’objet est effrayant, qu’ils soient capables de redoubler la terreur.

De la répétition.

La répétition des mêmes mots a beaucoup de grâce en poésie, quand elle sert à peindre les passions, comme la joie, la douleur, la tendresse, la compassion, l’étonnement.

Les Troyens, apercevant enfin l’Italie, la saluent par des cris d’allégresse. C'est donc une joie vive qui les domine, et que Virgile a si bien exprimée par la répétition du mot Italiam :

Cum procul obscuros colles humilemque videmus
Italiam : Italiam primus conclamat Achates ;
Italiam læto socii clamore salutant. Virg.

Orphée, retiré sur un rivage désert, chante nuit et jour la perte de sa chère Eurydice. C'est ici un sentiment de tristesse et de vive douleur. Voici comment Virgile a su le dépeindre :

Ipse cavâ solans ægrum testitudine amorem,
Te, dulcis conjux, te solo in littore secum,
Te veniente die, te decedente canebat.

La répétition s’emploie particulièrement, quand on veut s’appesantir davantage sur un objet et le rendre plus sensible.

Exemples :

…….Bella, horrida bella,
Et multo Tibrim spumantem sanguine cernam. V.
Sic oculos, sic ille manus, sic ora ferebat. V.

Quand il y a dans la matière deux petites propositions unies par la conjonction et, il est quelquefois plus élégant de supprimer cette conjonction et de répéter le nom.

Soit cette matière : Vino forma perit, et corrumpitur ætas.

On dira bien :

Vino forma perit, vino corrumpitur ætas.

Soit cette autre matière : Dii patrii, servate domum et nepotem. On dira :

Dii patrii, servate domum, servate nepolem. V.

Remarque. — Au lieu d’ajouter des mots, l’élégance consiste quelquefois à en retrancher.

Soit cette matière : Quæ didicimus in pueritiâ, ea dediscere nolumus, cum sumus senes. On dira avec plus d’élégance :

Quod pueri didicêre, senes dediscere nolunt. H. 53

DE LA CADENCE DANS LES VERS.

La cadence (de cadere, tomber) est une chute ou un repos qui se fait sentir après les différents pieds, et surtout après les différents membres qui composent le vers ou la phrase poétique.

« Il y a dans les vers une cadence simple, commune, ordinaire, qui se soutient également partout, qui rend le vers doux et coulant, qui écarte avec soin tout ce qui pourrait blesser l’oreille par un son rude et choquant, et qui, par l’heureux mélange de différentes mesures, forme cette harmonie si agréable qui règne dans tout l’ensemble d’un poème.

« Outre cela, il y a aussi certaines cadences particulières, plus marquées, plus frappantes, qui se font sentir plus vivement. Ces sortes de cadences forment une grande beauté dans la versification, et y répandent beaucoup d’agrément, pourvu qu’elles soient employées avec discernement, et qu’elles ne se rencontrent pas trop souvent. » (Rollin.)

Telles sont :

1° Les cadences graves et nombreuses :

Luctantes ventos, tempestatesque sonoras
Imperio premit. Virg.
Namque ut conspectu in medio turbatus, inermis,
Constitit, atque oculis phrygia agmina circumspexit. V.

2° Les cadences monosyllabiques :

Insequitur cumulo prœruptus aquæ mons. Virg.
Sternitur, exanimisque tremens procumbit humi bos. V.

3° Les cadences suspendues :

…. Tumidusque novo prœcordia regno
Ibat ; et ingenti, etc.
Hi summo in fluctu pendent, his unda dehiscens
Terram inter fluctus aperit.
Nec jam se capit unda : volat vapor ater ad auras.

4° Les cadences coupées :

Est in secessu longo locus : insula portum
Efficit…
Hæc ubi dicta, cavum conversa cuspide montem
Impulit in latus.

5° Les cadences légères et rapides, quand on multiplie les syllabes brèves :

Sic ait, et dicto citius tumida œquora placat.
Intonuere poli, et crebris micat ignibus æther.
Qu ā dr ŭ p ĕ d ā nt ĕ p ŭ tr ē m s ŏ n ĭ t ū qu ă t ĭ t ū ng ŭ l ă c ā mp ū m.

