Des Fêtes du même genre dans les autres Cours de l’Europe L’Italie était déjà florissante ; les Cours de Savoie et de Florence avaient montré dans mille occasions leur magnificence et leur galanterie ; Naples et Venise jouissaient des Théâtres publics de Musique et de Danse ; l’Espagne était en possession de la Comédie ; la Tragédie, que Pierre Corneille n’avait trouvée en France qu’à son berceau, s’élevait rapidement dans ses mains jusqu’au sublime ; notre Cour cependant, au milieu de ses triomphes et sous le ministère d’un homme vraiment grand, dont une économie bourgeoise ne borna jamais les dépenses, demeurait plongée dans la barbarie du mauvais goût. […] Les Français qui avaient du génie trouvèrent les accès difficiles et la place prise : ils se répandirent dans les Pays Étrangers, et ils y firent éclater l’imagination, la galanterie et le goût qu’on ne leur avait pas permis de déployer dans le sein de leur patrie. […] Idée noble, ingénieuse et nouvelle, qu’on a trop négligée, après l’avoir trouvée, et qu’on aurait dû employer toujours à la place de ces desseins sans imagination et sans art, qui ne produisent que quelques étincelles, de la fumée, et du bruit. […] Il dit, qu’ayant appris d’Archimède que si on trouvait un point ferme, il serait aisé d’enlever toute la masse du monde, il était venu en Angleterre, qui était ce point si difficile à trouver, et qu’il se déchargeait désormais du poids qui l’avait accablé, sur Alithie compagne inséparable du plus sage et du plus éclairé des rois.
Ce qui s’appelle Position n’est qu’une juste proportion que l’on a trouvé d’éloigner ou d’approcher les pieds dans une distance mesurée, où le corps soit dans son équilibre ou à plomb sans se trouver gêné, soit que l’on marche, soit que l’on danse, ou lorsque l’on est arrêté. […] J’ai sçu de lui que suivant les regles de son tems on comptoit cinq pas dans la danse, desquels dérivent les autres pas, qui se pratiquent dans la danse ; & comme il avoit beaucoup de goût pour le Dessein, (ce qui est très-necessaire pour un Compositeur de Ballet aussi-bien que la Musique,) ce rare génie trouva que rien n’étoit plus important pour maintenir le corps dans une attitude gracieuse, & les pas dans une grandeur mesurée, que d’introduire ces cinq Positions ; aussi on doit les regarder comme des regles indispensables que l’on doit suivre.
Qu’on nous donne des chrétiens vraiment dignes de ce nom, et l’on verra qu’ils sauront bien trouver le moyen de passer les dimanches et fêtes sans s’ennuyer, et cependant sans faire ni se permettre rien qui offense Dieu. […] « On dit qu’il faut bien trouver un relâchement à l’esprit humain. Saint Jean Chrysostôme répond que, sans courir au théâtre, nous trouverons la nature si riche en spectacles divertissans ; et que d’ailleurs la Religion, et même nos affaires domestiques, sont capables de nous fournir tant d’occupations oû l’esprit se peut relâcher, qu’il ne faut pas se tourmenter pour en chercher davantage : enfin, que le chrétien n’a pas tant besoin de plaisir, qu’il lui en faille procurer de si fréquens et avec un si grand appareil. […] « Si vous voulez donner à votre esprit quelque relâche, et vous procurer quelque délassement permis, allez vous promener dans quelque campagne, sur les bords d’une rivière ou d’un étang ; considérez avec attention et admiration la beauté des fleurs et des fruits qui sont dans les jardins ; écoutez le chant et le ramage si varié des oiseaux ; allez visiter les tombeaux des martyrs, où non-seulement vous ne trouverez rien qui puisse vous nuire, mais où vous trouverez encore des avantages spirituels pour votre ame, et la santé de votre corps, que les malades ont souvent recouvrée par la vertu des reliques des martyrs et par l’efficacité de leurs prières. […] De plus, vous avez une femme et des enfans ; si vous les aimez comme vous le devez, pourrez-vous trouver de plus grand plaisir que d’être avec eux ?
Lettre xvii Je vous ai annoncé dans mon avant-dernière lettre, Madame, que je ne vous nommerois que ceux des danseurs et danseuses qu’on peut regarder comme les modèles de leur art ; cependant ceux qui s’efforcent de les copier, ne sont pas sans mérite et je ne hazarderai rien, en avançant que dans le nombre des sujets qui contribuent aux charmes et à la magie des ballets, on en trouverait une douzaine au moins, capables de remplir avec succès les premières places dans les plus beaux théâtres de l’Europe, et qu’ils en feraient les délices et l’ornement. […] Thomas ; partout il n’a trouvé que des incrédules ; les fleurs que l’un et l’autre ont semées sur la tombe de l’Ampuse moderne étoient mêlées de ronces, d’épines, et de chardons ; de feuilles de ciguë, d’absinthe, et de bagnodier. […] Il est pénible pour moi, Madame, de me trouver dans l’impossibilité de vous parler d’une foule de danseuses dont la majeure partie mériteroit un éloge séparé, et dont l’autre annonce de grandes dispositions ; talent malheureusement rare, celui d’être intéressante dans tous les genres, mais des accidens et une douleur fixée dans les genoux, l’ont forcée dans plusieurs circonstances de suspendre ses travaux habituels, et cet état d’inaction lui a procuré beaucoup plus d’embonpoint qu’il n’en faut au théâtre et dans un genre surtout qui exige de belles proportions. […] Mais les amateurs de cet art et les hommes de goût trouvent qu’elle abuse de ses moyens, et que par une imitation pernicieuse, elle se livre à des courses, à des gambades qui dégradent, la sagesse que ce genre exige. […] Il est pénible pour moi, Madame, de me trouver dans l’impossibilité de vous parler d’une foule de danseuses dont la majeure partie mériteroit un éloge séparé, et dont l’autre annonce de grandes dispositions ; mais pour donner à chacune d’elles la portion d’encens qu’elle mérite, il faudroit que je les visse souvent pour les bien apprécier.
