(1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »
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(1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »

Chapitre III.
De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs.

Ce que nous venons de citer de Salluste, nous conduit naturellement à parler ici d’une des parties brillantes de l’art oratoire chez les anciens. Ce sont ces belles harangues que l’on rencontre si fréquemment, et toujours avec tant de plaisir, dans les historiens grecs et latins.

Les observateurs scrupuleux des limites qui séparent et doivent distinguer les genres divers de compositions littéraires, ont fait à ces harangues des reproches, fondés en apparence, mais qui cessent de l’être cependant, lorsqu’on se reporte au temps et au milieu des peuples où elles furent écrites. Ce sont, ont dit les uns, des morceaux de luxe, des ornements parasites, où brille le talent de l’écrivain, mais où la vérité et les convenances historiques sont également violées. À quoi bon couper tout à coup le fil de la narration, suspendre la marche des événements, pour nous faire entendre un long discours travaillé avec art, et qui, par cela même, est souvent en contresens avec la situation où se trouve le personnage qui parle ?

D’autres ont donné à leurs reproches un caractère plus grave encore ; ils ont prétendu que les acteurs introduits dans le grand drame de l’histoire, n’ayant pas tenu précisément le discours que leur prête l’historien, c’est se jouer mal à propos de la crédulité du lecteur, faire prendre le change à sa bonne foi, et l’induire gratuitement en erreur.

Comme nous ne considérons pour le moment ces beaux discours que sous le rapport de l’art oratoire, nous pourrions nous dispenser de répondre à ces reproches ; mais comme rien de ce qui tend à infirmer la confiance des jeunes gens dans les monuments qu’on leur cite pour des modèles, ne doit rester sans réponse, nous nous bornerons ici à quelques observations générales.

Ce serait une carrière bien intéressante à parcourir pour le rhéteur philosophe, que de suivre la marche et les progrès de l’éloquence, depuis Hérodote jusqu’à Tacite. Peut-être serait-ce là, et là seulement que l’on pourrait étudier avec fruit cette partie essentielle de l’histoire de l’homme en société. Quoiqu’en effet tous les grands hommes qui passent sous nos yeux, dans cette immense revue de tant de siècles, n’aient pas tenu peut-être le langage que leur prête l’historien, il est clair cependant qu’il a adapté leurs discours à leur caractère connu, et que, s’il a quelquefois substitué sa pensée à la leur, il en a si bien pris l’esprit et le style en général, que nous retrouvons facilement l’un et l’autre ; et que nous oublions sans effort l’auteur qui écrit, pour n’entendre que le héros qui parle ; et ce qui le prouve d’une manière qui nous paraît sans réplique, c’est qu’à chacune de ces grandes époques qui divisent les temps, moins encore par le nombre des années, que par les progrès de la civilisation et le développement des connaissances, nous trouvons dans ces mêmes harangues un tableau fidèle et des mœurs du siècle et du caractère particulier du pays. Ce serait encore des monuments précieux, sous ce seul et unique point de vue ; car les discours ne contribuent pas moins que les actions à faire connaître les hommes. Il y a même une différence essentielle à observer ici : les actions ne mettent précisément en évidence que le personnage qui agit, tandis que ces discours adressés à tout un peuple, dans une circonstance importante pour lui, nous font d’autant mieux connaître l’esprit et les mœurs de ce peuple, que l’orateur, quel qu’il soit, a dû accommoder son style et ses pensées au langage et aux idées de ceux qui l’écoutaient.

Les grands historiens de la Grèce et de Rome n’ont jamais manqué à cette fidélité sévère de costume et de mœurs ; et c’est ce qui nous attache et nous rappelle encore si puissamment à la lecture de leurs ouvrages ; c’est ce qui sollicite et obtient si facilement de nous le pardon des fables qu’ils débitent et des erreurs nombreuses où il était impossible que le préjugé et l’ignorance ne les entraînassent pas fréquemment.

À leur tête se présente Hérodote, que l’on a nommé le père de l’histoire, parce qu’il a le premier rassemblé en corps d’ouvrage les traditions informes, conservées jusqu’à lui sur l’airain, la pierre, les tombeaux ou les médailles. Le nom de chacune des neuf muses, donné par acclamation aux neuf livres qui composent son histoire, prouve avec quel transport la lecture en fut entendue à l’assemblée des jeux olympiques, 445 ans avant J. C. ; et il est probable que ce que lui avait inspiré la muse de l’éloquence, ne fut pas ce qui charma le moins ses auditeurs. Ce témoignage unanime, ces honneurs solennellement rendus, par un peuple poli et déjà éclairé, à l’écrivain qui venait d’enlever ses suffrages en enchantant ses oreilles, donnèrent aux ouvrages d’Hérodote un grand caractère d’autorité dans la Grèce, et auraient dû rendre les critiques modernes moins prompts à reléguer, sans examen, au nombre des fables, tout ce qui n’avait pas avec nos petites idées la conformité la plus exacte. Ce qui fait à Hérodote, historien et observateur, autant d’honneur au moins que les éloges de ses propres concitoyens, c’est la vérification récemment faite sur les lieux, par des savants dignes de foi, de ce qu’il avait écrit sur l’Égypte, et que l’on était convenu de regarder comme fabuleux.