6° Les cadences douces, quand il n’y a point de lettres ni de syllabes dures à l’oreille :

Qualem virgineo demessum pollice florem
Seu mollis violœ, seu languentis hyacinthi. V.

7° Les cadences dures, quand on emploie des consonnes rudes, comme des r, des s, des x, des élisions produites par la rencontre de voyelles dont le choc blesse l’oreille.

Martius ille œris rauci canor increpat, et vox
Auditur fractos sonitus imitata tubarum.
Tum ferri rigor, atque argutæ lamina serræ, etc.

Il faut éviter, comme contraire à la cadence :

1° De faire rimer une partie d’un vers avec une autre partie, ou la fin d’un vers avec le suivant.

2° De donner au troisième et au quatrième pied la même cadence qu’au cinquième et au sixième.

3° De finir le sens à la fin de chaque vers ; ce serait une monotonie insupportable.

EXERCICES sur les vers hexamètres et pentamètres.

modération dans les désirs.

Distiques.

Alĭus cōngĕrat sĭbĭ dīvĭtĭās āurō fūlvō,
Et tĕnĕtat mūltă jūgĕră sŏlī cūltī ;
Quem āssĭdŭus lăbor tērrĕat hōstĕ vīcīnō ;
Cuī clāssĭcă Mārtĭă pūlsă fŭgēnt sōmnōs.
Paūpērtās mĕă mē trādūcat vītǣ ĭnērtī,
Dum mĕus fŏcus lūcĕat īgnĕ ēxĭgŭō ;
Nec dēstĭtŭat spēs, sēmper ăcērvōs frūgum
Prǣbĕat, et mūstă pīnguĭă lăcū plēnō.
Ipsĕ sĕram vītēs tĕnĕrās tēmpŏrĕ mature
Rūstĭcus pōmă grāndĭă mănū făcĭlī.
Nec tămen pŭdĕat īntērdum bĭdēntem tĕnŭīssĕ,
Aūt īncrĕpŭissĕ stĭmŭlo tārdōs bŏvēs ;
Nōn āgnāmvĕ pĭgĕat sĭnū, căpēllǣquĕ fētum
Dēsērtum mātrĕ ōblītā dŏmum rĕfērrĕ.
Egŏ hīc, mĕumquĕ pāstōrem quŏtānnīs lūstrārĕ,
Et sole[ATTcaractere] plăcĭdam Pălem lāctĕ spārgĕrĕ.

puissance du temps.

Distiques.

Tēmpŏrĕ tāurus pătĭēns ărātrī rūrĭcŏlǣ,
Et prǣbet cōllă prĕmēndă jŭgō īncūrvō ;
Tēmpŏrĕ ĕquus ănĭmōsus pāret lēntīs hăbēnīs,
Et āccĭpit dūrōs lŭpōs ōrĕ plăcĭdō.
Tēmpŏrĕ īră lĕōnum pǣnōrūm cōmpēscĭtur,
Nec ănĭmō, quǣ fŭit āntĕ, fĕrĭtās mănet.
Quǣquĕ sŭī măgīstrī Indă mŏnĭtīs ōbtēmpĕrat
Bēllŭă, tēmpŏrĕ vīctă sŭbit sērvĭtĭum.
Tēmpus făcit ūvă tŭmĕat răcēmīs ēxtēntīs,
Vīxquĕ grānă căpĭānt mĕrum hăbent īntŭs.
Tēmpus prōdūcit sēmen ărīstās cānās,
Et făcit nē pōmă sīnt săpōrĕ trīstī.
Hōc ĕtĭam mītĭgat paūlātim īrās sǣvas,
Lūctūs hōc mĭnŭit, lĕvatquĕ cōrdă mǣstă.
Pŏtēst ĭgĭtur cūnctă pĕdĕ tăcĭtō vĕtūstās lāpsă
Prǣtērquam cūrās mĕās āttĕnŭārĕ.

utilité de la science pour l’age mur.

