(1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15
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(1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Notions préliminaires

1. Qu’est-ce que la littérature ?

La Littérature est la science des règles, des lois, des principes, qui doivent régir la composition ou l’appréciation des œuvres de l’esprit ; c’est l’art d’exprimer, de rendre sensible aux autres, ou de saisir et de juger la pensée humaine, lorsque cette pensée se manifeste dans le langage ou lorsqu’elle se fixe par l’écriture. La littérature, telle que nous l’entendons ici, est en même temps la connaissance et la collection des préceptes qui président à l’expression du beau par le moyen de la parole. Son domaine s’étend à tous les genres en prose ou en vers, soit qu’il s’agisse de composer, soit qu’il s’agisse d’apprécier des ouvrages d’esprit.

On entend encore par littérature la connaissance des productions littéraires elles-mêmes, ainsi que l’ensemble des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, ou d’un genre quelconque. C’est dans ce dernier sens que l’on dit : la littérature espagnole, la littérature du siècle de Louis XIV, la littérature sacrée, la littérature morale, etc.

2. Que faut-il entendre par belles-lettres ?

Le nom même de belles-lettres indique clairement que ce n’est pas autre chose que le beau littéraire. On entend donc par belles-lettres cette partie des lettres où le beau se révèle, dont le beau est le principal caractère, comme la poésie, l’éloquence, l’histoire, et aussi la philosophie quand elle revêt des formes dignes des sujets sublimes qu’elle embrasse. — On dit aussi, mais plus rarement dans le même sens, les lettres humaines, les lettres polies, humaniores litteræ, parce que les compositions et exercices littéraires adoucissent les mœurs et civilisent les hommes. Les anciens disaient optimæ litteræ, optimæ artes, parce qu’ils ne séparaient jamais le beau du bon et du vrai.

L’Académie comprend, sous le nom de belles-lettres, la poésie, l’éloquence, et aussi la grammaire dont la connaissance approfondie est nécessaire pour le succès des œuvres littéraires.

3. Qu’est-ce que le beau ?

Le beau est la forme du vrai.

S. Ambroise.

Le beau exige la splendeur avec de justes proportions.

S. Denis et S. Thomas.

Le beau est la splendeur du vrai.

Platon.
Que le bon soit toujours camarade du beau.
La Fontaine.
Rien n’est beau que le vrai ; le vrai seul est aimable.
Boileau.
Le beau ne plaît qu’un jour, si le beau n’est utile.
Saint-Lambert.

Si nous voulons maintenant préciser davantage et exprimer la définition du beau littéraire, nous dirons que c’est la forme ou l’expression du vrai présenté d’une manière agréable, vive et frappante dans les productions de l’esprit. Le beau littéraire a pour type le beau absolu ou la perfection absolue, qui n’existe qu’en Dieu, parce que Dieu seul est absolument beau, absolument bon et absolument vrai. Le beau prend le nom de beau idéal, lorsqu’il atteint le plus haut degré de splendeur que la raison puisse concevoir et que l’imagination puisse se figurer. Le beau dans les lettres, qui résulte de l’imitation de la nature et de l’aspiration vers le beau absolu, et dont la fin doit être le bon et l’utile, exige l’unité, la variété, la vérité, l’ordre, l’élévation et la moralité.

Ne pouvant développer ici plus au long cette intéressante question, nous indiquerons les principaux auteurs qui l’ont traitée. Ce sont : Platon, dans les dialogues intitulés Phèdre et le Grand Hippias ; Aristote, dans sa Rhétorique et dans sa Lettre à Alexandre ; saint Augustin, Lettre XVIII et de Verâ religione ; saint Thomas, 1, 2,—2, 2 ; Wolf, Psychologie ; Crouzas ; Hutcheson ; le P. André, Essai sur le Beau ; Marmontel, art. Beau ; MM. de Bonald, Cousin, Ch. Lenormant, etc., et les différentes encyclopédies.

4. Quelles sont les facultés nécessaires pour réussir dans les belles-lettres ?

Nous avons tous les facultés nécessaires pour avoir l’idée et le sentiment du beau ; mais, pour le sentir et pour l’exprimer de manière à le rendre intéressant pour les autres, il faut posséder, à un degré supérieur, les principales facultés ou puissances de l’âme. Parmi ces facultés, nous citerons le génie ou à son défaut le talent, la sensibilité, l’imagination, la mémoire, le jugement et le goût.

