Quatrieme Position Celle-ci sert à regler les pas en avant, ou en arriere, & leur donner cette juste proportion que l’on doit observer, soit pour marcher, soit pour danser. […] On doit observer dans cette Position que les deux pieds soient l’un devant l’autre, & sur une ligne droite sans les croiser, & sur tout en dansant ; en ce que lorsque l’on prend un mouvement, & que l’on croise le pied quand on va en avant, il arrive que l’on ne se releve pas avec la même facilité, outre que le corps sort de son équilibre, ce qui fait faire des contorsions.
Elevation des bras pour Dancer Comme l’ornement du corps en dansant, ainsi que je viens de le dire, dépend de bien faire les bras, on ne peut donc prendre trop de précaution de les sçavoir bien poser d’abord, afin qu’ils puissent se mouvoir dans toute la liberté necessaire ; c’est pourquoi je suppose dans l’élevation que je represente par cette Figure, qu’une personne soit bien proportionnée : ainsi il m’a paru suivant les regles, qu’il faut les élever à la hauteur du creux de l’estomac, comme je le démontre par cette Figure : elle est representée de face pour que l’on puisse distinguer toutes les parties dans leur juste égalité, elle a la tête droite, le corps posé sur les deux jambes, les pieds à la deuxiéme position ; ce qui est relatif avec les bras, en ce que les jambes étant ouvertes, & les deux pieds sur une même ligne, les bras doivent estre ouverts & élevez également ; car s’ils étoient plus hauts, ils tiendroient du crucifix, outre qu’ils seroient plus portez à la roideur, & n’auroient pas la même douceur ; néanmoins comme nulle regle n’est pas sans exception, & que l’on est obligé d’aider ou de cacher les défauts de la nature, c’est dans cette occasion que les Maîtres doivent gouverner leurs Ecoliers : par exemple, si une personne a la taille courte il faut de necessité lui faire lever les bras un peu plus haut, afin de lui dégager la taille, ce qui par consequent lui donne plus d’agrément ; de même que si la taille est longue, il faut ne les faire lever qu’à la hauteur des hanches, ce qui diminue en quelque façon cette disproportion, & donne tout l’agrément que l’on n’auroit pas sans ces sortes d’attentions ; Je lui ai aussi répresenté les mains ni ouvertes ni fermées, pour que les mouvemens du poignet & du coude se fassent avec toute la douceur & la liberté qu’il faut observer dans leurs mouvemens : au lieu que si le pouce se joignoit à un des doigts, cela causeroit un retardement dans les autres jointures qui leur ôteroit cette facilité. Je ne me suis pas entêté sur l’attitude que j’ai donné à mes Figures dans l’élevation de leurs bras ; j’ai voulu consulter ce qu’il y a de plus habile, non-seulement dans la danse ; mais même dans le dessein, & qui ont trouvé que je les avois dessinées selon les regles, pour pouvoir accompagner le corps, & se mouvoir avec facilité dans les differens pas où il faut observer le contraste, ce qui fait l’ornement de la danse.
Après avoir fait mes efforts pour vous donner une intelligence claire sur les differens mouvemens des bras, & sur la maniere de les conduire suivant les regles tant du poignet, du coude que de l’épaule, vous ayant fait sentir en même tems l’opposition ou le contraste du pied au bras, il ne me reste plus que de vous conduire dans la maniere de les conformer à chaque pas, en vous instruisant seulement des oppositions ou contraste que vous y devez observer, sans néanmoins vous repeter de quelle maniere ils se doivent faire, vous en ayant ce me semble assez parlé ; c’est pourquoi je vais commencer par les pas de Bourrée en avant. […] Il s’en fait en tournant où l’on doit observer les mêmes regles cy-devant prescrites. […] Mais quand vous le faites de côté, il est un peu different, en ce que si vous faites vôtre demi-coupé du pied droit en le croisant devant le gauche, c’est le bras gauche qui vient s’opposer, & s’étend tout aussi-tôt à ce second pas & au troisiéme, lorsque vous tirez le pied droit derriere, en vous jettant sur le gauche pour son quatriéme pas (ce qui fait une espece de pas tombé :) dans ce tems, les deux bras qui sont étendus se baissent un peu & se relevent ; ce qui finit l’action que les bras doivent observer dans tout le cours du pas.