Distiques.

Nec vĭŏlǣ sēmper flōrēnt līlĭă hĭāantĭă,
Et āmīssīs rŏsīs rĭget spīnă rĕlīctă ;
Jamque, fōrmōsĕ, tĭbĭ vĕnĭēnt cānī căpīllī ;
Jam rūgǣ vĕnĭēnt quǣ cōrpus ărēnt tĭbĭ.
Anĭmum mōlīrĕ quī dūret, fōrmǣ ādstrŭĕ :
Illĕ sōlus pērmănet ēxtrēmos rŏgōs.
Nec cŏlŭīssĕ pēctus ārtēs īngĕnŭās lĕvis
Cūră sit, et ēdĭdĭcī dŭās līnguās.
Ulīxēs nōn ĕrat fōrmōsus, fācūndus ērat ;
Et ǣquŏrĕās tămen ămōrĕ dĕās flēxit.
O quŏtĭēs Căl[ATTcaractere]psō dōlŭit īllum prŏpĕrārĕ,
Nĕgāvitquĕ ăquās ēssĕ āptās rēmĭgĭō !
Hǣc ĭtĕrūmquĕ rŏgābat cāsūs Trōjǣ :
Illĕ sŏlēbat sǣpĕ ĭdem ălĭter rĕfērrĕ.

agréments de la campagne.

Vers hexamètres.

O quæ deliciæ, dum æstas læta renascitur,
Habitare nemus secretum et rupes profundas !
Quàm suave fontis occulti ripas accedere,
Et agitare latices gelidos viridi sub umbrâ !
Virent illìc prata ; hic dehiscunt antra immensa.
Alia parte, lucos ingentes, et grata Camœnis
Vides antra, lacusque vivos, reductasque valles :
Dumque figis vestigia in arenâ flumineâ,
Cernis sylvas frondere sub amne illimi,
Effigiemque umbræ errantis, et virgulta motis
Arboribus intremere ; splendere lapides videntur,
Et conchæ niveæ vitreo sub gurgite apparent.
Innumeros quid dicam, lubrica examina, pisces,
Humida per æquora errare pinnis squamigeris ?
Lymphis colludunt Cycni, argentea proles,
Niveosque gelido margine pullos deducunt :
Facies quidem grata ; altis sed me concentibus
Volucrum strepitus alliciunt, loquacesque moduli.

funérailles d’hector.

Quùm jam almum diem retulit mortalibus læta
Aurora, audacem Hectora tollunt cum fletibus,
Pyramque ingentem constituunt, cadaverque summum
Rogis imposuêre, atque favillas injecêre.
Quùm postera aurora retexit amictus roseos,
Plebs circumfusa ad bustum Hectoris jacentis
Irruit : tum coronâ innumerâ contemplante,
Extinxêre pyram carchesia nigro Baccho
Fundentes ; dein sodales alba viri monumenta
Et socii legêre (pius imber irrigat oculos) ;
Mœstique posuêre lecta in feretro aurato.
At mox abdita peplis purpureis et mollibus
Misêre in foveam caveam, supernèque densos
Lapides straverunt, saxaque congesta in ordine.
Ibi speculator sedebat usquè ab alto tumulo,
Ne Pelasgi ingruerent priùs inimico Marte.

sur l’harmonie imitative.

[PHR]per.

Dulce sonent carmina, cum zephyrus blandior

[PHR]syn.

Per frondes tremulas spirat murmure grato.
Lenta incedant, cùm in pratis volvens saxula,

[PHR]épith.

Undas placidus molitur rivulus.

[PHR]chan.

At si tempestas, luctante vento, ingens

[PHR]chan.

Surgat, et fluctus se frangant ad littus ;

[PHR]syn.

Tum ruet, ut torrens, fragore magno Musa.
Saxum attollens ægrè Ajax torqueat vi multa :

[PHR]chan.

Versus ipse corruit graviter cum pondere scopuli.

[PHR]chan.

