Chapitre III.
Du Sublime dans les Compositions littéraires.
C’est dans la nature du sujet décrit qu’il faut chercher la base du sublime dans les compositions littéraires. Quelque élégante qu’elle soit, votre description n’appartiendra point au genre sublime, si l’objet que vous décrivez n’est point capable de produire par lui-même des idées grandes et imposantes. Tout ce qui n’est que beau, agréable ou élégant, en est naturellement exclu. Il ne suffit pas d’ailleurs que le sujet soit sublime, il faut encore qu’il soit présenté de la manière la plus propre à faire une impression frappante : l’expression sera forte, concise et simple. Tout cela dépend principalement de l’impression plus ou moins forte qu’aura faite sur le poète ou sur l’orateur l’objet qu’il décrit. S’il n’a senti que faiblement, il est impossible qu’il excite dans ses lecteurs une émotion bien profonde.
Des exemples prouveront clairement l’importance et la nécessité de tout ce que nous exigeons ici de l’écrivain.
C’est chez les anciens surtout qu’il faut chercher les exemples les plus frappants du sublime.
Les premiers siècles du monde, qui nous offrent la société dans toute sa rudesse primitive, étaient, sans doute, très favorables aux émotions du sublime. L’esprit de l’homme était naturellement disposé alors à l’admiration, à la surprise. Rencontrant à chaque pas des objets nouveaux pour elle, l’imagination ne se refroidissait jamais, et les passions étaient souvent et vivement excitées. Leurs expressions étaient hardies comme leurs pensées, et rien n’arrêtait leur essor. À mesure que la société a fait des progrès en civilisation, le génie et les mœurs ont perdu en force et en sublimité ce qu’ils ont gagné en politesse et en correction.
De tous les écrivains anciens ou modernes, les auteurs des livres saints sont ceux qui nous offrent le plus d’exemples du vrai sublime. C’est là que les descriptions de l’Être-Suprême empruntent une noblesse réelle et du sujet lui-même, et de la manière dont il est représenté. Quelle magnifique réunion d’idées sublimes, dans ce beau passage du psaume 11, où les prodiges de la création sont décrits avec une pompe digne du sujet !
Ainsi qu’un pavillon tissu d’or et de soie,Le vaste azur des cieux sous sa main se déploie :Il peuple leurs déserts d’astres étincelants.Les eaux autour de lui demeurent suspendues,Il foule aux pieds les nues,Il marche sur les vents.
Fait-il entendre sa parole ?Les cieux croulent, la mer gémit ;La foudre part, l’aquilon vole,La terre en silence frémit.Du seuil des portes éternellesDes légions d’esprits fidèlesÀ sa voix s’élancent dans l’air.Un zèle dévorant les guide,Et leur essor est plus rapideQue le feu brûlant de l’éclair.
Il remplit du chaos les abîmes funèbres ;Il affermit la terre, il chassa les ténèbres.Les eaux couvraient au loin les rochers et les monts,Mais au bruit de sa voix les ondes se troublèrent,Et soudain s’écoulèrentDans des gouffres profonds.
Les bornes qu’il leur a prescritesSauront toujours les resserrer :Son doigt a tracé les limitesOù leur fureur doit expirer.La mer, dans l’excès de sa rage,Se roule en vain sur le rivageQu’elle épouvante de son bruit ;Un grain de sable la divise,L’onde écume, le flot se brise,Reconnaît son maître et s’enfuit.
L’exemple fameux, cité par Longin, et tiré de Moïse,
Que la lumière
se fasse, et la lumière se fit !
porte tous les caractères du vrai
sublime.
On ne tarirait pas sur les exemples de ce genre que nous offre la Bible, le plus beau monument de l’antiquité, à ne la considérer même que comme un ouvrage purement littéraire. Mais le moment n’est pas venu encore d’exploiter cette mine féconde ; et nous renvoyons à l’article de l’Éloquence de l’Écriture sainte, ce que nous avons à dire à ce sujet.