5. Qu’est-ce que le génie ?

Le génie est le don d’inventer et d’exécuter d’une manière neuve et originale. C’est l’inspiration des grandes pensées et des grandes choses, inspiration suivie de création. C’est la faculté intellectuelle de créer ; c’est cette puissance d’intelligence qui découvre de nouveaux rapports entre les objets. Les hommes de génie devancent les autres esprits dans la carrière des lettres ou des sciences, parce qu’ils conçoivent plus vivement et plus parfaitement les choses. Les rapports que trouve le génie doivent être justes et naturels, c’est-à-dire être des vérités, et avoir une haute importance.

6. Qu’est-ce que le talent ?

Le talent est une aptitude naturelle ou acquise pour certaines choses : le talent de la parole, le talent d’écrire, le talent de la musique, etc. Pour ce qui regarde les belles-lettres, le talent consiste à donner un forme agréable et une disposition heureuse aux idées que l’on exprime et aux sujets que l’on traite.

Si le génie est une illumination soudaine qui brille et disparaît tour à tour, comme dit Bossuet, si son attribut spécial est d’inventer et de créer, si ce don immédiat de la nature se distingue par des pensées sublimes et profondes, par des plans d’une ordonnance surprenante, par des caractères d’une nouveauté frappante, par des raisons d’une force à laquelle rien ne résiste, le talent est une disposition habituelle à réussir dans une chose, une qualité qui se distingue par l’ordre, la clarté, l’élégance, le naturel, la justesse, la grâce, un don acquis ou au moins accru par l’étude, qui se montre principalement dans les détails et qui brille par l’habileté de l’exécution. Le génie et le talent sont le produit des autres facultés de l’âme.

7. Qu’est-ce que la sensibilité ?

La sensibilité est une disposition tendre et délicate de l’âme, qui la rend facile à être émue, à être passionnée. De là, le sentiment par lequel nous pouvons connaître, comprendre et apprécier certaines choses sans le secours du raisonnement, de l’observation ou de l’expérience, et qui est en nous comme une sorte de tact intellectuel. — On donne encore le nom de sensibilité à cette finesse d’esprit qui aperçoit facilement dans un ouvrage des beautés ou des défauts peu apparents, et qui n’est autre chose que le goût.

8. Qu’est-ce que l’imagination ?

L’imagination est une faculté de l’âme par laquelle on se représente, avec les circonstances les plus frappantes et les couleurs les plus vives, les objets vers lesquels se porte la pensée. Elle demande beaucoup de vivacité et de force dans l’entendement, et une facilité peu commune à peindre promptement les impressions qui lui ont été transmises.

Lorsque l’imagination ne fait que retracer les objets qui ont frappé les sens, elle ne diffère de la mémoire que par la vivacité des couleurs. Lorsque, joignant la réflexion, la combinaison à la mémoire, elle compose avec les traits et les circonstances que lui fournit cette dernière faculté des tableaux dont l’ensemble n’a point de modèle dans la nature, elle devient créatrice ; et c’est alors qu’elle appartient au génie.

9. Qu’est-ce que la mémoire ?

La mémoire est la faculté que possède l’âme de conserver les impressions et les images des objets dont nos sensations nous ont donné la notion, et de rappeler à volonté ces impressions et ces images, en l’absence même des objets qui les ont produites. Cette faculté merveilleuse de conserver et de réveiller les sensations et les idées, est le trésor de toutes les connaissances, puisque sans elle il serait impossible d’avoir aucune science ni aucun art. Dans les compositions littéraires, elle rappelle les modèles en même temps que les règles, et présente aux facultés dont nous avons parlé plus haut les matériaux dont elles ont besoin.

10. Qu’est-ce que le jugement ?

Le jugement est cette faculté de l’âme qui sert à comparer, à juger, et qui donne une exacte connaissance des choses : il ne diffère pas alors de l’intelligence. Mais ordinairement on entend par jugement l’opération de cette faculté, ou l’acte par lequel l’intelligence décide qu’il y a ou qu’il n’y a pas de convenance entre deux idées et distingue la vérité de l’erreur.