Mais il n’est question ici que du peintre des mœurs et des caractères ; et c’est sous ce rapport que nous allons examiner quelques-unes des harangues d’Hérodote.

Le premier événement qui figure avec quelque intérêt dans son histoire, est la chute de ce fameux Crésus, qui soutint ce revers épouvantable avec une fermeté courageuse, que l’on ne semblait pas devoir attendre d’un homme ébloui longtemps de ses richesses, et l’objet et la victime de tous les genres de corruption. Le commun des lecteurs ne connaît de lui que son opulence, et l’on ignore assez généralement que ce même monarque, si vil sur un trône, amolli par un luxe effréné, se montra grand dans l’adversité, et étonna son vainqueur même par sa constance. Nous en citerons, entre autres, le trait suivant. Les Perses pillaient la ville de Sardes, sa capitale, qui venait de tomber entre leurs mains. « Grand roi, dit-il à Cyrus, te dirai-je ce que je pense, ou mon état présent me doit-il fermer la bouche » ? (Il était prisonnier, et à peine échappé au bûcher préparé pour lui). Cyrus lui ayant permis de parler librement : « Que fait, lui demanda-t-il, toute cette multitude déchaînée » ? — Elle pille ta ville, répondit Cyrus et enlève tes richesses. — « Ce n’est ni ma ville ni mes richesses qu’elle pille, reprit Crésus, puisqu’elles ne m’appartiennent plus : ce sont tes biens qu’elle prend et qu’elle emporte ».

Il est fâcheux qu’un prince capable d’une réflexion aussi juste et aussi profonde, ne l’ait pas été de se rendre à la sagesse des conseils que lui donnait un de ses sujets, dans le discours suivant, où il s’efforce de le détourner du projet d’attaquer les Perses.

Discours de Sandanis à Crésus.

« Prince, tu vas attaquer des peuples qui ne sont vêtus que de peaux, qui mangent ce qu’ils peuvent, la stérilité de leur pays ne leur permettant pas de manger ce qu’ils veulent ; des peuples qui ignorent l’usage du vin, et n’ont que de l’eau pour boisson ; qui ne connaissent ni les figues, ni aucun autre fruit agréable. Vainqueur, que peux-tu enlever à des hommes qui n’ont rien ; vaincu, que ne risques-tu pas de perdre ? Dès qu’ils auront commencé à goûter les délices de notre pays, ils n’y renonceront pas aisément, et nous ne pourrons plus les chasser. Pour moi, je rends grâces aux dieux de ce qu’ils n’ont pas inspiré aux Perses le dessein de venir attaquer la Lydie ».

(Hérodote, Liv. i).

Si l’on réfléchit à l’immense intervalle que la vérité devait avoir à franchir pour parvenir, d’un simple sujet, jusqu’aux oreilles d’un monarque tel que Crésus, on conviendra qu’il y avait du courage à parler ainsi. Ce ton de simplicité noble, qui ne dissimule, mais n’exagère rien, et se borne à exposer la vérité sans feinte et sans détours, a quelque chose de bien plus éloquent que les figures les plus hardies et les tours les plus recherchés. Il faut remarquer surtout ce qu’étaient et ce que devinrent ensuite ces mêmes Perses : il suffira, pour cela, de rapprocher de ce discours celui de Charidème à Darius, où il fait précisément des Macédoniens opposés aux Perses, le tableau que Sandanis fait ici des Perses et des Lydiens. Ces sortes de contrastes n’ont pas le mérite seulement de rapprocher des temps, des lieux et des styles différents, ce qui pourtant est déjà un avantage ; ils familiarisent les jeunes gens avec l’habitude de voir autre chose encore que des mots dans les auteurs qu’on leur explique, de nourrir leur esprit d’idées solides, et les forcent enfin de réfléchir sur les conséquences funestes, mais inévitables, du luxe et de la mollesse.

Discours de Charidème à Darius.