Après les écrivains sacrés, Homère est de tous les poètes celui qui renferme le plus d’exemples du sublime en tout genre ; et c’est une justice que lui a rendue jusqu’ici l’hommage constant de tous les siècles. Ses descriptions de combats, le feu dont il les anime, l’intérêt qu’il y répand, offrent au lecteur de l’Iliade une foule de traits et d’images sublimes. Nous citerons, entre autres, te passage du commencement du 20e livre de l’Iliade. C’est le moment où Jupiter a rendu aux Dieux la permission de se mêler de la querelle des Grecs et des Troyens.
Ἔδεισεν δ᾽ ὑπένερθεν ἄναξ ἐνέρων, Ἀϊδωνεύς,
Δείσας δ᾽ ἐκ θρόνου ἆλτο, καὶ ἴαχε, μή οἱ ὕπερθε
Γαῖαν ἀναρρήξειε Ποσειδάων ἐνοσίχθων,
Οἰκία δὲ θνητοῖσι καὶ ἀθανάτοισι φανείη
Σμερδαλέ᾽, εὐρώεντα, τά τε στυγέουσι θεοί περ.
Voici le grec exactement traduit :
« Pluton lui-même, le roi des enfers, s’épouvante dans ses demeures souterraines ; il s’élance de son trône et jette un cri, tremblant que Neptune, dont les coups ébranlent la terre, ne vienne enfin à la briser, et que les régions des morts, hideuses, infectes, dont les dieux même ont horreur, ne se découvrent aux yeux des mortels et des immortels. »
Le tableau est complet ; il n’y a pas un trait faible ou inutile : tout est frappant, tout va en croissant. Voyons maintenant ce que ce beau morceau a pu perdre ou gagner entre les mains de deux fameux traducteurs, Boileau et Pope. Voici les vers de Boileau.
L’enfer s’émeut au bruit de Neptune en furie :Pluton sort de son trône, il pâlit, il s’écrie :Il a peur que ce Dieu, dans cet affreux séjour,D’un coup de son trident ne fasse entrer le jour ;Et, par le centre ouvert de la terre ébranlée,Ne fasse voir du Styx la rive désolée,Ne découvre aux mortels cet empire odieux,Abhorré des mortels, et craint même des dieux5.
Ces vers étincellent de beautés vraiment dignes d’Homère. Au bruit de Neptune en furie, est une de ces tournures heureuses, dit La Harpe de ces figures de diction qui donnent au style la véritable élégance poétique. Mais sort de son trône, est faible, quand il s’agit de s’élancer, et quand le grec le disait expressément. Ne fasse voir, ne fasse entrer, en trois vers, est une négligence dans un morceau aussi important ; et fasse voir du Styx la rive désolée, ne montre pas à l’imagination ces régions hideuses, infectes.
La Henriade, quoique toujours à une distance très considérable, se rapproche quelquefois d’Homère lui-même, par le sublime des images et la richesse de l’expression. S’agit-il, par exemple, de rendre le choc de deux années par une comparaison qui rappelle toute la grandeur de l’objet ?
Sur les pas des deux chefs alors en même tempsOn voit des deux partis voler les combattans.Ainsi lorsque des monts séparés par Alcide,Les aquilons fougueux fondent d’un vol rapide,Soudain les flots émus des deux profondes mersD’un choc impétueux s’élancent dans les airs.La terre au loin gémit, le jour fuit, le ciel gronde,Et l’Africain tremblant craint la chute du monde.
Ce dernier vers est sublime. Ces sortes d’oppositions qui terminent une comparaison par une circonstance plus grande que toutes les autres, sont imitées du chantre de l’Iliade, et l’on regrette, avec raison, que Voltaire n’ait pas pris plus souvent, dans sa Henriade, ce véritable ton de l’épopée.
