(1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »
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(1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Chapitre IV.

Il se présente naturellement trois manières de développer un sujet : 1° décrire, raconter des faits, ce qui s’adresse à l’imagination ; 2° émouvoir, en cherchant à exciter les passions ; 3° prouver, en s’adressant à l’esprit par le raisonnement. Cette division est à peu près celle des anciens rhéteurs, qui ramènent l’éloquence à ces trois points : plaire, toucher, instruire.

§ I. Des faits.

Tout sujet renferme un fait capital, et des faits accessoires qu’il s’agit de développer. C’est en envisageant le sujet sous tous les aspects, extérieurs et intérieurs, que l’on parviendra à en tirer toutes les ressources qu’il contient. Voici quelques moyens qui pourront aider dans ce travail.

1° La définition.

Pour bien déterminer l’objet dont on parle, il faut le définir. La définition consiste à donner une explication claire et précise d’une chose. Si l’on veut définir en philosophe, on caractérisera l’objet le plus brièvement possible ; mais l’orateur, le poète donnera à sa définition plus d’étendue et d’ornements : il pourra peindre l’objet par des traits caractéristiques et saillants, et faire une sorte d’accumulation des causes, des effets et des circonstances.

Ainsi, un dialecticien dira d’un ami : C’est un autre nous-même. La Fontaine donnera à sa définition cette forme gracieuse :

Qu’un ami véritable est une douce chose !
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
              Il vous épargne la pudeur
              De les lui découvrir vous-même :
              Un songe, un rien, tout lui fait peur,
              Quand il s’agit de ce qu’il aime.

2° L’énumération des parties.

La définition suffit pour donner une idée d’un sujet simple ; mais si le sujet est complexe, s’il prête au développement, on peut le détailler et en faire un tableau par l’énumération des parties qui le composent.

Racine, voulant peindre la bonté de Dieu, emploie ce moyen, dans le premier chœur d’Athalie :

Tout l’univers est plein de sa magnificence ;
              Chantons, publions ses bienfaits.
Il donne aux fleurs leur aimable peinture ;
              Il fait naître et mûrir les fruits :
              Il leur dispense avec mesure
Et la chaleur des jours et la fraîcheur des nuits ;
Le champ qui les reçut les rend avec usure.
Il commande au soleil d’animer la nature.
   Et la lumière est un don de ses mains ;
              Mais sa loi sainte, sa loi pure,
Est le plus riche don qu’il ait fait aux humains.

3° La cause et l’effet ; les antécédents et les conséquents.

Un fait, un évènement a toujours une cause, et peut produire des effets auxquels l’écrivain doit savoir emprunter des développements, s’il le juge convenable.

Si j’ai à peindre une inondation, rien n’est plus naturel que de remonter aux causes qui l’ont amenée : un orage, le vent, les pluies, la rupture d’une digue ; les effets de l’évènement seront la désolation des villes et des campagnes, la ruine, la misère, etc.

Un fils expose sa vie pour sauver celle de son père : la cause, c’est l’amour filial, la reconnaissance, l’instinct du cœur ; l’effet, c’est la gratitude du vieillard, le bonheur d’avoir réussi, et d’avoir accompli un devoir sacré.

Aux idées de cause et d’effet peuvent se joindre les développements relatifs aux antécédente et aux conséquents.

Les antécédents, c’est ce qui a précédé le fait ; les conséquents, ce qui l’a suivi.

Il ne faut emprunter à ces deux derniers moyens que ce qui est absolument nécessaire au sujet, sinon la matière deviendra interminable, elle manquera d’intérêt et de précision. « Pour chanter la guerre de Troie, dit Horace, il ne faut pas remonter à la naissance d’Hélène. »

4° Les circonstances.

Quand on raconte une action, il faut observer avec soin toutes les circonstances qui l’accompagnent : c’est là le point important du sujet ; c’est là qu’il faut faire briller la vérité, la fidélité, la couleur locale. Sous la plume d’un écrivain habile, les circonstances se développent avec art ; elles s’animent pour offrir un tableau pittoresque : la composition prend de la chaleur et de la vie.

