Des Bals Masqués On s’ennuyait à Rome dans les Bals de cérémonie, et on s’amusait dans la célébration des Fêtes Saturnales sous mille déguisements différents. […] Néron masqué indécemment courait les rues de Rome pendant les nuits, tournait en ridicule la gravité des Sénateurs, et déshonorait sans scrupule les plus honnêtes femmes de Rome.
Mais en partant de l’epoque, où ils furent bannis de la Grèce, jusqu’à celle, où ils parurent à Rome, il est a présumer que ces productions furent oubliées ; que la nature avare se réposa long-tems, sans donner de successeurs à cette foule de grands hommes que la Grèce avoit produits. Mais au nom d’Auguste, et plus encore à la voix de Mécène, les marbres de leurs tombes s’ébranlèrent et s’ouvirent ; et s’emblables au Phénix qui renait de sa cendre ils réssuscitèrent pour ainsi dire, et se montrèrent à Rome avec éclat ; ils y déployèrent toutes leurs richesses, et firent presque pour elle ce qu’ils avoient fait pour Athènes. […] Auguste aimoit ces pantomines moins par goût, que par politique ; il connoissoit le peuple de Rome, il savoit qu’il étoit inquiet, turbulent, et toujours prêt à se porter à l’insubordination : les pantomines occupant entièrement sa pensée, étouffoient en lui l’esprit de parti. […] Auguste n’attendit pas longtems, Hilas enivré d’amour-propre, et soutenu par une populace effrénée défia son maître ; il lui proposa de représenter Agamemnon, et dit insolemment à Pilade : « Je rendrai cette scène en prémier, vous la jouerez ensuite à votre manière ; et le public jugera quel est celui de nous qui mérité le scéptre du talent. » Pilade fier, et vain accepta le défi ; le jour fut pris ; la ville et les faubourgs de Rome furent en mouvement, les uns parurent pour Pylade et les autres pour Hilas. […] Auguste ferme dans ses projets, et prompt à les faire exécuter, fit arrêter Hylas le lendemain, et sans abroger la loi qu’il avoit crée en faveur des pantomimes, il s’en écarta pour cet instant, et ordonna qu’il fut fouetté dans tous les lieux publics de Rome.
Un simple particulier à Paris, qui sait unir le goût à l’opulence, est le maître de rassembler chez lui plus de commodités, d’agréments et de plaisirs que n’en ont imaginé la délicatesse d’Athènes, ou le luxe de Rome, et sur ce point les peuples contemporains les plus polis de l’Europe sont encore à notre égard, ce qu’ont été les Grecs et les Romains. […] Il s’établit dans Athènes et à Rome des Gens exercés qui jouaient de divers instruments, d’autres qui chantaient et qui dansaient pendant et après les festins. […] Socrate lui-même tenait à honneur d’y exécuter les Danses qu’il avait apprises de la belle Aspasie, et Caton le plus sévère des Romains à l’âge de plus de soixante ans, crut devoir se faire recorder ses Danses, afin de paraître moins gauche dans un Bal de Rome.
De la Danse théâtrale des Romains Au moment que les Romains montrèrent du goût pour les Arts, on les vit accourir en foule à Rome. […] Il arriva pour lors à Rome, ce qui arriverait à Paris dans un cas semblable. […] Thymèle, du temps de Domitien, fut à Rome, ce que la fameuse Empuse avait été dans la Grèce. […] À Rome, ils avaient besoin d’un assemblage de talents beaucoup plus rare.
Les Danses nuptiales, qui, sous cette dénomination nouvelle, étaient les mêmes, que celles dont on vient de parler, furent la peinture la plus licencieuse, et firent les délices de Rome. […] Le Peuple suivit l’exemple que lui donnait la Noblesse : bientôt il n’y eut plus de distinction sur ce point entre les plus grands noms et la plus vile canaille de Rome.
Il protégea Pylade et Bathylle63, et Rome bientôt occupée de ce seul objet, ne tourna plus ses regards vers le gouvernement qu’Auguste lui avait ravi. […] Rome se vit divisée en Pyladiens et en Bathylliens, ennemis déclarés ; toujours prêts à se nuire, et plus émue peut-être que s’il s’était agi alors de l’Empire, elle fut plus d’une fois sur le point d’en venir aux mains, pour régler les rangs des deux Pantomimes. […] C’est à cette occasion, qu’après avoir reçu de la bouche même de l’Empereur l’ordre de quitter Rome, Pylade osa lui dire : Tu es un ingrat. […] Ils trouvaient une injustice, qui allait jusqu’à la tyrannie, dans l’exil d’un homme public, qui était devenu nécessaire aux plaisirs de Rome.
Rome seule dès lors devint l’objet des regards de la Terre. […] Rome, l’Italie dégénérèrent et déchurent.
Si les ouvrages de Denis d’Halicarnasse, de Rufus, et autres écrivains de l’antiquité n’avoient point été ensevelis sous les ruines de Rome, nous serions mieux instruits, et nous pourrions parcourir les routes tortueuses d’un dédale tracé depuis, par des mains inéxpérimentées, sans courrir les risques de nous égarer. […] Juvenal en parlant d’un écuyer tranchant fort éxpert, dit « qu’il découpoit les viandes en dansant. » On peut découper les viandes en gesticulant, et en mettant de la dextérité et de la bonne grace ; mais en dansant cela me paroit absurde ; cet auteur ajoute qu’il y a du mérite à découper un lièvre ou une poularde, avec un geste varié et adapté à chaque opération ; il y avoit à Rome, dit-il, des écoles particulières pour cette espèce de saltation. […] Ce langage muet étoit universellement entendu à Rome. […] Il faut convenir que les auteurs anciens n’ont jamais parlé des jambes de leurs pantomimes, ni de leurs élans, ni du brillant de leurs pieds ; ce qui prouve que la danse proprement dite n’éxstoit ni à Athènes, ni à Rome. […] Rome, à cette époque avoit perdu ses grands acteurs, et n’avoit plus de spectacle ; cette disette ne contribua pas peu au succès des mimes ; la nouveauté est toujours comme lorsqu’elle se montre avec quelques attraits ; mais je ne puis croire à la perfection de ces acteurs pantomimes et je vais vous le démontrer par des raisons suffisantes.