(1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre IV. Éloge de Trajan, par Pline le jeune. »
/ 262
(1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre IV. Éloge de Trajan, par Pline le jeune. »

Chapitre IV.
Éloge de Trajan, par Pline le jeune.

Tels furent, chez les Romains, Tacite, Sénèque quelquefois, et les deux Pline, dont le jeune appartient à ce chapitre de notre ouvrage, par son panégyrique de Trajan, que nous allons examiner.

On a dit et répété longtemps, que pour mériter un tel panégyrique, il n’avait manqué à Trajan que de ne le pas entendre. Mais il faut savoir, et Pline nous l’apprend lui-même, que le discours réellement prononcé en présence du prince, n’était qu’un simple remerciement très court, adapté au lieu et à la circonstance : ce ne fut qu’au bout de quelques années qu’il le publia tel qu’il nous est parvenu. C’est, malgré tous ses défauts, l’une des productions les plus estimables de l’antiquité. Il y a des traits d’une grande force, des pensées pleines de grâce ou de finesse, et des morceaux entiers qui respirent le ton de la véritable éloquence. Tel est entre autres ce tableau de l’affabilité de Trajan, opposée à la sombre férocité de Domitien, son prédécesseur.

99« Ipse autem ut excipis omnes ! ut expectas ! ut magnam partem dierum inter tot imperii curas quasi per otium transigis ! Itaque non ut aliàs attoniti, nec in periculum capitis adituri tarditate, sed securi et hilares, quùm commodum est, convenimus ; et, admittente principe, interdum est aliquid, quod nos domi quasi magis necessarium teneat, excusati semper tibi, nec unquàm magis excusandi sumus. Scis enim sibi quemque præstare quòd te videat, quòd te frequentet, ac tantò liberaliùs ac diutiùs voluptatis hujus copiam præbes. Nec salutationes tua fuga et vastitas sequitur : remoramur, resistimus ut in communi domo, quam nuper illa immanissima bellua plurimo terrore munierat, quùm, velut quodam specu inclusa, nunc propinquorum sanguinem lamberet, nunc se ad clarissimorum civium strages cædesque proferret. Obversabantur foribus horror et minæ, et par metus admissis et exclusis. Ad hoc ipse occursu quoque visuque terribilis superbia in fronte, iræ in oculis, femineus pallor in corpore, in ore impudentia multo robore suffusa. Non adire quisquam, non alloqui audebat, tenebras semper, secretumque captantem ; nec unquam ex solitudine suâ prodeuntem, nisi ut solitudinem faceret ».

(Nos 48-49).

Quelques pensées détachées achèveront de faire connaître le caractère et le genre d’éloquence de Pline.

100« Unum ille se ex nobis, et hoc magis excellit atque eminet, quòd unum ex nobis putat ; nec nimiùs hominem se, quàm hominibus præesse meminit ».

(Nº 2).

Ailleurs :

101« Nescio an plus moribus conferat princeps, qui bonos esse partitur, quàm qui cogit ».

(Nº 45).

« Habes amicos, quia amicus ipse es. Neque enim, ut alia subjectis, ita amor imperatur : neque est ullus affectus tàm erectus et liber, et dominationis impatiens, nec qui magis vices exigat. Potest fortasse princeps iniquè, potest tamen odio esse nonnullis, etiamsi ipse non oderit : amari, nisi amet, non potest ».

(Nº 85).

« Cui nihil ad augendum fastigium superest, hic uno modo crescere potest, si se ipse submittat, securus magnitudinis suæ ».

(Nº 71).

Il justifie ainsi, dans un autre endroit, la manière dont il avait parlé des tyrans, oppresseurs de Rome, avant que Trajan la rendît heureuse :

102« Omnia patres conscripti, quæ de aliis principibus à me dicuntur aut dicta sunt, eò pertinent, ut ostendam quàm longâ consuetudine corruptos depravatosque mores principatûs parens noster reformet et corrigat : alioqui nihil non parùm gratè sine comparatione laudatur. Prætereà, etc. ».

(Nº 53).

Cela a été vrai de tous les temps ; et il serait bon que l’on se rappelât généralement que cela n’a pas cessé de l’être aujourd’hui.

Il y a, comme on voit, de très belles choses dans le panégyrique de Trajan ; mais il s’en faut beaucoup qu’il soit en tout un bel ouvrage. Le ton déclamateur, la manie des antithèses et de l’amplification le déparent trop souvent, et lui ôtent le caractère principal de toute véritable grandeur, la simplicité noble.