La Courante étoit autrefois fort à la mode : aussi est-elle une danse très grave, & qui inspire un air de Noblesse plus que les autres danses, qui ont un air enjoüé, & beaucoup diversifiez dans leurs Figures ; mais la Courante par ses mouvemens graves est distinguée, inspire un air de Noblesse ; aussi LOUIS XIV. d’heureuse memoire, n’a pas dédaigné de la preferer, puis qu’après les Branles qui sont, ou qui étoient les danses par où les Bals de la Cour se commençoient, comme je l’ai deja dit, Sa Majesté ensuite de ces Branles dansoit la Courante : il est vrai, qu’il la dansoit mieux que personne de la Cour, & qu’il lui donnoit une grace infinie. […] Après que l’on a fait les reverences qui se font ordinairement avant de danser ; & de même que je les ay representées ci-devant : en vous relevant de votre seconde reverence, vous laissez poser le corps sur le pied droit ; & vous portez le pied gauche à la quatriéme position, & posez le corps dessus en presentant la main à la Demoiselle & en faisant un tems de Courante : ensuite vous commencez le pas de courante, par un demi-jetté du pied gauche, & ensuite un coupé du pied droit, ce qui termine le pas de Courante (& fait voir la difference du pas au tems) & vous en recommencerez une autre du pied droit, en faisant un demi-jetté de ce pied & un coupé du gauche ; mais comme tous ces differens pas vous conduisent dans une figure reglée, qui forme une espece d’ovale longue, mais à ce dernier coupé, vous recommencez de faire un pas, marchez du pied gauche, & un tems de Courante ou pas grave du pied droit, & recontinuer les demi-jettez & les coupez ; ce qui se repete dans tout le courant de cette danse, & comme je n’entreprends pas de décrire les figures des danses, je laisse ce soin aux Maîtres de conduire leurs Ecoliers : de plus c’est que cette danse n’est plus en usage, non plus que les autres Courantes figurées de ce tems là, comme la Dauphine, la Duchesse, & la Bocanne, qui étoient de parfaitement belles danses, & que les personnes qui seront curieux de les sçavoir, pourront avoir recours à la Choregraphie.
Grave Grave, ou de Courante.
En France, dites-vous, on grave tout ; tant pis, Monsieur ; n’auriez-vous pas pu ajouter qu’en France on imprime tout : c’est encore une folie ; la sottise reste aux marchands de musique. […] Il en est de même de l’imprimerie ; car en France on imprime tout, comme on grave tout. […] En Italie on ne grave que rarement les partitions même des plus grands maîtres. […] Nous n’en donnons que deux ou trois en France par an ; on les grave.
Des Tems de Courantes, ou pas graves. Comme l’on commençoit autrefois par la Courante à montrer à danser, & que d’ailleurs j’ai promis d’aller de pas en pas ; pour me mettre en regle, je commencerai donc par le tems de Courante, ou pas grave, comme étant un des premiers pas & qui inspire le plus de grace. […] Je suppose que vous deviez le faire du pied droit ; ainsi ayant le pied gauche devant, & le corps posé dessus, & le pied droit derriere à la quatriéme position, le talon levé prest à partir, de là vous pliez en ouvrant le pied droit à côté, & lorsque vous êtes élevé & les genoux étendus, vous glissez le pied droit devant jusqu’à la quatriéme position, & le corps se porte dessus entierement, mais à mesure que le pied droit se glisse devant, le genou gauche se détend & son talon se leve, ce qui renvoye avec facilité le corps sur le pied droit, & du même tems vous vous élevez sur la pointe : ensuite vous baissez le talon appuyant tout le pied à terre, ce qui termine votre tems de Courante ou pas grave, le corps étant dans son repos par le pied qui pose entierement ; de là vous pouvez en faire un autre du pied gauche en observant les mêmes précautions, & même pour se mettre dans l’habitude de les faire, il en faut repeter plusieurs de suite tant d’un pied que de l’autre.
Loret, lettre du 25 août 1663 […] Trois Enfants, de même famille, Deux fils, une fort jeune Fille, Y donnent un plaisir de Roi, Par de charmantes mélodies, Par de petites Comédies, Et par d’agréables Ballets, Un peu plus graves que follets, Dansés avec grande justesse, Et qu’on voit, avec allégresse, Moyennant quelque argent comptant Que l’on ne plaint point en sortant : Bref, les trois Enfants que j’allègue, Dont le cadet est un peu bègue, N’ont pas, encor, je crois tous trois, Plus de dix-huit ans et dix mois.
Mais je l’ai trouvée souffrante, et je ne puis la quitter avant de m’assurer que son indisposition n’a rien de grave.
Un des reproches que l’on faisoit à Muréna, étoit qu’il avoit dansé en Asie : cette accusation parut à Cicéron si grave et si forte, qu’il n’eut garde de justifier Muréna, supposé qu’il eût dansé, comme s’il n’avoit rien fait en cela de bien répréhensible ; mais il nia constamment le fait : ce qu’il dit à ce sujet est tout-à-fait remarquable. […] S’il lui fait avec vérité ce reproche, c’est une accusation bien forte et bien grave ; mais s’il est faux, c’est un sanglant outrage fait à Muréna.
En Italie, on ne grave que rarement les partitions même des plus grands maitres. En France, on grave tout ; tout se conserve, et au bout de plusieurs années on est encore à même de comparer les différens dégrés de mérite ; ce qui est bon reste, et ce qui tombe dans l’oubli, a été jugé par le tems.