68« Verum et tu forsitan audire nolis ; et ego, nisi nunc dixero, aliàs nequidquam confitebor. Hic tanti apparatûs exercitus, hæc tot gentium et totius Orientis excita sedibus suis moles, finitimis potest esse terribilis. Nitet purpurâ auroque ; fulget armis et opulentiâ, quantam qui oculis non subjecerint, animis concipere non possunt : sed Macedonum acies torva sanè et inculta, clypeis hastisque immobiles cuneos, et conserta robora virorum teget. Ipsi phalangem vocant peditum stabile agmen : vir viro, armis arma conserta sunt : ad nutum monentis intenti, sequi signa, ordines servare didicere. Quod imperatur, omnes exaudiunt ; obsistere, circumire, discurrere in cornu, mutare pugnam, non duces magis quàm milites callent. Et ne auri argentique studio teneri putes, adhuc illa disciplina paupertate magistra stetit. Fatigatis humus cubile est : cibus quem occupant, satiat : tempora somni arctiora quàm noctis sunt. Jam thessali equites, et acarnanes, ætolique, invicta bello manus, fundis, credo, et hastis igne duratis repellentur ? pars robore opus est. In illâ terrâ, quæ bos genuit, auxilia quærenda sunt : argentum istud atque aurum ad conducendum militem mitte ».

Ce discours eut le sort de toutes les vérités désagréables ; il blessa l’orgueil de Darius, et le généreux Charidème paya de sa vie la liberté courageuse qu’il avait prise. Il est des gens auxquels l’on ne dit jamais impunément qu’ils ont tort.

Quant au mérite oratoire des deux discours, il est facile d’en montrer et d’en saisir la différence. Celui de Sandanis, dans Hérodote, est simple, sans apprêt, sans ornement ; c’est le langage d’un homme prudemment courageux. Il y a, dans celui de Charidème, plus d’emphase, plus de prétention, et la recherche de l’expression y décèle à chaque instant l’auteur, mal caché derrière le personnage. Quinte-Curce n’est pas toujours sage dans son style ; il est quelquefois tout prêt de l’enflure, et son expression cesse d’être naturelle à force de vouloir devenir élégante. Les maîtres ne sauraient mettre trop de soin à faire remarquer ces nuances légères, cette limite délicate où le trop de perfection commence à devenir un modèle d’autant plus dangereux, qu’il est plus aisé de s’en laisser séduire.

Au surplus, ces morceaux d’opposition ouvrent un champ si favorable à l’éloquence du style, que les grands écrivains n’ont jamais manqué de s’en emparer, quand leur sujet les présentait naturellement. Voyez, dans la Henriade, le contraste si habilement saisi de l’armée de Joyeuse et de celle du grand Henri. C’est le héros qui parle :

Les courtisans en foule attachés à son sort,
Du sein des voluptés s’avançaient à la mort.
Des chiffres amoureux, gages de leurs tendresses,
Traçaient sur leurs habits les noms de leurs maîtresses.
Leurs armes éclataient du feu des diamants,
De leurs bras énervés frivoles ornements.
Ardents, tumultueux, privés d’expérience,
Ils portaient au combat leur superbe imprudence :
Orgueilleux de leur pompe, et fiers d’un camp nombreux,
Sans ordre ils s’avançaient d’un pas impétueux.
D’un éclat différent mon camp frappait leur vue :
Mon armée en silence à leurs yeux étendue,
N’offrait de tous côtés que farouches soldats,
Endurcis aux travaux, vieillis dans les combats ;
Accoutumés au sang et couverts de blessures,
Leur fer et leurs mousquets composaient leurs parures.
Comme eux vêtu sans pompe, armé de fer comme eux,
Je conduisais aux coups leurs escadrons poudreux ;
Comme eux, de mille morts affrontant la tempête,
Je n’étais distingué qu’en marchant à leur tête.
(Henriade, Ch. 3).

Quelle différence entre ces deux tableaux, et comme le choix et l’arrangement des mots sont également vrais, également heureux dans l’un et dans l’autre ! Quelle pompe molle et efféminée dans le premier ; quelle aspérité guerrière dans le second ! Ce sont là de ces morceaux qui ont placé la Henriade, quant au style, au rang de ces bons livres classiques, que l’on ne rappelle jamais trop souvent.

Mais revenons à Hérodote, qui va nous fournir un second objet de comparaison avec Quinte-Curce.

Cyrus, vainqueur des Assyriens, et toujours plus avide de conquérir, attaque les Massagètes, peuples presque sauvages, mais belliqueux. Déjà le roi de Perse faisait construire, sur l’Araxe, un pont pour le passage de ses troupes : instruite de son dessein, la reine Thomyris lui envoie un ambassadeur qui lui dit.

Discours de l’ambassadeur de Thomyris à Cyrus.

« Roi des Mèdes, ne te jette pas avec une ardeur si téméraire dans une entreprise dont le succès est incertain. Renonce à ton projet ; et, content de régner sur tes peuples, souffre que nous régnions sur les nôtres. Mais, sourd sans doute à nos conseils, tu préféreras tout autre parti au repos. Eh bien ! si tu as une si grande envie d’éprouver les forces contre celles des Massagètes, ne te donne pas tant de peine pour construire un pont ; nous nous retirerons à trois journées du fleuve, afin que tu puisses passer sur nos terres ; ou, si tu aimes mieux nous recevoir sur les tiennes, fais ce que nous te proposons de faire nous-mêmes ».