Les circonstances varient autant que les sujets ; on les tire de la personne, de la chose, du lieu, des moyens, des motifs, de la manière, du temps.

La mort de Turenne et la mort de Vatel, par madame de Sévigné, nous offrent des modèles parfaits de l’art de raconter, avec toutes les circonstances qui donnent de l’intérêt au récit. C’est aussi ce qui fait le charme des Récits des temps mérovingiens, de M. A. Thierry, du Gil Blas, de Le Sage, etc.

5° Les semblables.

En cherchant dans notre mémoire tout ce qui offre de l’analogie avec celui qui nous occupe, nous trouverons, par les rapprochements et la similitude, à lui donner de la clarté et de la force. Nous appellerons à notre aide les comparaisons, les exemples, les citations, les témoignages ; un souvenir, une phrase, un mot bien appliqué peut faire un excellent effet. L’orateur de la chaire puise une partie de son autorité dans les Livres saints et dans les Pères de l’Église ; l’orateur du barreau invoque les lois, les coutumes, les témoins ; le philosophe et l’historien recourent aux traditions du passé.

Le Franc de Pompignan, dans sa belle ode sur la mort de J.-B. Rousseau, fait un rapprochement habile et plein d’effet entre ce poète et Orphée :

Quand le premier chantre du monde
Expira sur les bords glacés
Où l’Hèbre, effrayé, dans son onde
Reçut ses membres dispersés,
Le Thrace, errant sur les montagnes,
Remplit les bois et les campagnes
Du cri perçant de ses douleurs ;
Les champs de l’air en retentirent,
Et dans les antres qui gémirent
Le lion répandit des pleurs.

La France a perdu son Orphée…

6° Les contraires.

Une opposition, une différence fait souvent mieux ressortir l’objet dont on parle ; en disant ce qu’une chose n’est pas, on fait comprendre ce qu’elle est : c’est en cela que consistent les contraires.

« Voulez-vous la paix, préparez la guerre, dit un historien latin (Tite-Live). »

Le vrai sage n’est pas celui qui vante la sagesse, mais celui qui la cultive ; il n’a pas la vertu sur les lèvres, mais dans le cœur, etc.

7° Les convenances et les mœurs.

Dans tout ce qu’on écrit, il faut observer les convenances, c’est-à-dire, les bienséances qui tiennent aux personnes, à l’âge, au temps, aux lieux, aux genres de composition. Il est difficile de donner là-dessus des règles positives ; les bienséances se sentent mieux qu’elles ne s’enseignent : ce sont les délicatesses du sentiment de l’écrivain ; elles tiennent à mille nuances qui varient dans chaque circonstance.

L’éducation seule peut nous donner ce tact exquis de parler et d’écrire toujours comme il convient. Considérez dans le monde un homme bien élevé : son ton est parfait, ses manières simples, naturelles ; il est aimable sans prétention, agréable sans fadeur. Tel autre, au contraire, moins façonné aux convenances, a des manières lourdes et disgracieuses : s’il veut plaire, il se rend ridicule ; il ne dit rien à propos, il fait des bévues grossières, il manque d’éducation.

Il en est de même de l’écrivain : les convenances, chez lui, c’est l’éducation qu’il a puisée dans les bons auteurs et dans les principes d’un bon maître ; mais c’est surtout l’expression de son caractère et de ses mœurs, par lesquelles il s’attire la confiance et l’estime.

Que votre âme et vos mœurs, peintes dans vos ouvrages,
N’offrent jamais de vous que de nobles images.
Boileau.

Il faut donc, avant tout, que l’auteur soit animé de sentiments vertueux : la bonne foi, la bienveillance, la probité, la générosité, doivent respirer dans ses paroles. S’il pense noblement, il s’exprimera de même. C’est un devoir rigoureux, quoique malheureusement trop méconnu, de respecter la conscience publique, la décence et les mœurs. L’homme de bien se fait sentir dans ses écrits ; on le suit avec plaisir, on l’aime, on se laisse doucement persuader par sa parole.

Les bienséances dont nous venons de parler concernent principalement l’écrivain. Disons un mot de celles qui sont relatives aux lecteurs et aux auditeurs.

