La DUCHESSE, aussi, de BOUILLON, D’Âme et de Corps Objet mignon, Et qui fut, dès son plus bas âge, Si spirituelle et si sage, S’y fit admirer, sans mentir, Sachant des mieux se travestir ; Et le vaillant PRINCE, son Homme, Pour vous dire la chose en somme, Avec le Comte et Chevalier,90 Faisait un Momon singulier.
La femme, fine, le corps comme forgé à l’enclume, sait se faire impondérable au bras de son danseur qui la manie comme une poupée de liège. […] Et quand l’homme fait le moulinet avec le corps de la danseuse, c’est un accès de jalousie furieuse qui est censé déterminer ce jeu de scène exhilarant.
De cette façon, le goût ne se corrompra jamais. » Tels étaient, à peu près, les discours de tout le monde ; car, en France, on tient beaucoup à la dignité du corps de ballet54. » Le principal obstacle à la révolution chorégraphique, tant souhaitée par les adeptes du romantisme, venait de l’infatuation des maîtres de ballet. […] Il rencontra une jeune fille qui, dès l’âge de cinq ans, s’était fait remarquer dans le corps de ballet de la Scala, et qui, douée en même temps d’une jolie voix, hésitait entre le chant et la danse. […] Lise Noblet possédait des bijoux superbes qui faisaient pleurer de jalousie ses camarades du corps de ballet. […] D’autres affirmaient qu’elle était transparente comme un verre de lanterne et qu’on voyait, à travers son corps, les objets placés derrière. […] A Mlle Duvernay manquait, ainsi qu’à ses camarades jeunes ou vieilles du corps de ballet, ce qui fait les artistes créateurs, le feu sacré qui excite à diriger toutes les énergies physiques et morales vers un but haut placé.
Ce que je vais écrire, Monsieur, pourra servir de régulateur aux maîtres de ballets qui n’ont fait encore que quelques pas dans la carrière qu’ils se proposent de parcourir ; des réllexions mûries par le temps et éclairées par l’expérience, soixante années de travail, une foule de compositions, peut-être trop considérable, des circonstances heureuses au développement de mes idées, un nombre de sujets capables de les rendre, de grands corps de danse, de vastes théâtres, des dépenses proportionnées à la grandeur des sujets que je transportois sur la scène, des succès soutenus dans le genre que j’ai crée, tout, dis-je, jusqu’à mes fautes, pourra guider les maîtres de ballets, et j’espère que mes observations paroitront justes et utiles à ceux même, qui peuvent le plus aisément s’en passer, ou qui n’en ont pas besoin. […] Mais pour que le maitre de ballets arrive à ce but, il est absolument necessaire qu’il exerce son âme à sentir vivement, sa physionomie à recevoir les sensations diverses qu elle lui communique, les gestes qui doivent les rendre avec vérité ; si son coeur est froid, si son âme est glacée, si son visage est invariable et ne se prête point au-jeu des passions, si ses yeux sont fixes et immobiles, si son corps est roide et guindé, et que les articulations propres à le faire mouvoir ne jouent pas avec facilité, si enfin la tête ne se meut pas avec grâce et que les éffacemens du corps ne contrastent pas avec ses diverses positions ; comment un tel maître de ballets pourra-t-il servir de modèle à ses danseurs ?
« Que chacun de vous, dit-il, observe le sabbat spirituellement, ne faisant pas consister simplement cette observation à interrompre les ouvrages corporels, et dans le repos du corps ; mais en mettant votre plaisir dans la méditation de la loi de Dieu, et à admirer ses ouvrages dans la création du monde, plutôt qu’à danser et à vous livrer à des marques de joie insensées. » (M. […] Les mouvemens de leurs corps, pendant qu’elles dansent, ont-ils la décence et la modestie qui conviennent particulièrement à leur sexe et à leur âge, et généralement à toute personne chrétienne qui doit être assez maîtresse d’elle-même, pour régler tous ses pas d’une manière digne de Dieu ? […] Si le corps est déshonoré par cette manière indécente de marcher, combien plus l’ame l’est-elle ? […] Les esprits de malice, dit ce père, n’ayant pas maintenant la liberté d’exercer leur cruauté sur les corps des chrétiens, ils déchirent les ames. […] Ét n’est-il pas évident qu’il ne les appelle ainsi que parce que leur contagion nuit pour le moins autant aux ames, que la peste nuit aux corps ?