Cette dernière proposition respire bien franchement l’espèce de confiance qu’inspire au sauvage le sentiment de sa force ; et l’énergique concision de ce petit discours, où chaque mot est une pensée, et une grande pensée, caractérise parfaitement l’éloquence de la nature : on sent que c’est ainsi qu’un barbare a dû parler. Passons à Quinte-Curce.

Arrivé sur les bords du fleuve qui le sépare de la région des Scythes, Alexandre se dispose à le franchir ; une députation de ces peuples s’avance, et le plus ancien de la troupe lui parle en ces termes :

Discours des Scythes à Alexandre.

69« Si Dii habitum corporis tui aviditati animi parem esse voluissent, orbis te non caperet. Alterâ manu orientem, alterâ occidentem contingeres. Et hoc assequutus, scire velles ubi tanti numinis fulgor conderetur ».

Il était impossible de donner, dans le style figuré, une idée plus juste de l’ambition démesurée d’Alexandre. Cette métaphore, gigantesque partout ailleurs, n’est que simple et naturelle ici ; l’application va le prouver. Le barbare continue :

70« Sic quoque concupiscis quæ non capis. Ab Europâ petis Asiam ; ex Asiâ transis in Europam. Deinde si humanum genus omne superaveris, cum silvis et nivibus, et fluminibus, ferisque bestiis gesturus es bellum.

» Quid tu ignoras arbores magnas diù crescere, unâ horâ exstirpari ? Stultus est qui fructus earum spectat, altitudinem non metitur. Vide ne, dùm ad cacumen pervenire contendis, cum ipsis ramis quos comprehenderis decidas. Leo quoque aliquando miminarum avium pabulum fit, et ferrum rubigo consumit ».

Voilà bien le style sentencieux et parabolique de tous les peuples de l’orient et du nord. Voici maintenant l’équité naturelle réclamant avec force ses droits, contre les droits imaginaires de la force et de l’usurpation :

71« Quid nobis tecum est ? numquam terram tuam attigimus. Qui sis, unde venias, licetne ignorare in vastis sylvis viventibus ? Nec servire ulli possumus, nec imperare desideramus. Dona nobis data sunt (ne Scytharum gentem ignores) jugum boum, aratrum, et sagitta et patera. His utimur et cum amicis et adversùs inimicos. Fruges amicis damus, boum labore quæsitas ; paterâ cùm his libamus : inimicos sagittâ eminus, hastâ cominùs petimus. Sic Syriæ regem, et posteà Persarum, Medorumque superavimus, patuitque nobis iter usque in Ægyptum. At tu qui te gloriaris ad latrones persequendos venire, omnium gentium quos adisti, latro es ».

Suit l’énumération des pays conquis jusqu’alors par Alexandre, et l’orateur Scythe la termine par ces vérités énergiques :

72« Primus omnium satietate parasti famem, ut quò plura haberes, acriùs quæ non habes, cuperes. Proindè fortunam tuam pressis manibus tene ; lubrica est, nec invita teneri potest. Salubre consilium sequens, quod præsens tempus ostendit melius : impone felicitati tuæ frænos ; faciliùs illam reges. Nostri sine pedibus esse dicunt fortunam, quæ manus et pinnas tantùm habet. Quùm manus porrigit, pinnas quoque comprehendere non sinit. Denique, si Denses, tribuere mortalibus beneficia debes ; sin autem homo es, id quod es, semper esse le cogita ».

Le barbare propose au roi de Macédoine l’alliance des Scythes, et son pacte est celui que la nature a établi : il ne devait pas en connaître d’autre.

73« Jurando gratiam Scythas sancire ne credideris. Colendo fidem jurant. Græcorum ista cautio est, qui facta consignant et deos invocant : nos religionem in ipsà fide novimus. Qui non reverentur homines, fallunt deos. Nec tibi amico opus est, de cujus benevolentiâ dubites. Cœterum nos Asiæ et Europæ custodes habes. Bactra, nisi dividat Tanais, contingimus : ultra Tanaim usque ad Thraciam colimus. Thracia Macedoniam conjunctam esse fama est. Utrinque imperio tuo finitimos, hostes an amicos velis esse, considera ».

(Q. Curt., Lib. vii, c. 33).

Il est fâcheux que tant de véritable grandeur d’âme ait été en pure perte, et n’ait pas sauvé ces hommes généreux de la honte d’une défaite générale : c’est qu’il y a bien loin de l’aveugle impétuosité qui emporte et égare le courage, à l’art qui le dirige, parce qu’il l’a discipliné.

