Chapitre IX.
De quelques autres figures qui appartiennent plus particulièrement
à l’éloquence oratoire.
Indépendamment des figures que nous venons de parcourir, et qui appartiennent également à la poésie et à l’éloquence, il en est quelques autres qui semblent d’un usage plus nécessaire et plus fréquent aux orateurs qu’aux poètes. Nous allons nous arrêter un moment aux principales.
1º La prolepse 51 que les rhéteurs nomment aussi antéoccupation, se fait, pour les réfuter, les objections dont l’orateur ne se dissimule ni la force ni la vraisemblance. C’est ainsi qu’en plaidant pour le poète Archias, Cicéron va au-devant de ce que pouvaient lui objecter ceux qui ne prenaient pas à la cause des lettres le même intérêt que lui :
« Quæret quispiam : quid ? illi ipsi summi viri, quorum virtutes litteris proditæ
sunt, istâne doctrinâ, quam tu laudibus effers, eruditi fuerunt ? difficile est hoc de
omnibus confirmare. Sed tamen est certum quid respondeam. Ego multos homines
excellenti animo ac virtute fuisse, et sine naturâ, naturæ ipsius habitu propè divino,
per se ipsos et moderatos et graves extitisse fateor. Etiam illud adjungo, sæpiùs ad
laudem atque virtutem naturam sine doctrinâ, quàm sine natura valuisse doctrinam.
Atque idem ego contendo : quùm ad naturam eximiam atque illustrem accesserit ratio
quædam, conformatioque doctrinæ, tùm illud nescio quid præclarum atque singulare
solere existere ».
C’est au barreau principalement que cette figure est d’un grand usage, parce que c’est là qu’il importe surtout de pressentir et de réfuter l’objection de l’adversaire : elle n’est plus alors entre ses mains qu’un trait impuissant, lorsqu’il veut s’en servir. Il n’est presque point de discours de Cicéron qui n’offre des exemples admirables de l’emploi de cette figure : j’indiquerai, entre autres, les plaidoyers pour Cœlius, n. 39 ; pour la loi Manilia, n. 22 ; pour Quintius, n. 5 ; contre Verrès vi, n. 2.
La prolepse était la figure favorite de Massillon, et l’une de celles qui convenaient le mieux peut-être au caractère de son talent, et au genre de déclamation qu’il avait adopté.
La communication, dont le nom seul indique l’objet et désigne les fonctions dans le discours, se propose de tirer, des principes mêmes de ceux à qui l’on parle, l’aveu des vérités que l’on veut établir contre eux. Son artifice consiste à paraître consulter ceux que l’on veut persuader, et à soumettre à leur propre décision des choses auxquelles il leur sera impossible de ne pas donner leur assentiment. C’est un des grands moyens de l’éloquence du barreau et de celle de la chaire. Avec quel avantage Cicéron s’en sert dans le morceau suivant !
« Si tu apud Persas, aut in extremâ Indiâ deprehensus, Verres, ad supplicium
ducerêre, quid aliud clamitares, nisi te civem esse romanum ? Et, si tibi ignoto apud
ignotos, apud barbaros, apud homines in extremis atque ultimis gentibus positos,
nobile et illustre apud omnes, nomen tuæ civitatis profuisset ; ille, quisquis erat,
quem tu in crucem rapiebas, qui tibi esset ignotus, cùm civem se romanum esse diceret,
apud te prætorem si non effugium, ne moram quidem mortis, mentione, atque usurpatione
civitatis assequi potuit » !
Voyez aussi la seconde Verrine, n. 32, et le discours pour Rabirius, n. 22.
Voici maintenant un exemple emprunté de Massillon :
« Vous vous plaignez que votre ennemi vous a décrié en secret et en public. Défiez-vous des rapports qu’on vous a faits de votre frère… J’en appelle ici à vous-même : ne vous est-il jamais arrivé qu’on ait envenimé vos discours les plus innocents, et ajouté à vos récits des circonstances auxquelles vous n’aviez point pensé ? Ne vous êtes-vous pas plaint alors de l’injustice et de la malignité des redites ? Pourquoi ne pourriez-vous pas avoir été trompé à votre tour ? Et si tout ce qui passe par tant de canaux, s’altère d’ordinaire, et ne revient jamais à nous comme il a été dit dans sa source ; pourquoi voudriez-vous que les discours qui vous regardent vous seul, fussent exempts de cette destinée, et méritassent plus d’attention et de silence » ?
