(1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Remarques particulières sur chaque espèce de mots. » pp. 46-52
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(1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Remarques particulières sur chaque espèce de mots. » pp. 46-52

Remarques particulières sur chaque espèce de mots.

Des lettres.

108. — H est aspirée dans héros : on dit : le héros ; mais elle n’est point aspirée dans héroïsme, on dit : l’héroïsme de la vertu.

 

109. — L, au milieu et à la fin des mots, quand elle est précédée d’un i, est ordinairement mouillée, et se prononce comme à la fin de ces mots, soleil, orgueil, famille, bouillir.

 

110. —  On écrit œil, que l’on prononce comme euil.

 

111. — S, entre deux voyelles, se prononce comme z. Exemples : maison, poison ; excepté les mots préséance, présupposer 1, où l’on conserve la prononciation de l’s.

 

112. — D, à la fin du mot grand, se prononce comme t, devant une voyelle ou une h muette : grand homme, on prononce comme s’il y avait grant homme.

 

113. — GN, au milieu d’un mot, se prononce comme dans ignorance, magnanime.

 

114. — T ne se prononce pas à la fin de ces mots, respect, aspect, même quand le mot suivant commence par une voyelle ou une h muette ; ainsi, prononcez respect humain, comme s’il y avait respec humain.

Des noms composés.

115. — Quand un nom est composé d’un adjectif et d’un nom, ils prennent tous deux la marque du pluriel. Exemple : un arc-boutant, des arcs-boutants.

 

116. — Quand il est composé de deux noms unis par une préposition, on ne met la marque du pluriel qu’au premier des deux noms. Exemples : un chef-d’œuvre, des chefs-d’œuvre ; un arc-en-ciel, des arcs-en-ciel.

 

117. — Quand il est composé d’une préposition ou d’un verbe et d’un nom, le nom seul prend la marque du pluriel. Exemples : un entre-sol, des entre-sols ; un garde-fou, des garde-fous.

Noms de nombre.

118. — Cent au pluriel, et vingt dans quatre-vingt, prennent une s, quand ils sont suivis d’un nom. Exemples : deux cents hommes, quatre-vingts volumes 2.

 

119. — Pour la date des années, on écrit mil. Exemple : le froid fut très-grand en mil sept cent neuf. Partout ailleurs on écrit mille, qui ne prend jamais s 3 : deux mille hommes.

 

120. — Neuf se prononce devant une voyelle comme neuv. Exemple : il y a neuf ans ; prononcez neuv ans.

 

121. — On dit une demi-heure, une demi-livre : ce mot demi ne change pas quand il est devant le nom ; mais dites : une heure et demie, une livre et demie : quand le mot demi est après le nom, il en prend le genre.

Noms partitifs.

122. — On appelle noms partitifs ceux qui marquent la partie d’un plus grand nombre, comme la plupart de, une infinité de, beaucoup de, peu de, etc.

Les noms partitifs, suivis d’un nom pluriel, veulent le verbe et l’adjectif au pluriel.

Exemples : La plupart des enfants sont légers. Peu d’enfants sont attentifs.

 

123. — Remarque. Dans le sens partitif, on met de, et non pas des devant un adjectif. Exemples : j’ai lu de bons livres, et non pas des bons livres ; j’ai vu de belles maisons, et non pas des belles maisons.

Pronoms.

124. — Vous, employé pour tu, veut le verbe au pluriel, mais l’adjectif suivant reste au singulier.

Exemple : Mon fils, vous serez estimé, si vous êtes sage.

 

125. — Le, la, les, sont quelquefois pronoms, et quelquefois ils sont articles : l’article est toujours suivi d’un nom, le frère, la sœur, les hommes : au lieu que le pronom est toujours joint à un verbe, comme je le connais, je la respecte, je les estime.

 

126. — Le pronom le ne prend ni genre ni nombre, quand il tient la place d’un adjectif ou d’un verbe. Par exemple : si l’on disait à une dame, Madame, êtes-vous malade ? il faudrait qu’elle répondît : oui, je le suis, et non pas je la suis, parce que le se rapporte à l’adjectif malade ; on doit s’accommoder à l’humeur des autres autant qu’on le peut ; je mets le, parce qu’il se rapporte au verbe accommoder.

 

127. — N’employez le pronom soi qu’après un sujet vague et indéterminé, comme on, chacun, ce, etc.