La concision et la simplicité sont essentielles au sublime, et la raison en est évidente. L’émotion que la grandeur ou la noblesse d’un objet excite dans notre âme, l’élève▶ au-dessus d’elle-même, et produit je ne sais quel enthousiasme qui nous charme tant qu’il existe ; mais l’âme ne se maintient pas longtemps à ce haut point d’élévation, et elle tend naturellement à retomber dans son état ordinaire. Si l’auteur multiplie les mots sans nécessité, s’il surcharge d’ornements parasites la description d’un objet sublime par lui-même, il relâche la tension de l’esprit, et énerve la force de l’émotion : la description peut être belle, mais elle n’a plus rien de sublime.
Cette grande image d’Homère, qui nous représente Jupiter ébranlant l’Olympe d’un signe de sa tête, a toujours été regardée comme sublime.
Ἦ καὶ κυανέῃσιν ἐπ᾿ ὀφρύσι νεῦσε Κρονίων.
Ἀμϐρόσιαι δ᾿ ἄρα χαῖται ἐπερρώσαντο ἄνακτος
Κρατὸς ἀπ᾿ ἀθανάτοιο, μέγαν δ᾿ ἐλέλιξεν Ὄλυμπον.
Il fronce un noir sourcil ; ses immortels cheveuxFrémissent, hérissés sur sa tête divine ;Et du ciel ébranlé la majesté s’incline6.
Virgile enchérit sur son modèle, par l’admirable précision de ce beau vers :
Annuit, et totum nutu tremefecit Olympum.
Milton, que son génie portait singulièrement au sublime, nous en offre presque continuellement des exemples, dans les 1er et 2e livres de son Paradis Perdu.
Bornons-nous, pour le moment, à cette belle description de Satan, qui se montre, après sa chute, à la tête de son armée infernale.
Au-dessus de leur foule immense, mais docile,Lui seul, ainsi qu’en force, il les passe en grandeur.Son front où s’entrevoit son antique splendeur,D’ombres et de lumière offre un confus mélange ;Et si c’est un débris, c’est celui d’un archange,Qui, lumineux encore, n’est plus éblouissant.Vers l’horizon obscur tel le soleil naissantJette à peine, au milieu des vapeurs nébuleuses,De timides rayons et des lueurs douteuses ;Ou tel, lorsque sa sœur offusque ses clartés,Pâle, et portant le trouble aux rois épouvantés,Il épanche à regret une triste lumière,Des désastres fameux sinistre avant-courrière ;Mais à travers la nuit qui nous glace d’effroi,Tous les astres encore reconnaissent leur roi7.
Indépendamment de la simplicité et de la concision, la force est une des qualités indispensables du sublime. La force d’une description consiste en grande partie dans sa concision ; mais elle comporte encore quelque chose de plus, et c’est principalement un choix judicieux de circonstances capables de mettre l’objet décrit dans son jour le plus favorable. C’est en quoi consistent le grand art de l’écrivain, et la grande difficulté d’une description sublime. Est-elle trop générale et dénuée de circonstances particulières, l’objet, à peine aperçu, ne fera que peu ou point d’impression sur le lecteur ; si, au contraire, la description est surchargée de circonstances vagues et insignifiantes, elle n’offrira plus qu’un tout dégradé.
Une tempête, par exemple, est un objet naturellement sublime ; mais, pour en faire une description sublime, suffira-t-il d’entasser au hasard et sans goût tous les effets qu’elle peut produire, toutes les circonstances qui l’accompagnent ? Non, sans doute ; mais il faut choisir dans cette foule de traits plus ou moins saillants, ceux qui peuvent faire sur les âmes une impression plus profonde. C’est ce que Virgile avait parfaitement senti, et ce qu’il a exécuté avec tant de succès dans cette belle description d’un orage, au premier livre de ses admirables Géorgiques :
Sæpè etiam immensum cœlo venit agmen aquarum, etc.
et surtout dans le tableau magnifique qui la termine.
C’est Homère lui-même, armé de la foudre de Jupiter :
Ipse Pater, mediâ nimborum in nocte, coruscàFulmina molitur dextrà, quo maxima motuTerra tremit : fugêre feræ ; et mortalia cordaPer gentes humilis stravit pavor. Ille flagrantiAut Athon, aut Rhodopen, aut alta Ceraunia teloDejicit.