Il ne faut jamais perdre de vue les personnes auxquelles on s’adresse : de l’état de nos rapports avec elles dépendent en partie le ton, le plan, la manière que nous devons adopter. On n’écrit pas à un ami comme on écrit à un père ou à un supérieur. Un livre composé pour la jeunesse doit avoir un autre caractère que celui qui est écrit pour l’âge mûr. L’orateur, dans la chaire sacrée, n’a pas le même langage que l’orateur du barreau. Si l’on veut consoler une personne, il ne faut pas prendre un ton léger qui semble insulter à sa douleur.

L’art des convenances consiste à modifier son langage d’après le genre de composition, le sujet, l’état des personnes, leur âge, leur éducation, leur rang, leur caractère, leur nation, etc.

Un modèle qu’on ne peut trop étudier sous le rapport des mœurs et des convenances, c’est Racine : l’art et le sentiment se réunissent chez lui pour atteindre la perfection ; tout y est exquis, rien ne choque ; le goût même le plus délicat ne trouve rien à reprendre. Combien peu d’auteurs méritent un tel éloge !

§ II. Des passions.

On entend généralement par passions, de vifs mouvements de l’âme qui nous portent vers un objet ou nous en détournent. Si quelque chose plaît, on le recherche, on le désire, on l’aime ; si quelque chose déplaît, on le fuit, on le repousse, on le hait.

Toutes les passions peuvent donc se rapporter à ces deux chefs, l’amour et la haine.

Les passions tiennent essentiellement à notre nature ; on ne peut être homme sans passions ; elles n’ont en elles-mêmes rien de mauvais ; tout dépend de l’usage qu’on en fait. Dans leurs limites naturelles, elles consistent à aimer le bien et à détester le mal.

La règle des passions, c’est le sentiment du devoir, c’est-à-dire la conscience. L’homme, sollicité d’un côté par le bien et de l’autre par le mal, a son libre arbitre pour choisir.

S’il fait le bien, il est vertueux ; s’il fait le mal, il est criminel.

Le but de notre nature est la recherche du bonheur ; un entrainement irrésistible nous y pousse. Mais c’est ici que bien des personnes s’égarent. Le vrai bonheur n’est pas dans la satisfaction de tous nos désirs ; il est dans la vertu, dans la pratique du devoir ici-bas, et dans la récompense éternelle de la vertu après la mort.

Les passions en littérature, c’est l’emploi que l’on fait des sentiments de l’âme pour émouvoir et intéresser ; l’orateur s’en sert pour toucher ses auditeurs et entraîner leur conviction.

Il est impossible d’écrire sans employer une passion quelconque. L’écrivain qui sent le plus vivement est celui qui a le plus de succès. Le théâtre n’est autre chose que le jeu des passions, c’est-à-dire la vie humaine avec ses combats divers.

L’histoire, c’est le drame des peuples ; la poésie lyrique peint les émotions intimes de l’âme ; le roman, les passions de la vie commune. L’éloquence entraine autant par le pathétique que par le raisonnement. C’est partout le cœur humain avec ses joies et ses douleurs, ses amours et ses haines. La première condition pour émouvoir les autres, c’est d’être ému soi-même.

Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez.
Boileau.

Les larmes en effet sont contagieuses*, te sensibilité se propage par un frémissement électrique, qui passe rapidement d’un cœur à un autre : il est impossible de voir une personne émue sans ressentir une émotion analogue ; c’est par là qu’on voit souvent au théâtre, des larmes couler de tous les yeux ; c’est par là que Massillon, dans son sermon Sur le petit nombre des élus, faisait lever tout son auditoire par un mouvement unanime d’épouvante.

Pour réussir à manier les passions en écrivant, il faut avoir l’imagination vive : l’âme qui est fortement frappée, comme un timbre sonore, fait vibrer fortement son émotion dans ses paroles. Il est des auteurs qui singent la passion, et écrivent à froid des morceaux pathétiques ; mais ils se trahissent bientôt ; leur ton devient faux et déclamatoire ; ils pêchent malgré eux contre le naturel et la vérité. On ne peut se méprendre au vrai langage du cœur ; car c’est le cœur qui rend éloquent, dit Quintilien.