Vides ut per summum gramen Camilla in campo
Prompta volat, similis vento ? Ecce micat Camillæ

[PHR]épith.

Comes Musa, et æquore ruit, instar fulguris.

les fleurs images de la vie.

[PHR]syn.

Vides ut caput sublimis in horto irriguo

[PHR]syn.      syn.

Attollat flosculus, et superbiat ostro splendido ;

[PHR]syn.

Ut cervice picta comas, ut gloriam frondis

[PHR]syn.      syn.

Explicet, et amœnum odorem latè diffundat.

[PHR]syn.      syn.      syn.      syn.

Dum dico, ecce Boreas advolat pennis frigidis

[PHR]syn.      syn.

Qui nuper luxurians flosculus nitebat ; ille

[PHR]syn.      syn.

Nunc pronus et exsanguis torpescit frigore duro ;

[PHR]syn.      syn.      syn.

Perit vetustas, comæ perierunt, colores perierunt.

[PHR]syn.      syn.

Hùc, hùc lumina flecte, quisquis florenti in ætate

[PHR]syn.      syn.

Promittis tibi tempora longa vitæ fulgentis.

[PHR]syn.      syn.

Ille quidem flos vivus præbuit spectacula jucunda ;

[PHR]syn.      syn.

Tibi dat monita splendidiora moriens.

[PHR]syn.

Te fata tua docet fatum miserum floris.

[PHR]syn.      syn.      syn.      syn.

Te vigor atque vires, te species facit superbum ;

[PHR]syn.      syn.      syn.      syn.

At en dum tibi cor turget vana superbia,

[PHR]syn.      syn.      syn.

Libitina propinquat rapida gressu tacito,

[PHR]syn.      syn.      syn.

Et parat vertere flores cupressis lugubribus54.
bonheur de la vie champêtre.

Distiques.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Beatus qui egit ævum propriis in campis !

[PHR]syn.      syn.

Ipsa domus infantem quem videt, ipsa longævum ;

[PHR]chan.      syn.

Qui nisus baculo, in arenâ quâ repsit,

[PHR]syn.

Numerat longos annos unius casæ55 !

[PHR]syn.

Fortuna non altraxit illum vario tumultu,

[PHR]syn.      syn.

Nec hospes mutabilis aquas incognitas bibit.

[PHR]syn.      syn.

Non mare metuit mercator, non miles classica ;

[PHR]syn.      syn.

Non tulit hic rauci lites fori.

[PHR]syn.

Rerum indocilis ; vicini oppidi nescius,

[PHR]syn.      syn.

Fruitur visu liberiore cœli.

[PHR]syn.      chan.

Alternis messibus, non consulibus, annum computat ;

[PHR]syn.      chan.

Autumnum fructibus, ver floribus notat sibi.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Qui recordatur magnam quercum germine exiguo,

[PHR]syn.      syn.

Et cernit nemus æquævum consenuisse56.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Sed tamen robur indomitum, et brachiis firmis

[PHR]syn.      syn.

Ætas tertia videt avum validum.

[PHR]syn.      épith.

Erret, et scrutetur alius Iberos ;

[PHR]syn.

Hic habet plus annorum, ille habet plus viæ. Claud.
audace du premier navigateur .

Vers hexamètres.

[PHR]syn.      syn. ép.      syn.

Temerarius qui primus nave tentans malefida

[PHR]syn.      épith.

Æquora, credere animam ventis

[PHR]syn.      syn.      syn.      syn.

Potuit, et maris tulit et cœli tumultus,

[PHR]syn.

Ut viseret terras jacentes sub alio sole,

[PHR]syn.      épith.

Nempè ut extorqueret aurum terris.

[PHR]épith.      syn.      syn.

Quis furor per tot pericula perituras

[PHR]syn.

Opes quærere, malorum irritamenta !

[PHR]syn.      syn.

Non ego jam ausim incusare vestram dementiam,

[PHR]syn.      syn.

O venti : qui ausus vos despicere, irritos

[PHR]syn.

Ut thesauros reperiret, solvit vos crimine injusto.
l’hiver de 1709.

