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2. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Methode povr les cavaliers. » pp. 25-51

Mais à cause qu’il y a de la difference entre les pas & les actions d’vn Caualier, & ce qu’il faut qu’vne Dame face : & aussi qu’il y auroit de la confusion d’instruire l’vn & l’autre ensemble, il m’a semblé bon de commencer par le Caualier, auquel ie conseillerois volontiers qu’il n’attendit pas à vn aage trop aduancé, pource qu’estant alors moins maniable, il aura plus de difficulté à s’aquerir la perfection qui luy seroit aisee à vn temps plus commode ; ce bon-heur neanmoins se peut recouurer par vne peine volontaire, qu’vn enfant manque de discretion ne peut auoir, toutesfois pource qu’il y a de certaines actions plaines de graces, qu’il est impossible d’escrire, (comme il me souuient d’auoir dit en quelque lieu) qu’il se garde bien de se mettre entre les mains d’vn ignorant, ny mesme s’il est possible, de celuy qui outre l’excellence de sa methode, ne sçache encore executer ce qui est par dessus la voix & l’escriture : car l’vn ne pourra iuger d’vne belle action ne la cognoissant pas, moins encore la remettre en son entier si elle est corrompuë, & quelque habile homme que soit l’autre, il se tourmenteroit en vain sur l’intelligence d’vne chose qui conciste plus en vsage qu’en artifice ; si mes actions doiuent prendre loy de celles de mon Maistre, & qu’il ne sçache effectuer ce qu’il veut que ie face, i’aymerois autant qu’on me fit ioüer le personnage d’vne Idole ; c’est vne maxime trop aueree, qu’en cecy la Pratique & la Theorie doiuent estre deux accidens inseparables. […] Il faut partir par vn temps ou deux, en tournant deuant la femme, selon que la Musique obligera, à fin de finir ceste entree par vn pas entre coupé. […] Faire obseruer (principalement aux pas assemblez) vn petit mouuement ou ply, qui se doit faire quasi comme insensiblement sans ouurir les bras, que tres peu apres ledit mouuement. […] Qve si on veut donner à vn Escolier la grauité qui est requise pour salüer vn Seigneur, ou vne Dame, qu’on luy face souuent prattiquer les reuerences qui suiuent. […] Ces mesmes actions doiuent estre obseruees par vn Caualier pour salüer vne Dame, excepté qu’il faut en se releuant apres auoir baisé la main, baiser aussi la Dame, puis desgager le pied gauche & glisser le droict derriere, qu’il faudra rapporter, en le glissant doucement, comme il a esté dict cy dessus, pour salüer vn Caualier.

3. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Apologie de la danse. » pp. 11-24

Homere leur dira en ma faueur que les assemblées & les festins font vn corps qui ne peut estre animé que de la danse. […] De façon qu’en l’ordre des choses se trouuent deux degrez (la Philosophie & la Danse) qui peuuent monter vn homme à sa perfection. […] Que s’il y en a parmi ceux qui sont redeuables au ciel de ce bon heur qui se laissent porter au mespris d’vne chose qui peut empescher le mespris en bonne compagnie, ie les prie de considerer le traict d’vn de nos derniers Roys qui faisoit quelque fois admirer ses perfections dans vn bal auec autant d’auantage sur ses Courtisans, comme il sur passoit en iugement & en langue les mieux sensez & les plus eloquens de son Royaume, luy blasmant vn gentilhomme (au reste fort accompli) de n’auoir pas apris à danser, & luy demandant ce qu’il sçauoit faire, ie sçay bien, Sire, dict-il, donner en guerre vn coup de lance pour le seruice de vostre Majesté : Ie vous conseille donc (repliqua ce braue Prince) de vous armer d’vn froc en temps de paix, comme s’il eust voulu dire que les fureurs de la guerre cessees vn Caualier ne pouuoit s’occuper à vn plus noble exercice que celuy qui luy donne vne grande entree en la cognoissance de sa Cour & de son monde. […] Icy il importe que ie gauchisse encores vn peu mon chemin, pour faire veoir que cest abus est suiui d’vn autre bien plus insupportable : C’est que comme en toutes sortes de sciences il se rencontre des personnes qui pour y estre montees seulement par la fenestre, n’esperent rien moins que les mesmes priuileges de ceux qui en ont recherché l’entree par les voyes legitimes, l’on voit de mesmes en celle cy vn tas de Maistres dont les vns s’imaginent que pour rendre leurs imperfections inuisibles, c’est assez de se mettre à couuert soubs les aisles de ceste belle qualité, qu’ils font le sejour de leur reputation, aussi plaisant que celuy qui couuroit son Asne de la peau du Lyon, croyant luy faire changer de nature. […] I’auouë bien que la danse a quelque chose de particulier qui l’annoblit & l’anime, comme vn certain air, ou vn maintien tantost graue, & tantost negligent qu’vne plume ne peut apprendre, mais qu’outre les pas on ne puisse encores enseigner les actions plus necessaires, qui donnent vn facile acheminement à ceste perfection, qui consiste à voir faire vn bon Maistre, sont des impossibilitez que ie feray voir imaginaires en ce traicté, duquel non seulement plusieurs qui se meslent d’enseigner, mais les Escoliers mesme peuuent tirer vn grand soulagement.

4. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Preface. » pp. 5-10

Ie sçay donc bien que ceste mienne entreprise donnera pour vn temps de l’entretien aux partisans d’Aristarque, & ne suis pas en doubte qu’elle n’apporte quand & soy de l’estonnement à tout ceux qui me cognoissent, quand ils verront vn effect bien different de celuy qu’ils deuroient attendre de ma nourriture & du premier train de ma vie, mais ceux la cognoistront par le peu de crainte que ie tesmoigne auoir de la caiolerie, que i’ay preferé au mespris & à la mesdisance de quelques vns, l’enuie de proffiter à tous, & ie supplie les autres de considerer, que ce n’est pas vn vice de nous seruir d’vn honneste aduantage lors que la fortune ou l’infortune nous y oblige. Il est vray, ce n’est pas mon mestier que la danse, ny certes ma resolution de mourir en l’exerçant, mais en vn temps & en vn pays où ie me trouue engagé de mettre en pratique ce que poussé de mon inclination i’auois autre fois appris pour mon contentement particulier, & par maniere d’exercice, c’est ma gloire de m’en pouuoir aquitter sciemment, & contenter ensemble ceux qui m’imitent, & cest essay me seruira de garand que la vanité ne me donne point ces paroles, car quiconque entrera en quelque experience de son vtilité, il n’y rencontrera que des actions, ou la bien seance se remarquera tousiours, comme en son element plus necessaire. […] Voila franchement mon opinion, laquelle si elle n’est pas suiuie, il ne s’ensuit pas qu’elle ne le deust estre, bien asseuré qu’on ne me peut accuser en cela que de trop d’affection, qui sera peut-estre vn iour secondée de quelque autre moins malheureuse & plus authorisee. C’est à vous Messieurs qui y auez de l’interest, de donner desormais vn meilleur ordre à la duree de vostre reputation que le tacite consentement, qu’il semble que vous donnez aux abus (par vostre souffrance) va portant dans le mesme tombeau ou la negligence de nos deuanciers a mis l’origine des Danses, dont la recherche seroit inutile : car nostre malheur est tel que nous n’en auons quasi rien de certain. […] Quant aux Canaries elles y sont aussi fort en vsage, mais leur origine est incertaine, les vns disent qu’aux Isles de ce nom là ceste danse est ordinaire, mais i’ayme mieux ceste opinion, que comme plusieurs de nos airs de Courante ont este tirez de quelques Balets, les Canaries viennent aussi d’vn Balet où les Danseurs representoient les Roys & Reynes de Mauritanie desguisez en Sauuages couuerts de plumages de diuerses couleurs.

5. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Aduertissement. » pp. 1-3

Quelques mois apres luy disant que i’y auois mis la derniere main, & mesme luy faisant voir vn discours que i’y auois adiousté en faueur de mon subiect, il n’oublia pas vn de ses artifices pour tirer de moy & faire imprimer en son nom ce que ie n’auois pas assez d’asseurance de donner au public ; Mais ses prieres, ses promesses & toutes ses importunitez demeurans nulles, il rechercha d’autres moyens que ie tais, & desquels ceux qui les sçauent ne peuuent parler qu’à sa confusion. En fin la longueur du temps non plus que la raison n’ayant peu matter ceste ambition qu’il auoit de triompher du merite d’vn autre, il fist dernierement transcrire sans aucune alteration, la coppie qu’il tenoit de moy & la feit grossir d’vn certain discours qu’il intitule Loüange de la Danse, & dont l’Autheur a vne entiere obligation à Agrippa en ses Paradoxes de l’incertitude & abus des Sciences. En cest aueuglement il a presenté comme sienne ceste rare piece de rapport, à Monseigneur le Marquis de Buckingham, donnant par là subject à toute la Cour, (qui cognoist la fourbe) de s’entretenir pour vn temps sur ceste gentille inuention de gloire, & à moy qui suis interessé de te marquer icy en suitte des ressentimens que ie doibs à ceste iniure, la honte que merite celuy à qui il a fié son affaire : Car i’aduoüe franchement qu’il a trop de suffisance en sa profession, & n’ay pas son esprit en si mauuaise estime pour m’imaginer qu’il se soit peu luy mesme embarasser dans de si lourdes impertinences, que celles qui se voyent en la confrontation de son liure & du mien, & desquelles son second ne se sçauroit excuser, qui me pardonnera si ie dis, qu’il a esté en cela peu fidelle ou peu iudicieux. Car de s’obliger de traicter de la Methode pour les Dames, & n’en rien dire du tout : Promettre d’enseigner en son lieu deux ou trois sortes de reuerences, & de cela nulles nouuelles, ne parler que des trois premiers bransles fort legerement & renuoyer à vn discours plus ample qui s’en fait auec les autres, à vne inuisible Methode pour les Dames : donner en fin à vne piece imparfaicte, le tiltre de ce qu’il faut obseruer à la Danse pour en acquerir la perfection, sans les autres absurditez que pour n’estre ennuyeux ie laisse à remarquer à ceux qui en voudront prendre la peine, sont des apparences visibles que le Sieur Montagut a esté mal seruy pour son argent, lequel ne deuoit iamais pour son honneur auoir tant de creance à ce qui sortoit des mains de ce Copiste, que d’en mespriser la veuë, pour en effacer au moins ce qui pourroit asseurer le soubçon qu’il sçauoit bien deuoir naistre de ceste sienne charité enuers moy : Mais son genie luy en a joüé d’vne ce coup là, permettant à sa vanité de trahir son iugement.

6. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « A lvy mesme. »

La cour se va mouuent aux regles de ta danse, L’Amour du hault des Cieux tes leue des autelz, Et Venus animee, au son de ta cadence, Te prepare vn palais au rang des immortelz.

7. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « A Monseignevr : Monseignevr le marqvis de Buckingham Grand Escuier, & Grand Admiral d’Angleterre, &c. »

Ce que voulant preuenir il ma semblé necessaire de ne plus differer a mettre en lumiere, non vne piece imparfaite ou nouuellement crayonnée, mais vn tout accompli, & que ie gardois il y a ia long temps en bon equipage de paroistre.

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