C’est encore à cette figure que les rhéteurs rapportent l’honneur et l’effet de ce morceau célèbre de Massillon, dans son sermon sur le petit nombre des Élus, morceau si franchement loué par Voltaire lui-même, et dont M. le cardinal Maury a si bien développé toute la beauté.
« Je suppose que c’est ici votre dernière heure et la fin de l’univers ; que les cieux vont s’ouvrir sur vos têtes ; Jésus-Christ paraître dans sa gloire au milieu de ce temple… je vous le demande donc : si Jésus-Christ paraissait dans ce temple, au milieu de cette assemblée pour nous juger, pour faire le terrible discernement des boucs et des brebis ; croyez-vous que le plus grand nombre de tout ce que nous sommes ici fût placé à la droite ? croyez-vous que les choses du moins fussent égales ? croyez-vous qu’il s’y trouvât seulement dix justes, que le Seigneur ne put trouver autrefois en cinq villes toutes entières ? Je vous le demande ; vous l’ignorez, et je l’ignore moi-même : vous seul, ô mon Dieu, connaissez ceux qui vous appartiennent ! Mais si nous ne connaissons pas ceux qui lui appartiennent, nous savons du moins que les pécheurs ne lui appartiennent pas. Or qui sont les fidèles ici assemblés ! Beaucoup de pécheurs qui ne veulent pas se convertir, encor plus qui le voudraient, mais qui diffèrent leur conversion ; plusieurs autres qui ne se convertissent jamais que pour retomber ; enfin un grand nombre qui croient n’avoir pas besoin de conversion : voilà le parti des réprouvés. Retranchez ces quatre sortes de pécheurs de cette assemblée sainte, car ils en seront retranchés au grand jour : paraissez maintenant, justes ; où êtes-vous ? Restes▶ d’Israël, passez à la droite ; froment de Jésus-Christ, démêlez-vous de cette paille destinée au feu : ô Dieu ! où sont vos élus ? et que ◀reste-t▶-il pour votre partage » ?
La correction, ou plutôt l’épanorthose 52 corrige d’une manière fine et délicate ce que l’orateur vient de dire, quoiqu’il ait eu, qu’il ait dû avoir l’intention de le dire formellement. C’est ainsi que Fléchier, après avoir loué la noblesse du sang dont sortait M. de Turenne, ajoute sur-le-champ :
« Mais que dis-je ? il ne faut pas l’en louer ici ; il faut l’en plaindre. Quelque glorieuse que fût la source dont il sortoit, l’hérésie des derniers temps l’avait infectée ; il recevait avec ce beau sang des principes d’erreur et de mensonge et parmi ses exemples domestiques, il trouvait celui d’ignorer et de combattre la vérité ».
La correction est dans les mots ou dans les pensées. Cicéron corrige
les mots seulement, quand il s’écrie :
ô stultitiam !
stultitiam ne dicam, an impudentiam singularem ? etc.
(Pro
Cœlio, nº 71)53. Mais c’est la pensée qu’il corrige, en s’adressant aux Tubérons :
« Veniebatis igitur in Africam provinciam, unam ex omnibus huic victoriæ maximè
infestam, in quâ erat rex potentissimus, inimicus huic causæ, aliena voluntas,
conventus firmi atque magni. Quæro quid facturi fuissetis ? Quanquàm quid facturi
fueritis non dubitem, cùm videam quid feceritis ».