Quant à la tête, lorsque vous vous relevez, elle se doit tourner un peu du côté que vous allez : quoique ce ne soit pas une regle que l’on observe toûjours, car si vous dansez avec une personne & que vous fassiez de ces contre-temps en passant l’un devant l’autre, il faut bien que vous vous regardiez tous deux, non plus que lorsque je dis que la tête soit fort droite, j’entends qu’elle ne se doit mouvoir que par ressorts, tout au contraire j’entens qu’elle la soit sans gêne, sans roideur, & sans affectation. […] Vous devez aussi observer en faisant ce pas en avant, d’avoir le corps fort en arriere, & la tête un peu tournée du côté que le bras est opposé. Mais lorsque vous le faites en arriere, il faut suivre la même regle qu’aux autres pas, c’est-à-dire qu’en partant du pied droit en arriere, comme il est devant le bras gauche opposé : ainsi dans le tems que vous prenez votre premier mouvement pour passer le pied droit derriere, le bras gauche se contourne de haut en bas, & le bras droit revient de bas en haut ; ce qui fait tout le changement de bras que vous devez observer dans ce pas.
J’ai suivi dans les jalousies, ou les fétes du serrail, la dégradation des lumières que les peintres observent dans leurs tableaux ; les couleurs fortes et entières tenoient la première place, et formoient les parties avancées de celui-ci ; les couleurs moins vives et moins éclatantes étoient employées ensuite. J’avois réservé les couleurs tendres et vaporeuses pour les fonds ; la même dégradation étoit observée encore dans les tailles. […] La dégradation des tailles ne doit pas être observée moins scrupuleusement dans les instants où la danse fait partie de la décoration. […] Mais comment, me direz vous, observer cette dégradation ? […] La dégradation étoit si correctement observée que l’œil s’y trompoit ; ce qui n’étoit qu’un effet de l’art et des proportions, avoit l’air le plus vrai et le plus naturel : la fiction étoit telle, que le public n’attribuoit cette dégradation qu’à l’éloignement des objets, et qu’il s’imaginoit que c’étoit toujours les mêmes chasseurs et les mêmes chasseresses qui parcouroient les différens chemins de la forêt.
J’ai suivi dans les Jalousies ou les Fêtes du serrail la dégradation des lumieres que les Peintres observent dans leurs Tableaux ; les couleurs fortes & entieres tenoient la premiere place, & formoient les parties avancées de celui-ci, les couleurs moins vives & moins éclatantes étoient employées ensuite. […] Si l’on n’observe exactement cette regle, tout se détruira faute d’ombres & d’oppositions ; tout doit être d’accord, tout doit être harmonieux au Théatre, lorsque la décoration sera faite pour les habits, & les habits pour la décoration, le charme de la représentation sera complet. La dégradation des tailles ne doit pas être observée moins scrupuleusement dans les instants où la Danse fait partie de la décoration. […] Mais comment, me direz-vous, observer cette dégradation ? […] La dégradation étoit si correctement observée que l’œil s’y trompoit ; ce qui n’étoit qu’un effet de l’Art & des proportions, avoit l’air le plus vrai & le plus naturel ; la fiction étoit telle, que le Public n’attribuoit cette dégradation qu’à l’éloignement des objets, & qu’il s’imaginoit que c’étoit toujours les mêmes Chasseurs & les mêmes Chasseresses qui parcouroient les différents chemins de la forêt.
J’ai observé précédemment qu’on ne pouvoit pas conclure, de ce que les danses sont particulièrement défendues les jours de Dimanches et de Fêtes, pendant le service divin, qu’elles soient innocentes et permises en d’autres jours et en d’autres temps ; ce qui s’en suit uniquement, c’est que les danses, mauvaises en tous les temps, le sont particulièrement les jours consacrés à Dieu, et que la circonstance de ces jours est une circonstance qui rend plus criminels ceux qui se livrent à cette sorte de plaisir. Tout le monde convient que les œuvres serviles et les travaux ordinaires sont défendus en ces jours-là, et qu’on doit observer cette défense, à moins que, par quelque pressante nécessité, on ne se trouve dans le cas de la dispense. […] « L’observation du sabbat, c’est-à-dire du jour consacré à Dieu, nous regarde encore plus que les Juifs, parce que nous devons l’observer d’une manière toute spirituelle. Les Juifs observent leur sabbat d’une manière toute servile et toute charnelle, parce qu’ils l’emploient à l’impureté et aux danses, qui portent à la débauche ; combien leurs femmes feroient-elles mieux d’employer ce jour-là à leurs ouvrages de laine qu’à danser ! Que Dieu nous garde, mes Frères, de dire qu’ils observent le sabbat !
Règles générales à observer dans les actions de Danse Toute Représentation théâtrale doit avoir trois parties essentielles. […] J’ai choisi d’ailleurs, de propos délibéré, cette action de Danse, que son succès doit avoir gravée dans le souvenir du Public, et dans l’esprit de nos jeunes Danseurs, afin de donner plus de poids, par un exemple frappant, à une règle qui ne saurait être trop scrupuleusement observée.