apporte un grand nombre de raisons pour montrer avec quel soin il faut éviter les danses. […] Dans le premier des livres à qui il a donné pour titre : Des remèdes contre la bonne et la mauvaise fortune, et qu’il a fait en forme de dialogue, au vingt-quatrième dialogue, qui est sur les danses, il fait parler la joie et la raison. […] Qu’est-ce que Pétrarque fait répondre sur cela à la raison ? […] « J’ai toujours cru les bals dangereux ; ce n’a pas été seulement ma raison qui me l’a fait croire, ç’a encore été mon expérience ; et quoique le témoignage des pères de l’Église soit bien fort, je tiens que sur ce chapitre celui d’un courtisan doit être de plus grand poids. […] Ce ne sont d’ordinaire que de jeunes gens qui composent ces sortes d’assemblées, lesquels ont assez de peine à résister aux tentations dans la solitude ; à plus forte raison dans ces lieux-là, où les beaux objets, les flambeaux, les violons et l’agitation de la danse échaufferoient des anachorètes.
« Qui empêchera que par la même raison l’on ne permette les autres ouvrages, sans doute plus favorables et plus nécessaires ? […] Je rapporterai, pour le prouver, les autorités et les raisons que M. […] Bossuet, (p. 637 et 639.) semble n’avoir proposé toutes ces raisons que pour passer par-dessus, malgré le texte de l’Ecriture dont il les soutient. […] Les saints pères expliquent aussi que c’est pour cette raison, qu’approchant le temps de la passion, et dans le dessein de s’y préparer, on célébroit le jeûne le plus solennel, qui est celui du carême. Pendant ce temps consacré à la pénitence et à la mémoire de la passion de Jésus-Christ toutes les réjouissances sont interdites ; de tout temps on s’est abstenu d’y célébrer des mariages ; et pour peu qu’on soit versé dans la discipline, on en sait toutes les raisons.
Voila la satisfaction où ie me suis insensiblement engagé pour le contentement de ceux que ie disois au commencement de ce discours me vouloir peut-estre soubçonner de quelque extrauagance qui cederont sans doubte à la force de la raison, de l’authorité & de l’experience. […] Ie n’entre pas aussi en debat auec certains personnages mal taillez & difformes qui ne peuuent cacher les deffauts qu’ils ont de la nature qu’en la ruine de la bien seance, non plus qu’auec ceux qui comme des Timons se sont retirez de la societé des hommes, pour viure gras & ingrats, & donner la chasse aux Chimeres : l’enuie pousse ceux-là au mespris de la danse, pour n’auoir pas le corps disposé à receuoir les graces qui ne peuuent estre en leur perfection sans elle, & ie recuse ceux cy pour ce qu’ils sont obligez de controoller (au moins en apparence) ce qui contrarie à leur proffession, ioint qu’vne nouuelle façon de viure leur alterant ordinairement le cerueau & en suitte la raison, leur empesche de voir le desreglement de leurs opinions. […] Voici toutesfois leur difference ; c’est que le premier se peut communiquer à tous ceux qui ont de la raison sans esgard à la forme du corps, & c’est à quoy le dernier vise principalement, en fin chacun est capable de ce dont les Philosophes se ventent, & vn Canibale, mesme le plus grossier & d’esprit & de mains se peut acquerir la cognoissance de tous les arts liberaux & mecaniques, voire y peut exceller s’il y met & la peine & l’enuie, mais la danse a cela de particulier, que quiconque a le corps mal faict est incapable des graces qui l’accompagnent, il faut auoir vne matiere propre pour receuoir vne si digne forme. […] Or s’il y en a quelques vns parmi ceux-cy qui n’ayent pas du tout oublié par l’vsage des pas celuy de la raison, ie les coniure de faire vne petite reflection sur eux mesmes, & de donner quelques heures de leur loisir à la cognoissance non affectee de ce qu’ils sont capables ou incapables, afin que la prattique d’vn estude si profitable, ils anoblissent ce qu’ils peuuent desia, corrigent leurs deffauts, & acquierent en fin les perfections qui rendent à bon droict imitables ceux qui les possedent, lesquelles (s’ils ne les recherchent ailleurs que dans la presomption) on trouueroit aussi tost en eux, qu’en la Sphere le rencontre de deux parallelles. Quand à ceux qui n’ont l’esprit qu’au bout des pieds, ils ne peuuent pas auoir les considerations releuees iusques où ie les voudrois, pour leur faire trouuer quelque goust en ces aduis, ils sont trop ahurtez à la bonne opinion qu’ils ont d’eux mesmes, qu’ils s’y tiennent donc tant qu’il leur plaira, & qu’ils exercent à souhait leur iugement terre à terre, ie ne leur enuieray iamais la gloire qu’ils en rapporteront, il suffit que i’aye rendu ce tesmoignage du ressentiment qu’vne consideration publique me donne de ce qu’ils sont tels, & du contentement que i’aurois pour la mesme raison qu’ils fussent dignes d’vne recommandation veritable.
Quand une opinion est consacrée par le tems, qu’elle soit justifiée par les raisons, on fondée sur des préjuges ; qu’elle soit due à une cause qui dure encore, ou à une cause qui a cessé, n’importe ; elle devient un axiôme ; on y croit sans examen, on la respecte sur la foi publique ; et la proposer comme un doute, paroît une insigne absurdité. Cependant comme dans les arts, il n’y a pas d’obligation de croire sans examen, il faut toujours pouvoir se rendre raison d’une opinion quelconque ; et un sentiment quelque général qu’il soit, n’est pas pour cela dispensé d’être appuyé sur des preuves.
Par exemple, il peut estre devancé par un coupé, ou un tems grave, & même très-souvent par un pas assemblé, ce qui le fait changer de nom en l’appellant pas de Gaillarde ; ainsi le pas de Gaillarde est composé d’un assemblé, un pas marché & d’un pas tombé ; ce qui fait toute sa construction, & même il est repeté plusieurs fois dans la danse qui en porte le nom, ce qui me fait croire que c’est la seule raison qui lui a donné le nom de pas de Gaillarde. Enfin quoiqu’il en soit, ce pas est très gracieux, & ce n’est pas sans raison, que l’on en conserve encore l’usage, & même il est dans plusieurs danses de Ville ; ce pas se fait en avant & de côté, aprochant de la même maniere.
Troisieme Position Cette Position est pour les pas emboëtez & autres pas : on la nomme emboëture, & ce n’est pas sans raison : c’est que cette Position n’est parfaite, que lorsque les jambes sont bien étenduës l’une près de l’autre : ce qui fait que les deux jambes & les pieds étant bien serrez, l’on ne peut voir de jour entre deux : ainsi elles se joignent comme une boëte, aussi j’ai tracé cette Figure avec soin, pour qu’on la comprenne plus facilement, & que l’œil qui est le miroir de l’ame donne plus de force à mon expression, en conduisant plus aisément le Lecteur à cette intelligence claire que je desire lui donner.
Mais n’est-ce pas là plutôt une raison de ne pas s’en rapporter à leur jugement, puisque tout ce qui s’écarte de la voie étroite, et tout ce qui appartient à la voie large, est réprouvé par Jésus-Christ ? […] C’est ce que l’apôtre saint Paul fait craindre aux chrétiens, lorsqu’après avoir averti les Thessaloniciens, que l’antechrist doit venir avec toutes les illusions qui peuvent porter à l’iniquité, il en rend aussitôt cette raison : (2.