Exemples : On ne doit jamais parler de soi. Chacun songe à soi. N’aimer que soi, c’est être mauvais citoyen.

 

128. — Il ne faut pas se servir du pronom son, sa, ses, leur, leurs, mis pour un nom de chose, à moins que ce nom ne soit exprimé dans la même phrase. Ainsi, ne dites pas : Paris est beau, j’admire ses bâtiments ; mais dites : j’en admire les bâtiments.

On emploie bien son, sa, ses, etc., pour un nom de chose, quand il est exprimé dans la même phrase. Ainsi, on dit bien : la Seine a sa source en Bourgogne 1.

 

129. — Il faut dire : c’est en Dieu que nous devons mettre notre espérance, et non pas en qui ; c’est à vous-même que je veux parler, et non pas à qui je veux. (Dans ces deux phrases que n’est pas relatif, mais conjonction.)

 

130. — Qui relatif est toujours de la même personne que son antécédent. Ainsi, il faut dire : moi qui ai vu, vous qui avez vu, nous qui avons vu, etc.

 

131. — Qui, précédé d’une préposition, ne se dit jamais des choses, mais seulement des personnes. Ainsi, ne dites pas : les sciences à qui je m’applique, mais auxquelles je m’applique.

 

132. — Ce, devant le verbe être, veut ce verbe au singulier, excepté quand il est suivi de la troisième personne du pluriel. On dit : c’est moi, c’est toi, c’est lui, c’est nous, c’est vous qui ; mais il faut dire : ce sont eux, ce sont elles, ce sont vos ancêtres qui ont bâti cette maison.

 

133. — Tout, mis pour quoique, entièrement, ne change point de nombre devant un adjectif masculin. Ainsi, dites : les enfants, tout aimables qu’ils sont, ne laissent pas d’avoir bien des défauts.

Tout ne change ni de genre ni de nombre devant un adjectif féminin pluriel qui commence par une voyelle ou une h muette. Ainsi dites : ces images, tout amusantes qu’elles sont, ne plaisent pas.

Mais si l’adjectif féminin est au singulier, ou si, étant au pluriel, il commence par une consonne, alors on met tout, toutes. Exemples : cette image, toute amusante qu’elle est, ne me plaît pas : ces images, toutes belles qu’elles sont, ne me plaisent pas 1.

 

134. — Quelque… que s’emploie de cette manière : s’il y a un adjectif entre quelque et que, alors quelque ne prend jamais s à la fin.

Exemple : Les rois, quelque puissants qu’ils soient, ne doivent pas oublier qu’ils sont hommes.

S’il y a un nom entre quelque et que, alors on met quelque au même nombre que le nom.

Exemple : Quelques richesses que vous ayez, vous ne devez pas vous enorgueillir.

Si le nom n’est placé qu’après le que et le verbe, alors il faut écrire en deux mots séparés quel ou quelle que, quels ou quelles que.

Exemples : Quelle que soit votre force, quelles que soient vos richesses, vous ne devez pas vous enorgueillir ; votre puissance quelle qu’elle soit, ne vous donne pas le droit de mépriser les autres.

 

135. — Celui-ci, celui-là, s’emploient de cette manière : celui-ci, pour la personne dont on a parlé en dernier lieu ; celui-là, pour la personne dont on a parlé en premier lieu.

Exemple : Les deux philosophes Héraclite et Démocrite étaient d’un caractère bien différent : celui-ci riait toujours, celui-là pleurait sans cesse.

Ceci désigne une chose plus proche, cela désigne une chose plus éloignée.

Exemples : Je n’aime pas ceci ; donnez-moi cela.

 

136. — Le mot personne, employé comme pronom, est du masculin. On dit : je ne connais personne plus heureux que lui. Mais personne, employé comme nom, est du féminin : cette personne est très-heureuse.

On ne dit plus : un chacun, un quelqu’un.

Remarques sur les verbes.

137. — Le sujet, soit nom, soit pronom, se place après le verbe, 1° quand on interroge. Exemples : Que penseront de vous les honnêtes gens, si vous n’êtes pas sage ? Irai-je ? Viendras-tu ? Est-il arrivé ?

 

138. — Quand le verbe qui précède il, elle, on, finit par une voyelle, on ajoute un t devant il, elle, on. Exemples : Appelle-t-il ? Viendra-t-elle ? Aime-t-on les paresseux ?