Il n’y a rien de plus estimable que l’exactitude du jugement et la justesse de l’esprit dans le discernement du vrai et du faux, parce que cette rectitude de la raison est utile dans toutes les parties et dans tous les emplois de la vie. Cette qualité est surtout indispensable dans les lettres, puisque le beau repose sur le vrai, puisque sans jugement il ne pourrait y avoir ni exactitude, ni liaison suffisante dans les pensées. Ce qui sert surtout au jugement et à la pénétration, c’est l’étendue de l’esprit qui permet d’embrasser beaucoup d’idées à la fois sans les confondre.

11. Qu’est-ce que le goût ?

Le goût en matière littéraire, que Quintilien et les Latins appelaient discernement, jugement, judicium, est un sentiment exquis du bon et du beau, un discernement vif et délicat, net et précis des beautés et des défauts que renferme un ouvrage d’esprit. Le goût distingue ce qu’il y a de conforme aux plus exactes bienséances, de propre à chaque caractère, de convenable aux différentes circonstances ; et, pendant qu’il remarque par un sentiment fin et exquis les grâces, les tours, les manières, les expressions les plus capables de plaire, il aperçoit aussi tous les défauts qui produisent un effet contraire, et il démêle en quoi précisément consistent ces défauts et jusqu’où ils s’écartent des règles sévères de l’art et des vraies beautés de la nature.

12. Le goût est-il le même chez tous les hommes ?

Tous les hommes apportent en naissant les premiers principes du goût. Il n’y a rien dans notre nature de plus général que le sentiment de la beauté sous toutes ses formes variées d’ordre et de proportion, de grandeur, d’harmonie, de nouveauté. Cependant tous les hommes n’ont pas le même discernement du beau ; il y a même entre eux de grandes différences à cet égard. Cette inégalité est due principalement à la diversité d’éducation et de culture. Le goût, étant une faculté éminemment perfectible, se développe par un exercice fréquent, par l’étude des règles, par la connaissance des modèles, par la comparaison et l’appréciation des chefs-d’œuvre. Dans son état le plus parfait, il est le produit de la nature et de l’art. Il faut que le sentiment naturel de la beauté soit perfectionné par l’attention donnée à des objets véritablement beaux, et dirigé par les lumières de l’intelligence. Mais aussi lorsqu’on a acquis de l’expérience en ce genre, le goût s’éclaire et devient plus sûr ; il discerne non seulement le caractère général de l’ouvrage, mais les beautés et les défauts de chaque partie ; il voit des qualités distinctes, il connaît ce qui est digne de louange et ce qui doit être repris.

13. Quelles sont les qualités que suppose le goût ?

Le goût se fonde principalement sur la sensibilité : il faut avoir de l’âme, dit Vauvenargues, pour avoir du goût. Cependant on ne peut pas le réduire à cette seule faculté. Le jugement perfectionné par l’étude sert à guider l’esprit et à le régler dans la composition et dans l’appréciation des œuvres littéraires. Le goût fait aussi usage de l’imagination, mais sans s’y livrer, et en consultant toujours la nature. Sobre et retenu au milieu de l’abondance et des richesses, il dispense avec mesure et avec sagesse les beautés et les grâces du discours. Il ne se laisse jamais éblouir par le faux, quelque brillant qu’il soit, et retranche sans pitié tout ce qui est au delà du beau et du parfait, s’arrêtant précisément où il faut.

14. Les qualités du cœur ne sont-elles pas nécessaires au goût ?

Un goût sûr, dit un critique, n’exige pas moins un bon cœur qu’un bon esprit. Non seulement les beautés morales sont en elles-mêmes supérieures à toutes les autres, mais elles exercent une influence prochaine ou éloignée sur plusieurs autres objets du goût. Partout où il s’agit des affections, des caractères, des actions des hommes, c’est-à-dire dans les sujets les plus nobles où s’exerce le génie, on ne peut ni bien sentir, ni bien décrire, si l’on est étranger aux affections vertueuses. Celui dont le cœur est dur ou manque de délicatesse, qui ne sait point admirer ce qui est grand et généreux, qui ne partage point les sentiments doux et tendres, sentira toujours faiblement les beautés les plus sublimes de l’éloquence et de la poésie.