Après Hérodote parut Thucydide, historien de cette fameuse guerre du Péloponèse, qui divisa si longtemps Athènes et Lacédémone. Le seul nom de cette guerre réveille dans l’esprit du lecteur le souvenir de tous les grands hommes qui y jouèrent un rôle ; et après avoir admiré leurs exploits ou leurs talents politiques, peut-être ne sera-t-on pas fâché de les entendre discuter eux-mêmes ces grands intérêts, ou plaider quelquefois leur propre cause devant un peuple léger, ingrat, qui méconnaissait bientôt, et payait souvent de l’exil ou même de la mort, les services les plus signalés. Nous avons eu occasion d’annoncer déjà Périclès comme orateur : nous allons l’entendre dans l’une des circonstances les plus importantes et les plus délicates de sa longue administration.

On sait que la seconde campagne de cette guerre célèbre devint funeste aux Athéniens, par les revers qu’ils y éprouvèrent, et surtout par cette effroyable contagion qui ravagea l’Attique, et dont Thucydide et Lucrèce, après lui, nous ont laissé des tableaux si tristement fidèles. Découragés, abattus par le double fléau de la guerre et de la peste, les Athéniens murmuraient hautement contre Périclès, qu’ils regardaient comme l’auteur de leurs maux, parce qu’il avait conseillé la guerre. Ils envoyèrent donc à Lacédémone, pour accepter les conditions qu’ils avaient d’abord refusées ; mais leurs députés revinrent sans avoir rien obtenu : le découragement et les murmures furent alors à leur comble ; et telle est la circonstance où Périclès se présente devant eux et leur adresse ce discours.

Discours de Périclès aux Athéniens.

« Athéniens, je m’attendais à votre colère ; j’en conjecture aisément la cause, et c’est pour vous rappeler à vous-mêmes que je vous ai assemblés. Je viens me plaindre à vous de l’injustice de vos emportements contre moi, et de la faiblesse avec laquelle vous cédez au malheur ».

Il faut bien connaître le peuple à qui l’on parle, et être bien sûr de son ascendant, pour tenir un pareil langage ; mais c’est précisément avec cette noble confiance, avec ce ton ferme et tranchant, que l’on établit cet ascendant, et que l’on commande, par le droit le mieux fondé et le moins humiliant pour ceux qui obéissent, la supériorité des lumières et le courage du génie. Suivons Périclès.

« Le grand intérêt de chaque citoyen consiste moins dans sa prospérité personnelle, que dans le bonheur de la cité dont il fait partie. Le citoyen le plus heureux, si sa patrie vient à tomber, tombe nécessairement avec elle ; tant qu’elle se soutient, il trouve dans le bonheur général les moyens de réparer ses propres disgrâces. Mais s’il est vrai que la république puisse soutenir le particulier dans sa chute, tandis que le particulier ne peut arrêter la ruine d’une république qui s’écroule, ne faut-il pas que tous se réunissent pour venir au secours de la mère commune, et déploient une fermeté d’âme… dont vous êtes bien éloignés aujourd’hui ! Je vous vois perdre courage au premier revers ; désespérer du salut commun, vous reprocher à vous-même, aussi injustement qu’à moi, les malheurs d’une guerre que nous avons déterminée ensemble ».

C’était là le point important du discours. Comme le grand reproche des Athéniens à Périclès, était de les avoir entraînés dans cette même guerre, le meilleur moyen de s’en disculper était de leur prouver qu’il avait seulement déféré à leur avis en l’entreprenant, et c’est ce qu’il va faire.

« Oui, vous vous en prenez à moi, qui me flatte de connaître vos affaires aussi bien que personne, et de savoir en parler ; à moi qui suis l’ami de l’état, et au-dessus des petites considérations d’un vil intérêt. Celui qui saurait beaucoup, sans pouvoir communiquer ce qu’il sait, serait pour vous comme s’il ne savait rien. Si celui qui joindrait au mérite des lumières le talent de les communiquer, avait de mauvaises intentions, jamais il ne vous donnerait un bon conseil ; et, en lui supposant même de bonnes intentions, s’il était susceptible de céder à l’appât de l’or, il serait bientôt capable de trafiquer lâchement des intérêts de la patrie. Si vous m’avez, sous ces différents rapports, accordé quelque supériorité sur les autres, et si je dois à cette opinion flatteuse votre déférence à mes avis, pourquoi donc me faire un crime aujourd’hui d’une guerre que vous avez jugée indispensable ?