L’usage ne permet pas toujours cette manière d’interroger à la première personne, parce que la prononciation en serait rude et désagréable. Ne dites pas : Cours-je ? Mens-je ? Dors-je ? Sors-je ? etc. Il faut prendre un autre tour et dire : Est-ce que je cours ? Est-ce que je mens ? Est-ce que je dors ?

 

139. — Le sujet se met encore après le verbe, 1° quand on rapporte les paroles de quelqu’un. Exemple : Je me croirai heureux, disait un bon roi, quand je ferai le bonheur de mes sujets.

2° Après tel, ainsi. Exemples : tel était son avis ; ainsi mourut cet homme.

3° — Après les verbes impersonnels. Exemple : Il est arrivé un grand malheur.

 

140. — On ne doit se servir du passé défini qu’en parlant d’un temps absolument écoulé, et dont il ne reste plus rien. Ainsi, ne dites pas : j’étudiai aujourd’hui, cette semaine, cette année, parce que le jour, la semaine, l’année, ne sont pas encore passés. Ne dites pas non plus : j’étudiai ce matin : il faut, pour le passé défini, qu’il y ait l’intervalle d’un jour. Mais on dit bien : J’étudiai hier, la semaine dernière, l’an passé, etc.

 

141. — Le passé indéfini s’emploie indifféremment pour un temps passé, soit qu’il en reste encore une partie à écouler ou non. On dit bien : J’ai étudié ce matin, j’ai étudié hier, j’ai étudié cette semaine, j’ai étudié la semaine passée, etc.

 

142. — A quel temps du subjonctif faut-il mettre le verbe qui suit la conjonction que ? (Quand elle régit ce mode.)

Première règle. Quand le premier verbe est au présent ou au futur, mettez au présent du subjonctif le second verbe qui est après que.

Exemples : Il faut, Il faudra……… que vous soyez plus attentif.

Deuxième règle. Quand le premier verbe est à l’un des passés, mettez le second verbe à l’imparfait du subjonctif.

Exemples : Il fallait, Il fallut, Il a fallu, Il eût fallu, Il aurait fallu……… que vous fussiez plus attentif.

Remarques sur les prépositions.

143. — Ne confondez pas autour et à l’entour : autour est une préposition, et elle est toujours suivie d’un régime : autour d’un trône ; à l’entour n’est qu’un adverbe, et il n’a point de régime : il était sur son trône, et ses fils étaient à l’entour.

 

144. — Ne confondez pas avant et auparavant : avant est une préposition, et elle est suivie d’un régime : avant l’âge, avant le temps : auparavant n’est qu’un adverbe, et il n’a point de régime : ne partez pas si tôt, venez me voir auparavant.

 

145. — Au travers est suivi de la préposition de : au travers des ennemis. A travers n’en est pas suivi ; on dit : à travers les ennemis.

Remarques sur les adverbes.

146. — Plus et davantage ne s’emploient pas toujours l’un pour l’autre : davantage ne peut être suivi de la préposition de ni de la conjonction que. On ne dit pas : il a davantage de brillant que de solide, mais plus de brillant. On ne dit pas : il se fie davantage à ses lumières qu’à celles des autres, mais il se fie plus à ses lumières.

Davantage ne peut s’employer que comme adverbe.

Exemple : la science est estimable, mais la vertu l’est bien davantage.

 

147. — Ne confondez pas l’adverbe près de, qui signifie sur le point de, avec l’adjectif prêt à, qui signifie disposé à. On ne dit point : il est prêt à tomber, mais il est près de tomber.

 

148. — Ne confondez pas à la campagne et en campagne ; ce dernier ne se dit que du mouvement des troupes : l’armée est en campagne ; mais il faut dire : j’ai passé l’été à la campagne.

Remarque sur le régime.

149. — Règle. Un nom peut être régi par deux adjectifs, ou par deux verbes à la fois, pourvu que ces adjectifs et ces verbes ne veuillent pas un régime différent.

Exemples : Cet homme est utile et cher à sa famille.. Cet officier attaqua et prit la ville.

Mais on ne peut pas dire : cet homme est utile et chéri de sa famille, parce que l’adjectif utile ne peut régir de sa famille. On ne peut pas dire : cet officier attaqua et se rendit maître de la ville, parce que le verbe attaquer ne peut régir de la ville.