N’oublions pas toutefois que la sensibilité, comme l’imagination, doit être guidée par le jugement et la raison. La passion dont on n’est pas maitre peut entraîner à l’extravagance : de là l’oubli des convenances, le mauvais goût, la fausseté dans le jugement. Il faut aussi une certaine sobriété dans l’emploi des passions ; une émotion violente ne peut durer longtemps ; elle briserait le cœur. En tout l’exagération est pernicieuse : un orage momentané purifie l’atmosphère et rafraîchit la terre ; un ouragan qui se prolonge renverse et détruit tout, ne laissant derrière soi que désastres et ruines. Les passions sont les orages du cœur.

Les jeunes gens que le contact du monde n’a pas encore corrompus, sont animés naturellement de passions nobles et généreuses ; leurs sentiments sont purs ; ils aiment le bien et la justice par instinct, par goût ; le mal leur répugne, l’injustice les irrite. Qu’ils se laissent aller dans leurs compositions à ces élans de l’âme ; qu’ils ne prennent des passions humaines que ce qu’elles ont de pur et d’élevé ; ils perfectionneront ainsi leur sensibilité et leur imagination ; ils s’affermiront dans la voie du bien. Mais qu’ils se gardent surtout de ces lectures dangereuses où les passions, peintes sous des couleurs attrayantes, peuvent pervertir leur esprit et leur cœur.

§ III. Du raisonnement.

Ce n’est pas tout de plaire et de toucher, il faut aussi Bavoir convaincre par les preuves : c’est le but du raisonnement.

L’art de raisonner se nomme dialectique ; il fait partie de cette division de la philosophie qu’on nomme logique, qui a pour but d’apprendre à penser et à parler avec justesse.

On appelle argument ou preuve les raisons dont on appuie les vérités qu’on veut démontrer. L’emploi des arguments se nomme argumentation.

Raisonner, c’est tirer un jugement d’autres jugements déjà connus, en les comparant entre eux.

La forme la plus générale du raisonnement se nomme syllogisme ; on peut y joindre l’enthymème, le dilemme, le sortie, l’induction et l’exemple.

1° Du syllogisme.

Le syllogisme est un argument composé de trois propositions, dont la dernière est une conséquence des deux précédentes.

Supposons que je veuille prouver qu’il faut aimer la vertu ; j’établis d’abord cette vérité générale, que personne ne conteste : Il faut aimer ce qui nous rend heureux ; j’en rapproche ensuite une autre vérité également incontestable : or la vertu nous rend heureux ; et j’en tire la conclusion naturelle, qu’il fallait prouver : donc il faut aimer la vertu. La première proposition se nomme majeure, la seconde mineure, la troisième conclusion ; les deux premières ensemble se nomment prémisses.

Voici un autre exemple du syllogisme ;

Tout ce qui nous avilit est odieux ;

Or le mensonge nous avilit ;

Donc le mensonge est odieux.

Le syllogisme est juste quand la conclusion est contenue dans les prémisses, et que les prémisses le font voir.

Voici un syllogisme dont on reconnaît facilement la fausseté : Les Français sont braves ; or les Espagnols ne sont pas Français ; donc les Espagnols ne sont pas braves.

2° De l’enthymème.

On appelle enthymème un syllogisme dont on omet une prémisse qu’il est facile de suppléer ; ainsi l’on dira :

Le mensonge nous avilit,

Donc il est odieux.

Dans la composition littéraire, on présente rarement le raisonnement sous la forme de l’enthymème, plus rarement encore sous celle du syllogisme ; cette manière sèche et pédantesque ne convient guère qu’aux mathématiques ou à la philosophie. Un écrivain, quand il raisonne, a soin de déguiser l’argument, de l’embellir, de l’étendre ; il change l’ordre des propositions à son gré. Ainsi il dira :

Gardons-nous de nous laisser aller au mensonge ; c’est un vice odieux qui dégrade notre âme, qui nous avilit à nos propres yeux et aux yeux de nos semblables, etc.