» Il y aurait eu de la folie, sans doute, à prendre les armes, si, heureux d’ailleurs, le choix eût dépendu de vous ; mais, s’il ne vous restait qu’un parti à prendre, celui de céder et d’obéir, ou de combattre et de triompher de l’injustice, ne serait-on pas plus blâmable d’avoir fui le péril, que de l’avoir bravé ? Je suis, moi, ce que j’étais alors : je ne change pas, comme vous, au gré des circonstances. Vous avez adopté mes conseils avant que les maux soient venus vous assiéger, et vous vous en repentez à présent que vous souffrez. — Abattus par des disgrâces aussi funestes qu’imprévues, vous n’avez plus la force de maintenir vos résolutions ; mais les citoyens d’une puissante république, des hommes élevés dans des sentiments dignes de leur patrie, devraient-ils succomber aussi facilement à l’infortune, et ternir, par tant de lâcheté, l’éclat de leur conduite passée ? Oui, l’on blâme également la faiblesse qui soutient mal son rang, et l’orgueil qui aspire où il ne saurait atteindre. Vous devez donc, ô Athéniens, étouffer vos douleurs particulières, pour ne voir et ne chercher que le bien général. Quant à la guerre actuelle, dont vous redoutez et la durée et l’issue, il suffit de vous rappeler ce que je vous ai cent fois répété, pour cesser d’en craindre les hasards.

» Je vais vous remettre sous les yeux la grandeur de votre empire, etc. »

L’orateur cherche et trouve, dans l’exposé rapide des forces réelles des Athéniens, des moyens de ranimer leur constance et de soutenir leur espoir ; il achève de les enflammer par cette courte et énergique péroraison.

« Montrez en vous, ô Athéniens ! par votre fermeté au milieu des dangers qui vous pressent, et des maux qui vous accablent ; montrez en vous des hommes aussi jaloux de s’illustrer dans l’avenir, qu’attentifs à ne pas se déshonorer dans les circonstances présentes. N’envoyez plus de députés à Lacédémone, et ne faites pas annoncer à votre rivale que vous vous laissez abattre par le malheur. Parmi les peuples, comme parmi les particuliers, c’est la constance dans les revers, et l’intrépidité dans les périls, qui méritent et obtiennent l’estime et les éloges ».

(Thucydide, Liv. ii).

Un homme aussi célèbre et plus étonnant encore que Périclès lui-même, Alcibiade, va paraître ici en qualité d’orateur. Peut-être entendra-t-on avec quelque plaisir à la tribune ce même homme aussi brave à la tête des armées, qu’aimable aux soupers d’Aspasie ; aussi grand dans ses revers et dans son exil, qu’il avait été brillant dans le cours de ses succès, et qui semble avoir épuisé à lui seul tous les genres de célébrité.

Il s’agit ici de l’expédition de Sicile, conçue par le génie ardent d’Alcibiade, combattue et contrariée par le sang-froid de Nicias, qui en sentait les inconvénients, et s’était efforcé de les faire sentir aux Athéniens dans une longue harangue. C’est à ce discours que répond Alcibiade, avec le ton tranchant qui lui était familier, et cet excès de confiance qui ne serait que ridicule dans une âme ordinaire, mais qui étonne et subjugue dans un Alcibiade.

Réponse d’Alcibiade à Nicias.

« Pour répondre d’abord, Athéniens, aux injures de Nicias, qui m’a outragé sans me nommer, je dis que le commandement doit m’être déféré plus qu’à tout autre, et je me flatte d’en être digne. Ce qui m’a fait un nom dans le monde, est aussi glorieux pour mes ancêtres et pour moi-même, qu’avantageux pour ma patrie. L’éclat avec lequel je me suis annoncé dans les jeux olympiques, a relevé la gloire d’Athènes aux yeux des Grecs, qui croyaient cette république abattue. J’ai lancé dans la lice sept chars, ce que ne fit jamais aucun particulier ; j’ai remporté les premiers, les seconds et les quatrièmes honneurs de la course ; j’ai montré partout une magnificence digne de mon triomphe. Ces victoires, accompagnées d’un faste noble, sont légitimes, et acquièrent à notre ville une réputation de force et de puissance.

» La manière dont je me suis signalé au milieu de vous dans les charges publiques et dans d’autres occasions, peut exciter la jalousie de quelques citoyens ; mais elle fait admirer aux étrangers la grandeur imposante d’Athènes ; et peut-être n’est-ce pas un projet si mal conçu, que d’être utile à soi-même et de servir son pays par un semblable emploi des richesses ».

Remarquez qu’Alcibiade, très jeune encore alors, en avait fait assez cependant pour qu’un tel langage ne fût point, dans sa bouche, une jactance puérile, mais un exposé simple et vrai, et commandé d’ailleurs par la nécessité de répondre à des inculpations vagues, que les faits réfutent toujours mieux que les meilleurs raisonnements, parce qu’il n’y a rien à répondre à des faits, au lieu que le raisonnement du monde le plus solide peut avoir un côté faible, dont l’adversaire ne manque jamais de s’emparer.

