/ 299
14. (1908) Quinze ans de ma vie « Quinze ans de ma vie — XXIV, comment m. claretie m’a décidée à écrire ce livre » pp. 272-285

Il n’y a que mes yeux qui m’inquiètent. […] Elle me répondit : — J’aime mes enfants et mes petits-enfants, et je vis en eux, mais cela ne me rend pas mes yeux. […] Le statuaire Rodin nous montrera peut-être ses traits fins et ses yeux vifs au prochain Salon, car il est occupé présentement de faire le buste et, je crois même, la statue de la comédienne. […] Et c’est plaisir de voir de près, si charmante, cette petite créature si effrayante lorsque, les yeux convulsés, elle mime les affres de l’agonie. […] Gaie, avec son œil bleu et son sourire de faunesse, elle m’a répondu : — C’est le hasard.

15. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VI. Preuves de la possibilité de la Danse en action »

La Peinture qui retrace à nos yeux les images les plus sortes ou les plus riantes, ne les compose que des attitudes, du mouvement des bras, du jeu des traits du visage, qui sont les parties dont la Danse est composée comme elle. […] Il ne faut que l’arrangement de ces mêmes choses, pour rendre aux yeux quelque action théâtrale que ce puisse être.

16. (1908) Quinze ans de ma vie « Quinze ans de ma vie — XIII, mes danses et les enfants » pp. 134-145

Une flamme s’alluma dans les yeux de l’enfant et elle suivit sa mère en lui serrant nerveusement la main. […] Elle regardait, les yeux inquiets, ces murs nus, ce plancher sans tapis, et semblait s’attendre à voir le plafond ou le parquet s’entr’ouvrir pour la laisser entrer dans le royaume de Loïe Fuller. […] Les yeux de l’enfant s’ouvraient de plus en plus. […] Ce fut les larmes aux yeux que je lui répondis : — Venez tant que vous voudrez, ma petite chérie ; j’entends la fée qui murmure à mon oreille qu’elle veut danser pour vous, toujours, toujours… *** A Bucarest, la princesse Marie de Roumanie avait envoyé tous ses enfants me voir en matinée. […] Voici quelques vers que j’inspirai, deux ans plus tard, en effet, à ce bambin et que sa mère, Mme Roger Marx, me communiqua depuis : Pâle vision A l’horizon En ce lieu sombre Fugitive ombre… Devant mes yeux vague Une forme vague, Suis-je fasciné ?

17. (1908) L’École de danse de Grünewald « L’école de danse du Grünewald » pp. 261-268

Deux heures s’écoulèrent, et mes yeux ne se fatiguaient pas de la voir, ni mon esprit de suivre le sien à la recherche des beaux gestes et des lignes pures. […] Oui, oui, c’est pour imiter les bas-reliefs de la Grèce, c’est pour réjouir nos yeux par la grâce et la souplesse de leurs gestes, qu’elles se donnent tout ce mal, qu’elles gigotent et tournent comme des totons, qu’elles se dressent sur la pointe de leur orteil comme des pantins de fil de fer, des automates bien articulés….. […] Car elle a beau passer sa vie à décomposer les gestes des statues grecques, des estampes japonaises, des figures creusées dans les pylônes égyptiens, la seule imitation ne suffirait pas à produire les milliers d’attitudes différentes qu’en une seule danse elle fait vivre aux yeux ravis. […] Ces corps d’enfants souples et beaux, leurs longs cheveux bouclés et libres, leurs petits bras s’agitant au rythme des jambes et des pieds nus, au son d’une musique suave, la grâce merveilleuse du moindre de leurs gestes débarrassés de cette sorte d’ankylose empruntée et maladroite que donnent chez nous aux petits rats d’opéra les exercices mal compris, surtout leurs yeux, leurs doux yeux candides et tendres d’enfants du Nord, me mirent dans un état d’exaltation pure et religieuse que je ne connaissais pas.

18. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre VI. » pp. 40-55

La nature ne nous offre pas toujours des modèles parfaits ; il faut donc avoir l’art de les corriger, de les placer dans des disposions agréables, dans des jours avantageux, dans des situations heureuses, qui dérobant aux yeux ce qu’ils ont de défectueux, leur prêtent encore les graces et les charmes qu’ils devroient avoir pour être vraiment beaux. […] L’exécution se ressentit de cette heureuse distribution ; tout étoit d’accord, tout étoit tranquille ; rien ne se heurtoit, rien ne se détruisoit ; cette harmonie séduisoit l’œil, qui embrassoit toutes les parties sans se fatiguer ; mon ballet eût d’autant plus de succès, que dans celui que j’ai intitulé le Ballet Chinois, et que je remis à Lyon1, le mauvais arrangement des couleurs et leur mélange choquant, blessoit les yeux ; toutes les figures papillotoient et paroissoient confuses, quoique dessinées correctement ; rien enfin ne faisoit l’effet qu’il auroit dû faire. […] Cette multitude de danseurs qui trainoient après eux le brillant de l’oripeau, et l’assemblage bizarre des couleurs, éblouissoient les yeux, sans les satisfaire. […] Une telle distribution dans les couleurs éclipsera le tableau le tout ne formera qu’un Camaïeu ; et ce coup d’œil monotone fatiguera bientôt l’œil, et prêtera son uniformité et sa froideur à l’action. […] Un pont fort éloigné étoit placé à la droite du théatre ; un grand nombre de cavaliers défiloient ; chacun d’eux avoit l’air et la taille gigantesques, et paroissoit beaucoup plus grand que la totalité du pont ; les chevaux postiches étoient plus petits que les hommes, et ces défauts de proportions choquérent les yeux même des moins exercés.

19. (1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1668 — 17 janvier : Mascarade — Lettres en vers à Madame de Robinet — Robinet, lettre du 21 janvier 1668 »

Cet autre aimable et jeune Altesse, Savoir Madame la DUCHESSE, De Palatine Extraction, Attirait les Yeux, ce dit-on, D’un chacun dessus sa Personne, Aussi brillante que pouponne. […] Mais cette Liste il faut conclure, Pour abréger mon Écriture, Sans oublier, nenni, nenni, Ou que de tous je sois honni, Cette BRESSIENNE admirable, Qu’on trouva là presque adorable, Ayant jusques par sus les yeux Des aimables Présents des Cieux, Avec une charmante Gorge, Où des mieux l’Amour fait son orge.

20. (1908) Quinze ans de ma vie « Quinze ans de ma vie — XVII, quelques philosophes » pp. 188-

Confuse, gênée, elle avait baissé les yeux qu’elle tenait obstinément fixés sur un tablier bleu, d’un bleu passé, et où les reprises apparaissaient plus nombreuses que l’étoffe. […] La femme, les yeux bas, regardait toujours son tablier bleu. […] La seule chose qui me manque, ce sont mes yeux. […] Jadis, il avait pu admirer la nature ; voir de jolies filles dans des paysages ensoleillés ; considérer dans ses yeux en joie le sourire d’autres yeux, de tendres yeux aimés : il avait vu. […] En toutes choses ce vieillard ne voulait voir que le bon côté et cela, du moins, avec les yeux de l’imagination, l’aveugle le voyait.

21. (1921) L’âme et la danse pp. 99-128

… Rhodopis est l’autre, qui est si douce, et si aisée à caresser indéfiniment de l’œil. […] Je les ai décrits bien souvent à mes disciples ; toutefois je n’ai jamais eu l’occasion d’en observer de mes yeux. […] — Ce qui n’arrivera jamais plus, arrive magnifiquement devant nos yeux ! […] … Elle danse là-bas et donne aux yeux ce qu’ici tu essayes de nous dire… Elle fait voir l’instant… Ô quels joyaux elle traverse ! […] … Elle dérobe à la nature des attitudes impossibles, sous l’œil même du Temps !

22. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE XIV. » pp. 396-434

Jamais je n’ai eu sous les yeux ces modeles excellents qui ravissent & qui inspirent. […] Leurs compagnes sensibles à la honte & à l’abattement des vaincus laissent tomber à leurs pieds celles qu’elles leur destinoient ; ceux-ci dans une attitude qui peint ce que la douleur & l’accablement ont de plus affreux sont immobiles ; leur tête est abattue, leurs yeux sont fixés sur la terre. […] Garrick m’a été d’un grand secours : on lisoit dans les yeux & sur la physionomie de mes Faunes tous les mouvements des passions qui les agitoient. […] Elles obéissent à regret, & malgré l’empressement avec lequel elles semblent se rendre aux ordres du Sultan, elles laissent échapper des mouvements de dépit & de désespoir qu’elles étouffent en apparence, lorsqu’elles rencontrent les yeux de leur Maître. […] C’est à l’ame à peindre, c’est à la Physionomie à colorier, ce sont les yeux enfin qui doivent donner les grands coups & terminer tous les Tableaux.

/ 299