Frappé de la vérité de la représentation, il laissa échapper, malgré lui, des marques d’étonnement fort extraordinaires ; mais, soit que l’orgueil lui fît trouver une espèce de honte dans l’admiration qu’il avait montrée, soit que naturellement jaloux et inquiet, il se trouvât blessé d’avoir été contraint de trouver bien une chose qu’il n’avait pas faite, il rejeta sur la Musique l’impression forte qu’il avait éprouvée. […] Ils publièrent qu’ils donneraient un spectacle tout à fait nouveau, et ils trouvèrent le moyen d’engager adroitement leur Adversaire à le venir voir. […] On trouvera une partie de l’histoire de Pylade et de Bathylle dans la suite.
On trouvera dans les saints pères toutes ces raisons et beaucoup d’autres. Que si on veut pénétrer les principes de leur morale, quelle sévère condamnation n’y trouvera-t-on pas de l’esprit qui mène aux spectacles, où, pour ne pas reconnoître tous les autres maux qui les accompagnent, on ne cherche qu’à s’étourdir soi-même, pour calmer la persécution de cet inexorable ennui qui fait le fonds de la vie humaine, depuis que l’homme a perdu le goût de Dieu ? […] Sa réponse frappe donc autant les danses que les spectacles ; et elle trouve par conséquent très-bien sa place dans ce petit traité. […] Et un des grands dangers qu’il y trouve, « c’est que l’amour profane et impur s’y engendre fort aisément » : c’est pourquoi il croit pouvoir dire des danses ce que tous les médecins disent des champignons. […] Quand donc, en considérant les danses spéculativement et dans une généralité métaphysique, on trouveroit par le raisonnement, qu’il peut y avoir quelques danses innocentes, il n’en est pas moins vrai que par une suite de la corruption naturelle à tous les hommes, elles sont presque toujours une occasion de tentation et de chute pour plusieurs, et surtout pour les jeunes personnes de l’un et de l’autre sexe qui s’y trouvent.
Il s’agit de faire voir en quoi les anciens Philosophes ont fait consister cette Musique : la matiere en pourra paroître fabuleuse à ceux qui n’ont nulles notions des anciens Auteurs, parce qu’elle s’est trouvée abolie depuis la naissance de Jésus-Christ, par la lumiere de l’Evangile, qui a désabusé une partie du genre humain des erreurs & de la confiance qu’il avoit dans la puissance des fausses Divinitez, qui expliquoient leurs volontez par l’organe des Oracles, dont l’éxistance a été reconnue de toute l’Antiquité. […] Ces Philosophes & bien d’autres parlent aussi des concerts que l’on entendoit dans les Isles inhabitées & dans les Forests, dont le Lecteur néanmoins croira tout ce qu’il lui plaira, ne rapportant ce que j’en ai trouvé dans ces Auteurs, que par rapport au sujet que je traite. Appollonius, Zamblique, Porphire, & Michel Psellus, tous grands Philosophes, mais un peu suspects de magie, au sentiment du peuple, & non pas de Saint Jérôme, assurent qu’il y a quatre sortes de Démons ou d’Esprits élémentaires, dont l’explication se trouve dans le Livre du Comte de Gabalis ; c’est un récit parfait de tout ce qui se peut dire de plus plaisant sur cette matiere, pour tâcher de persuader l’éxistance des Esprits élémentaires, de même que la réalité des apparitions des phantômes, à laquelle néanmoins beaucoup de gens bien sensez n’ont point de foi, & encore moins ceux qui se picquent d’esprits forts, non plus qu’aux apparitions diaboliques, quoiqu’il y ait quantité d’Auteurs qui prétendent qu’elles étoient assez communes au tems du Paganisme ; témoin l’éxemple qu’on en trouve dans Elian, Liv. 8. […] VIII. puisqu’il dit précisément qu’il les trouve si clairs & si formels, après leur accomplissement, qu’il n’ose ni les accuser d’être faux, ni souffrir qu’on les en accuse, n’y même qu’on refuse d’y ajouter foi. […] On trouve encore que Cicéron qui vivoit l’an 706 de Rome, a fait un Traité de la nature des Dieux, & qu’il dit avec Plutarque & d’autres fameux Auteurs, que les Oracles avoient cessé bien du tems avant eux ; ils ont crû que leur fin venoit de ce que les Démons & les Esprits élémentaires ne sont pas immortels, & que leur tems a pû être limité par le Créateur de l’Univers : mais qu’il en peut renaître aussi comme des hommes, suivant l’opinion des Cabalistes : j’oserai dire en passant que j’ai lieu de le croire plus qu’un autre.
En France, l’étude de la musique est si générale, que des artisans mêmes en font l’éducation de leurs filles, et l’on ne seroit pas embarrassé de trouver, à Paris seulement, vingt mille personnes des deux sexes, qui savent lire la musique et l’exécuter avec la voix, ou sur un instrument quelconque. […] En France on joue un opéra aussi long-tems que le public le trouve agréable, et vingt années de de succès ne sont pas un motif pour être chassé du théâtre. […] En France, on pardonne à la musique d’être vraie, analogue au sens des paroles ; et quand les paroles sont bonnes, on trouve que cela ne gâte rien.