Mais si l’effervescence du jeune homme perce peut-être un peu trop dans ce début, les réflexions suivantes ne peuvent que donner une bien grande idée de l’âme capable de les faire, dans l’âge de la frivolité et des plaisirs.

« Quand les succès élèvent nos sentiments, nous pouvons, sans injustice, nous élever au-dessus des autres, puisque celui que le malheur accable ne trouve personne qui partage ses disgrâces On nous dédaigne dans l’adversité ; que l’on nous pardonne donc la fierté de notre âme dans la prospérité. — Ces hommes pleins d’un noble orgueil, et tous ceux, en général, qui ont brillé par des qualités supérieures, se sont vus en butte, pendant qu’ils vivaient, à l’injustice, et souvent aux persécutions de leurs contemporains. Mais telle est la célébrité qu’ils ont laissée après eux, que tout le monde a brigué l’honneur d’appartenir à leur race, et que la patrie elle-même, les regardant comme ses enfants les plus chers, se glorifiait de leur avoir donné la naissance, et s’applaudissait de leurs actions, bien loin de songer à les désavouer.

» Jaloux de cette gloire, et distingué entre tous dans ma vie privée, voyez si je le cède à personne dans l’administration des affaires publiques. Après vous avoir acquis, à peu de frais et presque sans danger, l’amitié des villes les plus puissantes du Péloponèse, j’ai forcé les Lacédémoniens de risquer, à Mantinée, toute leur fortune dans une seule bataille, dont ils sont encore affaiblis, quoique la victoire se soit déclarée pour eux. Ma jeunesse et cette fougue impétueuse que l’on me reproche, ne vous ont pas été inutiles jusqu’ici. Eh bien ! tandis que je brille par la vivacité de l’âge, et que Nicias jouit de la réputation d’un guerrier heureux, servez-vous de l’impétuosité de l’un et de la sagesse de l’autre, et ne renoncez pas à l’entreprise que vous avez résolue, comme si elle présentait en effet des difficultés insurmontables ».

Ici l’orateur entre dans le détail de ces prétendues difficultés, répond aux objections faites, prévient celles que l’on pourrait faire, et termine le discours de la manière suivante :

« Ainsi, Athéniens, persuadés qu’en passant dans un pays étranger vous étendrez votre domination, suivez votre entreprise avec ardeur ; réprimez l’orgueil du Péloponèse ; apprenez à ses peuples qu’ils ne vous intimideront jamais, et que le repos surtout est indigne de vous. J’ajoute que vos conquêtes en Sicile vous promettent l’empire de la Grèce entière, et que le mal du moins que vous ferez aux Syracusains, tournera à votre avantage et à celui de vos alliés. — Fermez l’oreille aux avis pusillanimes de Nicias, qui vous conseille une honteuse inaction, et qui cherche à répandre la division entre les jeunes gens et les vieillards. Suivons l’exemple de nos braves aïeux, qui, par leur union invincible et leur inaltérable concorde, ont porté cet empire au point de force et de grandeur où nous l’avons trouvé. Pleins des mêmes sentiments, prenons les mêmes moyens, et travaillons comme eux à la prospérité publique. Croyez que la jeunesse et la vieillesse ne peuvent rien l’une sans l’autre, et que c’est dans la réunion de tous les âges et de tous les ordres que consiste la force principale de l’état. Croyez aussi que si les Athéniens restent tranquilles, leurs talents s’affaibliront insensiblement dans une fatale oisiveté, et que l’inaction, ce poison lent de tout ce qui existe dans la nature, les forcera d’employer leurs propres forces contre eux-mêmes. Mais l’exercice perpétuel des combats ajoutera à leur habileté, et les convaincra que c’est par des effets, et non par des discours, que l’on repousse l’attaque de l’ennemi. En général, un peuple naturellement actif a besoin d’entretenir cette activité, le repos est son plus grand ennemi. Il faut l’abandonner à ses inclinations, à l’impulsion de ses maximes ; c’est le gage du succès, et ce qu’il fera alors vaudra toujours mieux que ce qu’on lui conseille ».

(Thucydide, Liv. vi).

Il y aurait bien des choses à dire là-dessus ; mais admirons cette impétuosité du génie, qui franchit les obstacles sans daigner presque les apercevoir ; et dont la pensée rapide a atteint le but, avant que celle des autres ait songé seulement à mesurer la carrière.

Animés par ce discours d’Alcibiade, et attendris surtout par les supplications des exilés d’Égeste et de Léonte, qui les conjuraient de venir à leur secours, les Athéniens se portèrent avec ardeur à l’expédition résolue. Nicias, voyant que la raison ne pouvait plus rien sur leurs esprits, essaya cependant encore de les détourner de leur projet, par le tableau raisonné des difficultés qu’elle présentait.

Réplique de Nicias.

