(1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — CHAPITRE V. Autres sortes de vers. » pp. 332-338
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(1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — CHAPITRE V. Autres sortes de vers. » pp. 332-338

CHAPITRE V.

Autres sortes de vers.

Outre les vers hexamètres et pentamètres, la poésie latine en comprenait beaucoup d’autres dont la mesure avait été empruntée aux poëtes grecs. Nous ne mentionnerons ici que ceux dont l’usage est le plus fréquent dans les auteurs classiques.

I

vers iambique.

Le vers iambique est ainsi nommé à cause de l’iambe qui y domine. Dans le principe, les pieds de ce vers étaient tous des iambes. Plus tard il s’est associé le grave spondée, mais sans lui céder la deuxième, la quatrième, ni la sixième place ; car les pieds des nombres pairs doivent être des iambes ; ceux des nombres impairs peuvent être des iambes ou des spondées 58.

Il y a trois sortes de vers iambiques : ceux de quatre pieds, appelés diamètres, parce que les Grecs les mesuraient de deux à deux pieds ; ceux de six pieds, nommés trimètres, et ceux de huit pieds, nommés tétramètres.

Iambique de quatre pieds.

Vīrtūs | bĕā | tōs ēf | fĭcit.

Ce vers a été employé dans la plupart des hymnes de l’Eglise : Jēsū | rĕdēmp | tŏr ōm | nĭum. — Aūdī | bĕnīg | nĕ Cōn | dĭtor.. — Vĕnī | Crĕā | tōr Spī | rĭtus, etc. Il s’écrit en strophes de quatre vers.

Chez les poètes, ce vers est uni à des iambiques de six pieds, ou à des hexamètres.

Iambiques de six pieds. Ce sont les plus beaux, ceux qui ont été employés de préférence dans le dialogue par les poëtes tragiques et comiques ; ils ont plus de grâce, quand ils finissent par un mot de deux syllabes, ou de trois syllabes commençant par une voyelle et formant une élision avec le mot précédent. Ils ont ordinairement une césure après le troisième pied, et cette césure peut être brève ou longue, puisque le troisième pied peut être un iambe.

Quīcūm | quĕ rēg | nō fī | dĭt, ēt | māgnā | pŏtēns
Dominatur aulā, nec leves metuit deos. Sen.

Ce vers est employé plus fréquemment sans mélange d’autres vers ; c’est celui de plusieurs hymnes de l’Eglise. Telle est celle de saint Pierre et de saint Paul, au rite parisien :

Tāndēm | lăbō | rūm glō | rĭō | sī prīn | cĭpes .

Iambiques de huit pieds. Ces vers ne se trouvent que chez les poëtes comiques et dans les fables de Phèdre.

Sūspī | cĭō | ād cōn| tŭmē | lĭam ŏm | nĭa āc | cīpĭūnt | măgīs .

De ces trois sortes de vers iambiques ont été formés d’autres vers irréguliers. Tels sont :

1° Le dimètre imparfait, auquel il manque une syllabe soit au commencement, soit à la fin.

Trū | dĭtūr | dĭēs | dĭē.
Quōnām | crŭēn | tă M[ATTcaractere] | nās,
Pr[ATTcaractere]cēps | ămō | rĕ s[ATTcaractere] | vo,
Rapitur ? etc. Sen.

2° Le dimètre hypermètre ou redondant, composé de quatre pieds, plus une syllabe.

Lēvēs | quĕ sūb | nōctēm | sŭsūr | rī . Hor.

Ce vers ne s’emploie pas seul, il fait partie de la strophe alcaïque.

3° Le trimètre imparfait, comprenant cinq pieds et demi. Il alterne toujours avec un autre.

Solvitur acris hiems grata vice veris et favoni,
Trāhūnt | quĕ sīc | cās mā | chĭn[ATTcaractere] | cărī | nās. Hor.

4° Le tétramètre imparfait. Il y en a de deux sortes : les uns auxquels il manque une syllabe au commencement, et les autres, à la fin.

