Chapitre XX.
Ammonius, dans son commentaire sur le Traité d’Aristote περὶ Ἑρμηνείας, renvoie à ce chapitre de la Poétique, pour en tirer d’ailleurs des conclusions subtiles et fausses.
L’objet de notre travail sur la Poétique étant plus spécialement littéraire que grammatical, nous bornerons nos remarques sur ce chapitre et sur le suivant aux éclaircissements les plus indispensables pour la lecture du texte, et à quelques indications qui pourront guider le lecteur curieux de plus amples notions. C’est dans une histoire de la Grammaire qu’il convient de relever et de discuter en détail tant d’assertions, souvent obscures, et qui témoignent de l’état d’enfance où était encore, au temps d’Aristote, la théorie du langage. On pourra consulter sur ce sujet notre Apollonius Dyscole, Essai sur l’Histoire des Théories grammaticales dans l’antiquité, et les ouvrages cités dans les notes sur le chap. vii, § 1, des Notions élémentaires de Grammaire comparée (7e édit., 1874).
L’élément.] Στοιχεῖον est ordinairement opposé à γρᾶμμα chez les grammairiens, comme l’élément vocal à son signe écrit. Voy. Aristote : Métaphysique, III, 3, V, 3, VII, 10 De l’Ame, II, 5 Topiques, IV, 5 VI, 5 cf. Sextus Empiricus, Contre les grammairiens, chap. v.
Sans articulation.] « Sans le secours d’aucune autre lettre. »
(Dacier.)
Mais il est facile de voir que ce sens ne s’accommode pas avec ce
qui suit. Toutefois je m’étonne de ne trouver dans les grammairiens aucun
autre exemple de προσϐολη avec le sens d’articulation.
Les formes que prend la bouche.] Voy. un commentaire de cette expression dans Denys d’Halicarnasse, De l’Arrangement des mots, chap. xiv.
Entre les deux.] Cf. Rhétorique, III, 1 Réfut. sophistiques, chap. xxi Topiques, I, 15. On pense généralement qu’Aristote a voulu parler ici de l’accent circonflexe. Voy. le traité d’Accentuation grecque que j’ai publié avec M. Ch. Galusky, p. 4. Alexandre d’Aphrodise, dans son commentaire sur les Réfutations sophistiques, chap. iv, à propos de la leçon τὸ μὲν οὐ ϰαταπύθεται ὄμϐρῳ, dans un vers d’Homère discuté ci-dessous, chap. xxv de la Poétique, prétend que par βαρβῖα Aristote entend la périspomène. Cela est peu probable. Voy. notre ouvrage sur Apollonius Dyscole, ch. viii, § 1. Alexandre est réfuté au moins par le passage des Topiques, I, 15, où Aristote oppose comme ἐναντία l’ὀξύ au βαρύ.
Gr sans a n’est pas une syllabe.] Dans plusieurs mss. et éditions οὐϰ ἔστι manque et ἀλλά est remplacé par ϰαί, leçon qui peut à la rigueur s’entendre, et qui semble même répondre au texte suivant de la Métaphysique, XIV, 6. Ἐϰεὶ ϰαὶ το Ξ Ψ Ζ συμφωνίας φασίν εἶναι ϰαὶ ὅτι ἐϰεῖναι τμρῖς ϰαὶ ταῦτα τρία • ὅτι δὲ μύρια ἂν εἴη τοιαῦτα οὐδὲν μέλει • τὸ γἀρ Γ ϰαί P (c’est-à-dire gr) είη ἂν ἕν σημεῖον. En effet Aristote admet lui-même plus haut que les semi-voyelles comme s et r ont par elles-mêmes un son articulé et sensible.
La conjonction.] Voy. surtout Aristote, Rhétorique, III, 5 et 12 Problèmes, XIX, 20, p. 64 de cette édition Denys le Thrace, ch. xxv, avec ses commentateurs, et le traité spécial d’Apollonius, dans les Anecdota græca de Bekker, t. II.
Aux extrémités.] Τὸ ἄϰρα. De même : Analytiques prem., I, 4 Métaphysique, X, 12.
Le nom.] Voy. Aristote, Du Langage, chap. ii et iii, et le ch. xxi de la Poétique.
Dans Théodore, dore n’a pas de sens.] Singulière observation, qui prouve combien s’était affaibli, sinon effacé, le sens des terminaisons dans les mots composés. On trouve chez Aristote des observations semblables dans le traité Du Langage, chap. ii et iv. Voyez sur la finale δωρος dans les mots doubles de ce genre, les ingénieuses observations de Letronne sur les Noms propres grecs (Paris, 1846), IIe partie.
Il marche.] Exemple familier à Aristote. Voy. : Rhétorique, III, 2 Réfut. sophistiques, chap. xxii Métaph. IV, 7 etc. Il en est de même du nom propre Cléon, cité plus bas. Voyez : Rhétorique, II, 2 III, 5 Réfut. sophistiques, chap. xxxii Métaph. VI, 15 IX, 5 etc. (exemples réunis par Düntzer).
Le temps présent, le passé.] Voyez : Rhétorique, I, 3 Topiques, II, 4.
Le cas.] Πτῶσις. Lettre anonyme dans les Anecdota Oxon. de Cramer, tome III, p. 194 : Τοὺς τοιούτους ὀνομάτων μετασχηματισμοὺς πτώσεις εἴωθε ϰαλεῖν ὁ Ἀριστοτέλης, ἀλλὰ ϰαὶ ὁ (τὸ ?) ἀνεψιὸς ϰαὶ ὁ αὑτανεψιός χαὶ ὁ υίδοὺς ϰαὶ ὁ ἀδελφιδούς. Cf. Denys le Thrace, chap. xiv et xv, et le commentaire.
L’oraison est une.] Rhétorique, III, 9 : λέξις εἰρομένη ϰαὶ συνδέσμω μία cf. III, 12. C’est exactement la doctrine qu’on retrouve dans le traité Du Langage, et que commente Ammonius dans un passage d’où Ritter conclut à tort contre l’authenticité de ce chapitre. — La comparaison de l’Iliade avec la définition de l’homme est aussi un exemple familier à Aristote voir Analytiques post. II, 7, 10 cf. Métaphysique, VI, 12 Topiques, I, 4.
L. Lersch, dans son livre intitulé Sprachphilosophie der Alten (1840), t. II, p. 256-280, a défendu contre les critiques de Ritter l’authenticité de ce chapitre.