Ensuite les ministres, considérant la danse du côté des mouvemens qui la composent, observent « que l’ame qui les commande, et donne commencement à ces mouvemens, est nécessairement telle, qu’elle rend le corps qu’elle gouverne, volage, léger, remuant, sans arrêt ; ce qui ne peut convenir à l’honneur de l’homme chrétien… Quant à ce que de telles démarches se font par règles et mesures, ce n’est point pour les approuver davantage ; car c’est toujours faire ce que font les fous et les insensés : il y a seulement cette différence, que le faire avec règle et mesure, c’est, comme dit un certain poète comique (Térence), faire l’insensé avec raison, et montrer qu’on a la cervelle plutôt aux pieds qu’en la tête ; et nous disons que pour cela la folie et la vanité des hommes se montrent bien plus grandes… Avoir mis cette vanité en art, et aller à l’école pour l’apprendre, n’est-ce pas là la vanité des vanités ? […] Ces règles sont d’être sobres, modestes, et resserrés en toutes les parties de l’ame, de n’aimer point le monde, mais de le mépriser et de fuir ses voluptés, pour avoir sa conversation aux cieux ; de se réjouir comme ne se réjouissant pas, et ce qui est encore d’une abstinence plus étroite, de veiller, de mortifier ses membres, de crucifier sa chair et ses convoitises, de matter son corps, et le réduire en servitude ; d’aller plutôt à une maison de deuil, qu’à une maison de festin ; (eccl. c. 7, v. 3,) c’est-à-dire d’aller chercher tout ce qui resserre nos gaîtés par une représentation assidue de la mort ; bref, de s’employer à son salut avec crainte et tremblement. […] Et comme on voudroit dispenser la jeunesse de ces règles si sévères, les ministres protestans s’y appliquent particulièrement à montrer que, bien loin que la danse soit plus permise dans la jeunesse, elle y est au contraire plus dangereuse… « qu’étant plus portée à la joie, à la gaîté, le remède est, non pas d’accorder à la jeunesse tout ce à quoi ce plaisir, c’est-à-dire la folie et la vanité la poussent, mais de lui retrancher plutôt ce qui seroit nuisible, et plus pour augmenter les maladies de l’âge, que pour les corriger ; selon que les médecins ont accoutumé envers les corps mal sains, et inclinans à des maladies, d’user de régimes plus sévères. […] « Que nous accordions, répondent les ministres, que la santé du corps en puisse être aidée, est-ce une cause d’en user, quand notre ame, notre profession, notre honneur y reçoivent tant de dommages ? […] Une chose qui prendra sa naissance dans de telles sources, quelle pourra-t-elle être dans tout son corps ?
» Alors, ému jusqu’aux larmes et tremblant de tout mon corps, je lui présentai le bouquet en bégayant : « Mademoiselle, au nom des jeunes gens de la ville… — C’est bien, c’est bien, messieurs, dit le père en saisissant le bouquet qu’il remit à sa fille. » Et, parlant avec un accent italien exagéré : « Nous sommes étrangers et ma fille ne parle pas assez le français pour vous répondre. […] C’était l’heure de l’école de dessin ; de là je me rendis à mes études ordinaires et ne revis Mlle Fiori que le lendemain soir, quand on porta le corps à l’église. […] Quand on est une ballerine condamnée à vivre à peu près nue sous les regards du public, il est bon d’avoir une âme que l’on peut dévoiler avec autant d’assurance que son pauvre corps. […] Je le suivis sans appréhension, enchantée de voir du nouveau et impatiente de changer les guenilles d’indienne qui me pendaient sur le corps contre les robes d’or et d’argent qu’il me promettait. […] Il ne savait pas dessiner, mais, par des lignes très bien agencées, il exprimait sur le papier ou sur le plancher avec de la craie, les courbes naturelles et la raison des mouvements du corps.
C’est là l’éphèbe athlétique, à la somptueuse prestance : et quand il cabriole ce n’est pas l’envolée d’un corps impondérable que nous admirons, c’est la haute discipline du muscle narguant les lois de la gravitation.