De cette manière, le raisonnement n’a pas moins de force, et il a plus de grâce.

3° Du dilemme.

Le dilemme est la réunion de deux arguments dont l’alternative est inévitable, et qui mènent à la même conclusion : on l’a appelé poignard à double lame, qui frappe en deux sens. Un général faisait ce dilemme à une sentinelle qui avait laissé surprendre son camp :

Ou tu étais à ton poste, ou tu n’y étais pas :

Si tu étais à ton poste, tu nous as trahis ;

Si tu n’y étais pas, tu as enfreint la discipline ;

Donc, dans l’un ou l’autre cas, tu mérites la mort.

Dans la tragédie d’Athalie, Mathan fait ce dilemme en parlant du jeune Éliacin :

À d’illustres parents s’il doit son origine,
La splendeur de son sang doit bâter sa ruine ;
Dans le vulgaire obscur ci le sort l’a placé,
Qu’importe qu’au hasard un sang vil soit versé ?

4° Du sortie.

Le sorite (amas) est une série de propositions dont la seconde doit expliquer l’attribut de la première ; la troisième, l’attribut de la seconde, et ainsi de suite jusqu’à la conséquence. Ainsi, pour prouver que la négligence amène le vice, je fais le sorite suivant : La négligence produit l’oisiveté, l’oisiveté amène l’ignorance ; l’ignorance causa l’oubli du devoir ; l’oubli du devoir conduit au vice ; donc la négligence peut amener le vice.

5° De l’induction.

L’induction est un argument par lequel on tire une conclusion générale de plusieurs faits particuliers. Exemple : La santé, la vie, la gloire, la beauté, les plaisirs, les honneurs, les richesses, ne sont que vanité : donc tout n’est que vanité.

6° De l’exemple.

L’exemple est un genre de raisonnement fréquemment employé ; il consiste à conclure par des rapports de ressemblance ou d’opposition.

Ainsi : votre père s’est distingué par ses vertus, donc vous devez marcher sur ses traces.

Votre frère est souvent puni pour sa paresse, donc vous ne devez pas suivre son exemple.

7° Des sophismes.

Ce que nous avons dit des différentes espèces d’argument suffit pour habituer les jeunes gens à penser, à écrire avec précision, à raisonner avec justesse. Ils n’ont pas besoin d’être des dialecticiens consommés ; c’est surtout le bon sens qui doit les guider. Pour compléter cette matière, nous ajouterons un mot sur les sophismes.

On appelle ainsi des raisonnements spécieux, qui sont faux, mais qui ont une apparence de vérité. Il faut un esprit sagace pour démêler l’erreur d’un sophisme : en voici quelques exemples :

Ignorance du sujet. C’est quand on ne s’entend pas sur la question même, et qu’on veut prouver ce qui n’a pas besoin de l’être.

Ambiguïté des termes. Ce sophisme consiste à abuser du sens des mots, en les prenant tantôt dans une acception, tantôt dans une autre, pour égarer l’esprit. Tel est le raisonnement suivant : Gassendi était petit ; or Gassendi était un philosophe ; donc Gassendi était un petit philosophe.

Pétition de principe. C’est reproduire en termes différents la question elle-même. Tel est ce sophisme dans Molière : Pourquoi l’opium fait-il dormir ? Parce qu’il a une vertu dormitive.

Le cercle vicieux rentre dans la pétition de principe ; il donne pour preuve le fait même qui est à prouver. Exemple : Pourquoi n’aimez-vous pas le travail ? Parce que je suis paresseux. Pourquoi êtes-vous paresseux ? Parce que je n’aime pas le travail.

Conclure du particulier au général, ou du relatif à l’absolu. Exemple : La médecine ne guérit pas toujours ; donc la médecine est une science vaine. On abuse des sciences et des arts ; donc l’ignorance est préférable,

Prendre pour cause ce qui ne l’est pas. Exemple : En 1811, année de la comète, il y a eu d’excellents vins ; donc les comètes amènent de bonnes vendanges. C’est par le même sophisme qu’on dit qu’une chose porte malheur, et que la lune produit des changements de temps, etc.