Nous terminerons ce qui regarde cette figure par ce bel exemple de Massillon, dans son oraison funèbre du Dauphin :
« Respectueux à l’égard du roi, il n’a pas été moins religieux envers Dieu. Ce n’est pas que je veuille envelopper ici sous l’artifice insipide des louanges, les faiblesses de ses premières années. Ne louons en lui que les dons de Dieu, et déplorons les fragilités de l’homme ; n’excusons pas ce qu’il a condamné, et dans le temps que l’église offre ici la victime de propitiation, et que ses chants lugubres demandent au Seigneur qu’il le purifie des infirmités attachées à la nature, ne craignons pas de parler comme elle prie, et d’avouer qu’il en a été capable. Hélas ! Qu’est-ce que la jeunesse des princes ? et les inclinations les plus heureuses et les plus louables, que peuvent-elles contre tout ce qui les environne ? Moins exposés qu’eux, sommes-nous plus fidèles ? Nos chutes se cachent sous l’obscurité de notre destinée ; mais qu’offrirait notre vie aux yeux du public, si elle était en spectacle comme la leur ? Ah ! c’est un malheur de leur rang, que souvent avec plus d’innocence que nous, ils ne sauraient jouir, comme nous, de l’impunité d’un seul de leurs vices. S’il y a eu quelque dérangement dans les premières années de ce prince, l’âge y eut plus de part que le cœur : l’occasion put le trouver faible ; elle ne le rendit jamais vicieux ; et le ◀reste de ses jours, passés depuis dans la règle, montrent assez que l’égarement n’avait été qu’un oubli, et qu’en se rendant au devoir, il s’était rendu à lui-même ».
La prétermission feint de passer sous silence ce que l’orateur dit néanmoins très clairement, ou de ne faire qu’effleurer les choses qu’il se propose d’inculquer avec le plus de force. C’est à la faveur de cette figure, que Cicéron fait, en passant, un portrait si affreux de Catilina :
« Quid verò ? nuper quùm, morte superioris uxoris, novis nuptiis domum vacuam
fecisses, nonne alio incredibili scelere hoc scelus cumulasti ? quod ego prætermitto,
et facile patior sileri, ne in hâc civitate tanti facinoris immanitas aut extitisse,
aut non vindicata esse videatur. Prætermitto ruinas fortunarum tuarum, quas omnes
impendere tibi proximis Idibus senties. Ad illa venio quæ non ad privatam ignominiam
vitiorum tuorum, non ad domesticam tuam difficultatem ac turpitudinem, sed ad summam
reipublicæ atque ad omnium nostrum vitam salutemque pertinet ».
Avec quelle véhémence le même orateur emploie cette même figure, dans cet endroit d’un autre de ses discours !
« Nihil dico nunc, P. C. ; hominem ipsum (Pisonem) relinquo. Itaque omnia illa, quæ
et sæpè audistis, et tenetis animis, etiamsi non audiatis, prætermitto. Nihil de hâc
ejus urbanâ, quam ille præsens in oculis vestris, mentibusque defixit, audacia
loquor : nihil de superbiâ, nihil de contumaciâ, nihil de crudelitate disputo. Lateant
libidines ejus illæ tenebricosæ, quas fronte et supercilio, non pudore et temperantiâ
contegebat ; de provinciâ, quod agitur, id disputo ».
Nos orateurs français ont également bien connu tous les avantages de cette figure, heureusement amenée. Fléchier, par exemple, dans l’oraison funèbre de Turenne :
« N’attendez pas de moi, Messieurs, que j’ouvre à vos yeux une scène tragique ; que je vous montre ce grand homme étendu sur ses propres trophées ; que je vous découvre ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encor la foudre qui l’a frappé ; que je fasse crier son sang comme celui d’Abel ; que je rassemble à vos yeux les tristes images de la Religion et de la Patrie éplorées. Dans les pertes médiocres, on surprend ainsi la pitié des auditeurs ; mais on décrit sans art une mort qu’on déplore sans feinte, etc. »
Et Bossuet, dans celle du Grand-Condé :
« Ce serait ici le lieu de faire voir notre Prince dans ses glorieuses campagnes qui ont été les miracles de notre siècle, et dont la postérité aura un jour droit de douter ; et peut-être même ne les croira-t-elle pas, parce qu’elles sont bien plus vraies que vraisemblables. Je vous représenterois ce fidèle sujet marchant sur les traces de son maître, qui étaient des pas de géant, et le surpassant par la nouvelle ardeur que lui inspirait l’exemple de ce monarque ; vous le verriez dans un corps usé de travaux, rallumant tout le feu de ses premières années, combattre à la tête de nos troupes, défaire les trois formidables armées de l’Empereur, de l’Espagne et de la Hollande ; partout s’immolant et se sacrifiant ; mais partout triomphant, et remplissant la mesure de cette glorieuse réputation qu’il faisait à la France Mais un objet plus intéressant m’oblige de me taire sur ses triomphes profanes, pour ne parler que de ses victoires sacrées ».