Dans cette nuit affreuse, environné d’éclairs,Le roi des dieux s’assied sur le trône des airs.La terre tremble au loin sous son maître qui tonne :Les animaux ont fui ; l’homme éperdu frissonne.L’univers ébranlé s’épouvante… Le Dieu,D’un bras étincelant dardant un trait de feu,De Rhodope ou d’Athos met les rochers en poudre.
Malgré tout le mérite de cette traduction (et elle en a beaucoup sans doute), que de choses elle laisse encore à désirer, rapprochée de l’original ! La terre tremble au loin sous son maître qui tonne, ne vaut pas terra tremit, qui dit tout, et qui est d’une expression imitative admirable. L’homme éperdu frissonne, est bien faible auprès de mortalia corda humilis stravit pavor, qui joint à la force et à la beauté de l’expression, le mérite de peindre par le mouvement et par la coupe du vers ; et cette belle chute dejicit ! où le vers semble tomber avec le mont foudroyé, la traduction n’en donne pas même l’idée.
Au surplus, c’est toujours avec des armes très inégales que les modernes voudront lutter contre des morceaux d’une perfection aussi achevée ; et Delille est très excusable d’être resté ici au-dessous de Virgile, quand Dryden lui-même, Dryden qui écrivait dans une langue plus riche et plus poétique que la nôtre, est sec, lâche et froid dans ce même morceau8.
La nature de l’émotion que l’on se propose d’exciter par une description sublime, ne souffre point de médiocrité : ou l’âme est transportée de plaisir, ou elle n’est pas même faiblement émue ; point de milieu. Notre imagination s’◀élève▶ avec l’auteur ; c’est à lui de la soutenir dans son essor ; mais s’il l’abandonne brusquement, sa chute est aussi soudaine que désagréable pour elle.
Rien de plus imposant que l’idée d’une force surnaturelle, qui rend des êtres surnaturels capables d’arracher des montagnes et de les lancer dans les airs avec autant de facilité que de justesse ; mais plus cette idée est grande, plus elle deviendra puérile, basse et dégoûtante, si on l’accompagne de circonstances ridicules. C’est ce qu’a fait Claudien. Dans un fragment sur la guerre des dieux contre les géants, ce boursouflé déclamateur nous représente un de ces derniers faisant voler dans les airs l’île de Lemnos, avec tout l’atelier de Vulcain ; un autre arrachant le mont Ida avec ses forêts et ses fleuves ; et le poète ne manque pas d’observer que, tandis que la montagne était sur les épaules du géant, une de ses rivières coulait le long de son dos, etc. — Milton a transporté cette même fiction dans son Paradis Perdu, mais en l’ennoblissant par les détails, et en la relevant par le choix des expressions.
Aussi prompts que la foudre, ils volent, et leurs brasDes monts déracinés emportent les éclats.Torrents, fleuves, rochers, forêt majestueuse,Arment de leurs débris leur rage impétueuse9.
M. Addisson observe, avec raison, qu’il n’y a pas une circonstance ici qui ne soit sublime. Ces modèles de descriptions prouvent combien le sublime dépend du choix des circonstances, et avec quel soin il faut éviter tout ce qui approche du bas ou du trivial.
Les défauts les plus opposés au sublime sont surtout la froideur et l’enflure, plus voisines qu’on ne croit.
L’enflure est le sublime outré, ou ce que nous appelons communément le gigantesque. Tout ce qui sort de la nature, tout ce que l’expression rend avec plus de fracas que de force véritable, voilà l’enflure. L’enflure est dans les mots ou dans la pensée ; souvent dans l’un et l’autre à la fois. Sénèque dans ses tragédies, et Lucain dans sa Pharsale, en offrent de nombreux exemples.