15. Faites connaître les caractères du goût.

Un goût exquis doit avoir pour caractères la délicatesse et la pureté.

La délicatesse du goût consiste principalement dans la perfection de cette espèce de sensibilité naturelle, qui est le premier fondement du goût. C’est cette qualité qui fait apercevoir les moindres nuances, et saisir les beautés les moins apparentes ainsi que les plus légers défauts.

La pureté ou la justesse du goût se fait surtout remarquer lorsque la raison et l’entendement dominent. Un homme d’un goût pur est celui qui ne se laisse jamais séduire par des beautés fausses, qui estime avec justesse, qui compare avec équité les beautés des divers genres, et qui distingue pourquoi elles ont la faculté de plaire.

Comme on le voit, la délicatesse tient plus à la sensibilité, et est plutôt un don de la nature ; la pureté tient plus au jugement, et est plutôt un produit de l’art. La description du Temple du goût donne une idée très juste du goût exquis qui doit régner dans un ouvrage :

Simple en était la noble architecture :
Chaque ornement, à sa place arrêté,
Y semblait mis par la nécessité :
L’art s’y cachait sous l’air de la nature ;
L’œil satisfait embrassait sa structure,
Jamais surpris et toujours enchanté.

Si nous voulons maintenant comparer le goût au génie, nous dirons que le génie est la faculté de créer, d’inventer, tandis que le goût est le don de sentir et de juger.

16. Le goût a-t-il besoin d’être dirigé ?

Quoique les principes du goût soient inhérents à l’esprit humain, et qu’il n’y ait personne qui ne goûte ce qui est beau, vrai et conforme à la nature, cependant chez la plupart des hommes, ces principes sont peu développés, faute d’instruction et de réflexion ; ils sont même étouffés ou corrompus par une éducation vicieuse, par de mauvaises lectures, par les exemples et les préjugés du siècle, qui détruisent les semences de goût que la nature a répandues dans tous les cœurs. Or, pour empêcher le goût de tomber dans des écarts regrettables, aussi bien que pour le développer et le perfectionner, il faut l’assujétir à des règles sûres, et le soumettre aux préceptes de l’art d’écrire.

17. Qu’entendez-vous par préceptes littéraires ?

Les préceptes ou règles littéraires consistent dans un ensemble de principes et d’observations capables de diriger l’écrivain dans ses compositions et le critique dans ses appréciations. Si les règles ne sont pas absolument indispensables, elles sont du moins très utiles. Elles aident l’esprit dans le choix du sujet, soutiennent le génie dans la création du plan, le guident dans sa marche, lui indiquent le but qu’il doit s’efforcer d’atteindre, et dirigent le goût dans la distribution des ornements.

18. Quelle a été l’origine des préceptes ?

Les préceptes littéraires ne sont pas des lois imaginées avant que personne eût composé et fait connaître le talent de la parole. Il y avait des orateurs, des poètes, lorsque personne encore n’enseignait à le devenir. Ceux qui exprimèrent leurs pensées et leurs sentiments avec plus de justesse et d’énergie, captivèrent l’attention des autres et se firent écouter avec plaisir. Témoins de leur succès, les hommes sensés se mirent à les observer et à les étudier. Ces observations judicieuses, recueillies et mises au jour, formèrent bientôt de nouveaux orateurs, de nouveaux poètes, de nouveaux écrivains qui, joignant les talents naturels à l’étude de ces observations, réussirent mieux que leurs prédécesseurs, et fournirent eux-mêmes une matière abondante à de nouvelles réflexions. D’autres observateurs les firent, et ainsi on en a fait de siècle en siècle, à mesure que le génie de l’homme a perfectionné l’éloquence, la poésie et l’art de l’écrivain. C’est de là qu’on a formé le corps des préceptes de l’art d’écrire, préceptes fondés par conséquent sur la saine raison et sur l’expérience, invariables et indépendants du caprice des hommes, et qui, à cause de cela, ont été et seront les mêmes dans tous les temps et chez toutes les nations.