Pān | gĕ , līn | guă, glō| rĭō | sī pr[ATTcaractere] | lĭūm | cērtā | mĭnīs.
Quĭd īm | mĕrēn | tĭb ūs | nŏcēs[B]? | quĭd īn | vĭdēs | ămī | īcīs ?

5° Le scazon (de σϰάζων, qui boite59) est un vers iambique de six pieds. Le deuxième, le quatrième et surtout le cinquième doivent être des iambes ; le sixième est un spondée.

O quīd | sŏlū | tīs ēst | bĕā | tĭūs | cūrīs ?

II

vers alcaïque.

Le vers alcaïque, dont Alcée fut l’inventeur, se compose de quatre pieds, plus une syllabe qui forme césure. Le premier pied est un iambe ou un spondée, le second un iambe suivi de la césure qui est ordinairement longue ; le troisième et le quatrième sont dactyles.

Vĭdēs | ŭt āl | tā | stēt nĭvĕ | cāndĭdŭm
Sōrāc | tĕ[B]; nēc | jām | sūstĭnĕ | ānt ŏnŭs
Sylvæ laborantes, etc. Hor.

La strophe alcaïque, qu’Horace affectionnait, se compose de quatre vers ; seulement le troisième vers a deux trochées à la fin, au lieu de deux dactyles, et le quatrième comprend deux dactyles et deux trochées.

Vides ut alta stet nive candidum
Soracte ; nec jam sustineant onus
S[ATTcaractere]lv[ATTcaractere] | lăbō | rān | tēs, gĕ | lūquĕ
Flūmĭnă | cōnstĭtĕ | rīnt ă | cūto. Hor.

III

vers asclépiade, glyconique et phérécratique.

Le vers asclépiade, inventé, dit-on, par un certain Asclépias, ne diffère du vers alcaïque qu’en ce que le premier pied est toujours un spondée, et le second un dactyle au lieu d’un iambe.

M[ATTcaractere]ē | nās, ătă | vīs | ēdĭtĕ | rēgĭbŭs
O ēt | pr[ATTcaractere]sĭdĭ | dūlcē dĕ | cūs mĕŭm !

Le vers glyconique comprend un spondée, ou plus rarement un trochée et deux dactyles.

Sīc tē | divă pŏ | tēns C[ATTcaractere]pri Hor.

Le vers phérécratique se compose de trois pieds : un spondée, un dactyle et un spondée, ou un dactyle entre deux spondées ; c’est la seconde partie d’un vers hexamètre.

Crās dō | nābĕrĭs | h[ATTcaractere]dō.

Ces trois sortes de vers se combinent ensemble de trois manières :

1° Trois asclépiades et un glyconique.

Jam veris comites, quæ mare temperant,
Impellunt animæ lintea Thraciæ ;
Jam nec prata rigent, nec fluvii strepunt
Hibernâ nive turgidi.

2° Deux asclépiades, un phérecratique et un glyconique.

Dianam tenerœ dicite virgines ;
Intonsum, pueri, dicite Cynthium,
Latonamque supremo
Dilectam penitùs Jovi. Hor.

3° Un glyconique et un asclépiade.

Audax omnia perpeti
Gens humana ruit per velitum nefas. Hor.

IV

vers saphique et adonique.

Le vers saphique, inventé par Sapho, est composé de cinq pieds : un trochée, un spondée ou un trochée, un dactyle et deux trochées.

Intĕ | gēr vī | t[ATTcaractere] | scĕlĕ | rīsquĕ | pūrŭs.

Le vers adonique renferme un dactyle et un spondée.

Fūscĕ phă | rētrā.

La strophe saphique, qu’Horace aimait de préférence, comprend trois vers saphiques et un vers adonique.

Integer vitœ scelerisque purus
Non eget Mauri jaculis, neque arcu,
Nec venenatis gravidâ sagittis,
Fusce, pharetrâ.

V

vers phalécien.