Nous avons déjà cité le mot sublime de César au pilote que la tempête effrayait : Que crains-tu ? tu portes César. Il paraît sans doute difficile de rien ajouter à un trait de cette force ; mais l’imagination déréglée de Lucain ne s’en contente pas, et voici de quelle manière il noie, dans un fatras de vers ampoulés, ce mot qui, placé sans prétention et cité littéralement, eût été du plus grand effet :
Sperne minas, inquit, pelagi, ventoque furenti
Trade sinum. Italiam, si, cœlo autore, recusas,
Me, pete. Sola tibi causa hæc est justa timoris
Victorem non nosse tuum ; quem numina nunquàm
Destituunt ; de quo male tunc fortuna meretur,
Cùm post vota venit. Medias perrumpe procellas,
Tutelà secure meâ. Cœli iste, fretique,
Non puppis nostræ labor iste. Hanc Cæsare pressam
A fluctu defendet onus : nàm proderit undis
Ista ratis. — Quid tantâ strage paratur
Ignoras ? Quærit pelagi cœlique tumultu
Quid præstet fortuna mihi.
Écoutons Brébeuf :
Quitte, quitte, dit-il, la terreur qui te presse.Le ciel à mes desseins plus que moi s’intéresse ;Et s’il ne suffit pas à vaincre ton effroi,Tu peux, à son défaut, te reposer sur moi.Ton esprit qui se livre à des frayeurs si fortes,Se les reprocherait s’il savait qui tu portes.Abandonne ta barque aux vents les plus mutins :Sa charge lui promet le secours des destins.Que l’orage s’◀élève ou du Gange on de l’Ourse,César et sa fortune accompagnent ta course :Toujours prompte et toujours souple à ce que je veux,Souvent elle aurait peur de me coûter des vœux.S’il faut qu’elle consente au vent qui nous menace,La tempête pour moi vaut mieux que la bonace :Et ce courroux des flots, ce péril que tu crains,Nuit à mes ennemis, et sert à mes desseins.
La confidente de Médée fait à sa maîtresse un tableau énergique de sa position, et le termine en lui disant :
Dans un si grand revers que vous reste-t-il ?Médée.
Moi.
C’est là que le génie de Corneille devzit s’arrêter : mais, séduit par un mauvais modèle, il s’égare sur ses pas, et affaiblit, en la paraphrasant à son exemple, la simplicité sublime de ce grand trait de caractère. Médée poursuit :
Moi, dis-je ; et c’est assez.Nérine.
Quoi ! vous seule, Madame !Médée.
Oui, tu vois en moi seule et le fer et la flamme,Et la terre et la mer, et l’enfer et les cieux,Et le sceptre des rois et la foudre des dieux.
Tout cela, il faut en convenir, est d’un déclamateur de mauvais goût. Mais c’est Sénèque qu’il est juste d’en accuser, Sénèque, que Corneille traduit ici mot pour mot :
Nut.
Abiere Colchi ; conjugis nulla est fides ;
Nihilque superest opibus è tantis tibi.
Med.
Medea superest. Hic mare et terras vides,
Ferrumque et ignes, et Deos et fulmina.
Le même défaut se fait sentir dans cette exposition de la mort de Pompée, si belle et si imposante d’ailleurs. Mais si le goût y condamne avec raison des fleuves rendus rapides par le débordement des parricides ; des montagnes de morts qui se vengent eux-mêmes ; des troncs qui exhalent de quoi faire la guerre aux vivants, etc., cette description ne serait-elle pas bien au-dessous de son sujet, renfermée, comme le voulait Voltaire, dans ces deux vers secs et mesquins :
Le destin se déclare, et le droit de l’épée,Justifiant César, a condamné Pompée.
La froideur consiste à défigurer un objet ou un sentiment sublime, en le concevant faiblement ou en l’exprimant d’une manière ridicule. C’est la preuve la plus complète de l’absence totale, ou du moins de la stérilité du génie. Dans la poésie, dans l’éloquence, les grands mouvements des passions deviennent, froids quand ils sont rendus en termes communs et dénués d’imagination. Voilà pourquoi l’amour si vif, si brûlant dans Racine, est si froid et si languissant dans Campistron, son imitateur.
La froideur résulte tantôt de la stérilité, tantôt de l’intempérance des idées, souvent d’une diction trop commune, quelquefois d’une diction trop recherchée.
Entre ces deux excès la route est difficile.