19. Que faut-il entendre par critique ?

La critique est l’application du bon sens et du goût à tous les arts. Dans les belles-lettres, la critique n’est autre chose que l’art de juger un ouvrage d’esprit, pour en connaître les beautés et en signaler les défauts. Elle a donc pour objet de distinguer, dans chaque composition soit en prose, soit en vers, ce qui est beau et ce qui est fautif ou défectueux. Les règles de la critique, comme les préceptes littéraires, reposent en entier sur l’expérience, c’est-à-dire qu’elles sont fondées sur l’observation des beautés qui ont paru réunir le plus de suffrages.

20. Quelle est l’importance de l’étude des belles-lettres ?

L’étude des belles-lettres est une étude utile, sérieuse, en même temps qu’agréable. C’est là qu’on apprend à parler et à écrire d’une manière intéressante ; c’est là que l’on puise de quoi orner et embellir le discours par l’imitation des pensées et des expressions des grands écrivains. Les belles-lettres ornent la mémoire, développent l’intelligence et l’imagination, enrichissent l’esprit et l’occupent agréablement, lui donne cette justesse de pensée, cette fleur d’éloquence et d’élocution, cette finesse de goût qu’on ne trouve point chez ceux qui ne les ont point cultivées, et ce qui vaut mieux encore, élèvent le cœur en ennoblissant les sentiments et en perfectionnant toutes les facultés de l’homme. Les principes des sciences elles-mêmes seraient rebutants, si les belles-lettres ne leur prêtaient des charmes. Les vérités deviennent plus sensibles par la netteté du style, par les images riantes, et par les tours ingénieux sous lesquels on les présente à l’esprit.

21. Quelle doit être la mission de l’écrivain ?

Éclairer les intelligences, redire les grandes actions et marquer les mauvaises au coin de la honte ; perpétuer les belles traditions nationales, rendre moins arides les sentiers de la science ; produire les suaves compositions qui font le charme des heures de loisir ; ramener sans cesse l’admiration vers le beau ; considérer comme le principe vital de la littérature le sentiment religieux, où l’on trouve le premier type de la beauté, le souffle divin qui seul fait naître l’enthousiasme et l’admiration ; entourer d’un respect inaltérable l’autel, le foyer domestique, la vieillesse, la paternité ; faire vibrer toutes les nobles cordes du cœur humain, et mépriser les succès qu’obtiennent les dramaturges du vice et les peintres de monstruosités ; en un mot, prendre pour éléments des belles-lettres le sentiment religieux, le patriotisme et le goût, voilà dit, M. Ph. de Montenon, ce qu’on demande à l’écrivain, et les grandes choses qu’en s’attachant à son œuvre il peut accomplir.

22. Sous combien de chefs peut-on ranger les œuvres littéraires ?

Les œuvres littéraires se divisent naturellement en deux grands genres, d’après les formes que peut revêtir la pensée humaine : la prose et les vers. La prose est le discours qui n’est assujéti à aucune forme régulière, mais qui est seulement soumis aux règles de la grammaire et à ce qu’il y a de plus général dans les préceptes littéraires ; en un mot, c’est le langage libre et usuel. On appelle vers, un assemblage de mots mesurés et cadencés d’après des règles déterminées.

Mais, outre ces deux formes de la pensée, il y a des principes généraux qui sont propres à toutes les productions littéraires, et qu’il faut connaître avant de s’exercer à la composition. C’est l’art d’exprimer sa pensée d’après ces règles générales que l’on appelle style.

23. Quelle est la division la plus naturelle d’un cours complet de littérature ?

Cette division, déjà indiquée dans la question précédente, peut se réduire à trois points fondamentaux. On devra d’abord poser les règles générales de l’art d’écrire ou du style, règles qui, nous venons de le dire, s’appliquent à tous les genres de compositions. Comme la poésie a précédé l’éloquence, on en fera ensuite connaître les règles spéciales. Enfin, on s’occupera des principes de la rhétorique ou de l’art de bien dire. De là, la division du Cours en trois grandes parties qui feront autant de volumes, et que nous désignerons par les trois mots suivants : Style, Poétique, Rhétorique.