[PHR]épith.

En subitò Boreas advolat alis,

[PHR]épith.

Cœlumque terrasque gelu constringit.

[PHR]syn.      épith.

Viri tremuêre, et ulmos ardentibus

[PHR]syn.      syn.

Focis volverunt, et labore omisso, se suâ

[PHR]syn.      syn. épith.

Domo quisque inclusit ; vix flammâ rigentes

[PHR]épith.      syn.

Artus sub pellibus frigore protegens.

[PHR]syn.      syn.      épith.

Ilex scissa fragore insonuit.

[PHR]chan.      épith.

Jugis dissiluerunt, et frigus saxa

[PHR]chan.      épith.      syn.

Senserunt per nives ; senserunt sub profundis
Fluvii gurgitibus Boream ; et freni et moræ

[PHR]syn.      épith.

Rhodanus impatiens, stare ripis

[PHR]chan.      syn.

Jussus, et jungere littus suum incognito ponte,

[PHR]syn.      syn.      syn.

Tulit pervius tergo rotas ferratas.

[PHR]épith.

Aer non æquior avibus alas

[PHR]épith.      chan.

Illigat ; et columbæ, turba timida,

[PHR]chan.      chan.

Petiverunt hospitium gemitibus querulis, et cibi

[PHR]syn.

Famisque immemores, metu posito, nostris

[PHR]syn.      chan.      syn.      syn.

Domibus accesserunt ; virorum subit ipse domos,

[PHR]syn.      syn.

Oblita crudelitate, lupus ; et sylvarum relictis
Hospitiis, fugiunt cervi passim per compita.
le pêcheur .

[PHR]syn.      syn. épith.

« Piscator, audi monita : jam tempestas

[PHR]syn.      épith.

Intonat, et mare fervet ventis.

[PHR]syn. épith.

Nautæ rates littore subducunt ;

[PHR]épith.      syn. épith.

Iram cœli, et furores

[PHR]syn.      syn.      syn.

Maris timent : nulla discrimina te morantur.

[PHR]épith.      épith.

Saltem si navibus oras,

[PHR]épith.      syn.

Aut terram peteres sub alio cœlo,

[PHR]syn.      syn.      syn.      syn.

Divitias quæsiturus, non te rursùs retardarem,

[PHR]épith.      épith.

Nec sensus audacia moveret.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Non navem, piscator possides ; tibi tantùm cymba ;

[PHR]syn.      épith.      syn.

Nec dubitas caput ligno credere.

[PHR]épith.      syn.      épith.

Fulgura fulgent per cœlum ;

[PHR]épith.      syn.

Mora sit, dùm ab undis redivivus sol,

[PHR]épith.      syn.

Nebulas pellat, et referat lucem.

[PHR]syn.      syn.      épith.

Ego te per manes natales, et parentem,

[PHR]syn.      syn.

Per filios, per quidquid in hoc mundo tibi carius est,

[PHR]syn.      syn.      épith.

Oro et obsecro, hanc mentem exue.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Ecce nox cadit agris ; domum revise,

[PHR]syn.      syn.      épith.

Ut reficias membra somni munere.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Cras lucebit dies sine nebula ; cras pandes vela.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Heu ! despicis consilium, et timorem,

[PHR]syn.      chan.      épith.      syn.

Et canendo laxas cymbæ vincula.

[PHR]syn.      syn.      syn.

Quid cantas, miser ? vel in ipsâ morte canis.

[PHR]épith.      syn.      syn.

Sæpè ventos, et maris furores

[PHR]syn.      syn.      syn.

Ego solus contempsi ; procella vexet mare ;

[PHR]syn.

Sunt mihi, sunt vela antennis suspensa.

[PHR]syn.      syn.

Ergo vale. Jam carbasa luminibus fugiunt ; cor

[PHR]syn.      syn.      syn.

Habet nescio quid formidinis, et sortem

[PHR]chan.      syn.      épith.

Prospicit. In rupium culmine, mare

[PHR]syn.      syn.      épith.

Undè latè apparet stat mecum conjux57. »