Le vers phalécien, inventé par Phalique, est composé de cinq pieds : un spondée, un dactyle et trois trochées.

Nī tē | plūs ŏcŭ | līs mĕ | īs ă | mārĕm.

Au lieu d’un spondée, il y a quelquefois un trochée et même un iambe au premier pied.

Ce vers, qui convient à la poésie légère, était d’un fréquent usage chez les Latins.

VI

vers trochaïques.

Les vers trochaïques sont ceux dans lesquels domine le trochée. Les plus usités sont :

1° Le dimètre catalictique, qui renferme trois pieds et demi.

Nōn ĕ | būr nĕque | aūrĕ | um
Mea renidet in domo lacunar. Hor.

Ce vers, auquel Horace s’est astreint, admet, chez d’autres poëtes, le spondée ou le dactyle au second pied.

2° Le tétramètre, qui renferme sept pieds et demi ; il admet aussi le tribraque (trois brèves) aux lieux impairs, et aux lieux pairs le tribraque, le spondée, le dactyle et l’anapeste.

Il a toujours une division après le quatrième pied.

Tōrpŏr | īnsĭ | dīt pĕr | ārtū°; || frīgĭ | dūs sān | guīs cŏ | it. Sen.

A ces vers se rattachent :

1° L'aristophanien, composé d’un dactyle et de deux trochées. Il ne s’emploie jamais seul.

L[ATTcaractere]dĭă, pĕr | ōmnes
Te deos, oro, etc. Hor.

2° Le saphique, composé de cinq pieds : un trochée, un spondée, un dactyle et deux trochées ; ou, si l’on veut, trois trochées et deux iambes suivis d’une syllabe brève ou longue. (Voir plus haut vers saphiques et adoniques.)

3° Le grand alcaïque, comprenant six pieds, plus une césure longue au milieu. Le premier pied est un trochée, le second un spondée, le troisième un dactyle, puis la césure.

L'aristophanien forme les trois derniers pieds.

Ce vers se place après le précédent :

Lydia, dic, per omnes
Tē dĕ | ōs ō | rō, S[ATTcaractere]bă | rīn | cūr prŏpĕ | rēs ă | māndo
Perdore, etc. Hor.

4° Le petit alcaïque, formé de deux dactyles et de deux trochées.

Pōst ĕquĭ | tēm sĕdĕt | ātrā | cūră.

5° Le grand archiloquien, composé de sept pieds : les quatre premiers pieds de l’hexamètre, puis trois trochées.

Sŏlvĭtŭr | ācrĭs hĭ | ēm grā | tā vĭcĕ | vērĭs | ēt fă | vōni.

VII

vers dérivés de l’hexamètre.

Au vers hexamètre se rattachent six petits vers, dont trois forment le commencement, et trois autres la fin de ce vers. Ce sont :

1° Le petit archiloquien, comprenant deux dactyles et une césure. (C'est le commencement du vers hexamètre, ou le second hémistiche du vers pentamètre.)

Pūlvĭs ĕt | ūmbră sŭ | mŭs. Hor.

2° Le vers tétramètre catalectique, comprenant trois dactyles et une césure. (On peut y rapporter certains demi-vers de Virgile.)

Mūnĕră | lǣtĭtĭ | āmquĕ Dĕ | ī.

3° Le vers alcmanien, comprenant les quatre premiers pieds du vers hexamètre. Le dernier est toujours un dactyle.

Ancēps | fōrmă bŏ | nūm mōr | tālĭbŭs. Sen.

4° Le phalisque, comprenant les quatre derniers pieds de l’hexamètre.

O fōr | tēs pē | jōrăquĕ | pāssī. Hor.

5° Le phérécratien, comprenant les trois derniers pieds de l’hexamètre. Le premier est toujours un spondée.

Quāmvīs | pōntĭcă | pīnus. H.
Crās dō | nābĕrĭs | h[ATTcaractere]dō. H.

6° L'adonique, formant les deux derniers pieds de l’hexamètre.

Gaūdĭă | pēlle.