Je ne puis me résoudre à terminer ce qui regarde la prétermission, sans citer encore l’exemple suivant que me fournit Massillon :
« Vous vous figurez des amertumes dans le parti de la vertu ! Mais, sans parler des divines consolations que Dieu prépare ici-bas même à ceux qui l’aiment ; sans parler de cette paix intérieure, fruit de la bonne conscience, qu’on peut appeler en même temps et un avant-goût, et le gage de la félicité qui est reservée dans le ciel aux âmes fidèles ; sans vous dire, avec l’apôtre, que tout ce qu’on peut souffrir sur la terre n’est pas digne d’être comparé avec la récompense qui vous attend : si vous étiez de bonne foi, et que vous voulussiez nous exposer ici naïvement tous les désagréments qui accompagnent la vie du siècle, que ne diriez-vous pas, et que ne dit-on pas tous les jours là-dessus, dans le siècle » ?
De toutes les figures oratoires, dit M. le cardinal Maury, la plus dominante et la plus rapide, c’est l’interrogation. Quelle chaleur, en effet, et quel mouvement elle’imprime au discours ! avec quelle énergie elle presse, frappe, poursuit et entraîne l’adversaire confondu, et l’auditeur subjugué par la véhémence de l’orateur !
« Quid tuus ille, Tubero, districtus in acie Pharsalicâ gladius agebat ? cujus latus
ille mucro petebat ? qui sensus erat armorum tuorum ? quæ tua mens ? oculi ? manus ?
ardor animi ? quid cupiebas ? quid optabas » ?
Et dans cet exorde, si souvent cité, de la première Catilinaire :
« Quò usque tandem abutêre, Catilina, patientiâ nostrâ, etc.54 »
Les discours pour Plancius, nº 48 ; — pour Cœlius, nº 71 ; — pour Cluentius, nº 62 ; — pour Flaccus, nº 79 ; — pour Sextius, nº 78 ; — et contre Verrès, vii, nº 15, 146 ; — i, nº 21 ; v, nº 160, offrent de beaux exemples de cette figure habilement placée.
La véhémence qui caractérise Bossuet ainsi que Démosthène, dit encore M. le cardinal Maury, me semble avoir sa principale source dans les interrogations accumulées qui leur sont si familières à l’un et à l’autre. Mais Bossuet n’est pas le seul de nos orateurs qui ait fait, de ce grand moyen oratoire, l’un des ressorts principaux de son éloquence : Massillon, Bourdaloue, et M. le cardinal lui-même, l’ont fréquemment employé avec succès. Elle se présente, d’ailleurs, si naturellement à l’imagination du poète et de l’orateur ; elle prête au langage de la passion tant de force et d’énergie, qu’il n’est pas surprenant que les exemples en soient aussi multipliés. Leur abondance même me dispense ici d’en citer aucun.
Mais l’effet de cette belle figure est peut-être plus sûr et plus frappant encore, quand l’orateur, se chargeant lui-même de la réponse, met en fait ce qu’il n’avait posé d’abord qu’en question, et porte ainsi la conviction dans les esprits altérés par la force victorieuse d’une logique qui ne laisse pas même le temps de la réflexion. Que pouvaient objecter, par exemple, les ennemis de Pompée à son éloquent panégyriste, lorsqu’il s’écriait du haut de la tribune :
« Quid enim tàm novum, quàm adolescentem, privatum, exercitum difficili reipublicæ
tempore conficere ? confecit. Huic præesse ? præfuit. Rem optime ductu suo gerere ?
gessit. Quid tam præter consuetudinem, quàm homini peradolescenti, cujus à senatorio
gradu ætas longè abesset, imperium atque exercitum dari ; Siciliam permitti atque
Africam, bellumque in eâ administrandum ? fuit in his provinciis singulari innocentiâ,
gravitate, virtute : bellum in Africa maximum confecit, victorem exercitum deportavit.