« Puisque je vous vois, dit-il, absolument déterminés à l’expédition de Sicile, il ne me reste plus que des vœux à former pour son succès. Qu’il me soit permis cependant de vous dire, pour la dernière fois, ce que je pense à ce sujet.

» Les villes que nous allons attaquer sont puissantes, m’a-t-on dit ; indépendantes les unes des autres, elles n’aspirent point à une révolution pour secouer le joug de la servitude, et passer à un état plus heureux ; renfermées dans une seule île, et grecques pour la plupart, elles ne préféreront pas, sans doute, notre domination à leur liberté. — Ajoutez à ces premières considérations, ce qui donne à ces villes un avantage marqué sur nous : une cavalerie nombreuse ; du grain en abondance, qu’elles trouvent dans leurs pays, et qu’elles ne sont pas obligées de faire venir, comme nous, de très loin.

» Ce n’est pas seulement une armée de mer, une armée faible, qu’il faut conduire contre une telle puissance ; il faut aussi des troupes de terre considérables, si nous voulons que l’exécution réponde au projet, et qu’une forte cavalerie ne nous arrête pas au débarquement. — Quelle honte pour nous, Athéniens, si nous étions contraints de nous retirer, ou de faire revenir des troupes, pour avoir mal calculé les obstacles, et mal pris nos mesures ! Vous ne devez donc partir qu’avec un puissant armement, bien convaincus que vous allez porter la guerre loin de vos foyers, et dans un pays où votre tactique ordinaire se trouvera insuffisante. Ce ne sont pas des alliés que nous allons secourir dans un pays où nous puissions trouver aisément les secours nécessaires : nous partons pour une contrée absolument ennemie, où quatre mois suffiront à peine, en hiver, pour recevoir des nouvelles. — Si nous ne partons pas avec des forces capables de résister à la cavalerie sicilienne, et de tenir contre leur pesante infanterie, le succès est impossible, puisqu’en nous supposant même mieux équipés que nos ennemis, nous aurons encore de la peine à les vaincre et à défendre nos alliés. Quel est en effet le but de notre entreprise ? D’assujétir une ville puissante, dans une contrée où tout nous est étranger, ou déclaré contre nous. Il faut donc que, dès le premier jour où nous aborderons dans l’île, nous soyons maîtres de la campagne ; sans quoi, au premier échec, tout est perdu pour nous.

» D’après ces craintes motivées, et la persuasion où je suis que nous avons besoin d’une grande sagesse et d’un bonheur plus grand encore pour réussir, je ne veux laisser au hasard que le moins qu’il sera possible, et ne partir que bien muni de tous les secours que la prudence conseille pour assurer le succès de l’entreprise. C’est de là, sans doute, que dépendent et la gloire d’Athènes et le salut de l’armée. Si quelqu’un cependant croit pouvoir réussir avec de moindres préparatifs, je lui cède volontiers l’honneur ou le péril du commandement ».

(Thucydide, Liv. vi).

Ce même Nicias qui savait si habilement prévoir les dangers et aviser aux moyens de les prévenir, et qui montrait, à la tribune, tant de sagesse et de raison, ne déployait pas moins de courage et d’énergie à la tête des armées. Son éloquence est aussi animée, aussi entraînante alors, qu’elle vient de vous paraître tranquille et raisonnée, il n’y a qu’un moment. Que l’on en juge par ce petit discours adressé à ses soldats, lorsque, postés avantageusement dans les environs de Syracuse, ils étaient près d’en venir aux mains avec les troupes siciliennes.

Discours de Nicias à ses troupes.

« Qu’est-il besoin, guerriers, d’un long discours pour animer des hommes déjà disposés à se conduire bravement ? Ce sont les forces réelles d’une armée, et non les discours du chef qui la commande, qui sont vraiment capables d’inspirer de la confiance. Nos troupes sont composées de soldats d’Argos, de Mantinée, d’Athènes, des principales îles : comment, avec de si braves compagnons, douter un moment de la victoire ? Eh ! quels ennemis avons-nous à combattre ? Des hommes ramassés au hasard parmi le peuple, et qui ne sont pas, comme nous, des guerriers d’élite ; des Siciliens qui affectent de nous mépriser, mais qui ne pourront soutenir nos efforts, parce qu’ils ont moins d’habileté que d’audace. Pensons à la distance qui nous sépare maintenant de la Grèce ; songeons que nous n’aurons de terrain à nous, que celui que nous emporterons à la pointe de l’épée. Nos ennemis peuvent se dire, pour s’animer mutuellement, qu’ils combattent dans le sein et pour les intérêts de leur patrie ; vous combattez, vous, dans un pays d’où vous ne pouvez sortir désormais que par une victoire. Songez à vos exploits passés ; chargez vos ennemis avec ardeur, et croyez que la nécessité présente et votre position critique, sont ce que vous avez de plus redoutable à combattre ».

(Id. ibid.)