Quid vero tàm inauditum, quàm equitem romanum triumphare ? at eam quoque rem populus
romanus non modò vidit, sed etiam studio omni visendam putavit. Quid tàm inusitatum,
etc. »
Que pouvait opposer l’accusateur de Roscius d’Amérie aux vigoureuses apostrophes dont le presse Cicéron, sans lui laisser même le loisir de respirer ?
« Non quæro abs te quare patrem Sex. Roscius occiderit ? quæro quomodo occiderit ?
Ita quæro abs te, C. Eruci, quomodo : et sic tecum agam, ut in eo loco vel
respondendi, vel interpellandi tibi protestatem faciam, vel etiam, si quid voles,
interrogandi. Quomodo occidit ? ipse percussit, au aliis occidendum dedit ? Si ipsum
arguis, Romæ non fuit : si per alios fecisse dicis, quæro servos ne an liberos ? quos
homines ? indidem ne Ameriâ ? an hosce ex urbe sicarios ? si Ameriâ, qui sunt hi ? cur
non nominantur ? si Româ, undè eos noverat Roscius, qui Romam multis annis non venit,
neque unquàm plus triduò fuit ? ubi convenit ? quicum locutus est ? quomodo
persuasit ? pretium dedit ? cui dedit ? per quem dedit ? undè aut quantum dedit ?
nonne his vestigiis ad caput maleficii perveniri solet ? et simul tibi in mentem
veniat facito, quemadmodum vitam hujusce depinxeris, etc. etc. »
Massillon, qui a si bien connu et si heureusement employé toutes les ressources de l’éloquence, a surtout connu ce grand art de s’entretenir avec ses auditeurs, de descendre, pour ainsi dire, de la chaire, pour se mêler avec eux, afin de pénétrer plus avant dans leur âme, et d’y surprendre les réponses qu’ils préparent, les objections qu’ils voudraient faire. C’est alors que, fort de leur propre conscience qu’il a dévoilée, et dont il connaît tous les secrets, il prend hautement la parole pour eux, et multiplie ses réponses, qui les laissent sans réplique.
« Vous ne faites que ce que font les autres ! mais ainsi périrent, du temps de Noé, tous ceux qui furent ensevelis sous les eaux du déluge ; du temps de Nabuchodonosor, tous ceux qui se prosternèrent devant la statue sacrilège ; du temps d’Élie, tous ceux qui fléchirent le genou devant Baal, etc. Vous ne faites que ce que font les autres ! mais c’est ce que l’Écriture vous défend : Ne vous conformez point à ce siècle corrompu, etc. — Vous ne faites que ce que font les autres ! Vous aurez donc le même sort qu’eux. Or, malheur à toi, s’écriait autrefois saint Augustin, torrent fatal des coutumes humaines ! ne suspendras-tu jamais ton cours ! entraîneras-tu jusqu’à la fin les enfants d’Adam dans l’abîme immense et terrible ! »
Il me serait facile de porter cette nomenclature beaucoup plus loin ; mais je tomberais dans l’inconvénient nécessairement attaché au malheur de vouloir tout dire ; je crois donc en avoir dit assez, et je m’arrête. Il n’est d’ailleurs guère de figures, parmi celles que je passe sous silence, qui ne rentrent plus ou moins dans celles que je viens d’analyser ; cette liste, qui peut s’étendre ou se resserrer, au gré de chaque rhéteur, me paraît avoir ici l’étendue convenable. Allons donc à l’économie des moments, et hâtons-nous d’arriver à l’éloquence elle-même : nous n’avons fait jusqu’ici que préparer les sentiers qui y conduisent.