Concluons en plutôt que c’est une preuve infaillible de l’excessive crainte de celui qui pouvait mettre mes productions sur la Scène ; il a trouvé que je n’avais pas le sens commun ; & son idée lui a paru devoir être celle du Public. […] Les Drames dont on enrichir la Scène, n’attendent-ils pas leur succès des applaudissemens continuels du Public ? […] Les Journalistes sont encore dans l’erreur, puisqu’ils donnent leurs avis comme des loix, & veulent apprendre au Public ce qu’il doit estimer ou dédaigner. […] Après avoir vu détruire par l’événement mes plus chères espérances, je n’ai pu me résoudre à perdre à jamais les charmantes productions de mon esprit, & je me suis dit qu’il fallait les donner au Public sans y rien changer. […] Quelques personnes trouveront peut-être que c’est soutenir un vrai paradoxe, que de prétendre qu’il n’appartient absolument qu’au Public de décider du mérite des Ouvrages littéraires.
C’était une Oraison funèbre muette, qui retraçait aux yeux du public, toute la vie du citoyen qui n’était plus. […] Les hommes, indignes de ce nom, et nés pour le malheur de l’espèce humaine, pouvaient être retenus, par la crainte d’être un jour exposés sans ménagement à la haine publique, à la vengeance de leurs contemporains, au mépris de la postérité. Ces personnages futiles, dont plusieurs vices, l’ébauche de quelques vertus, l’orgueil extrême, et beaucoup de ridicules composent le caractère, connaissaient d’avance le sort qui les attendait un jour, par la risée publique, à laquelle ils voyaient exposés leurs semblables.
Vous me parlez, dans votre lettre, de fêtes publiques ; vous êtes bien bon, Monsieur, d’honorer de ce nom ce que l’on a fait et ce que l’on a imaginé depuis quelques années. […] Je demanderois dabord si les fêtes publiques doivent être exécutées par le peuple ou pour le peuple. […] Les fêtes qui conviennent à un grand peuple, doivent plus coûter à l’imagination, au goût et au génie, qu’au revenu public. […] Robespierre donnoit des fêtes qui ruinoient le trésor public, faisoient fuir les gens sensés, les gens de goût, trompoient le peuple, le corrompoit, et l’entretenoit dans une effervescence dangereuse. […] D’après des idées jettées au hazard et sans suite, on ne manquera pas de dire que des fêtes de ce genre, seraient très dispendieuses ; je répondrai que ce n’est point à moi à calculer les ressources et à fixer l’emploi de la richesse publique.
Dans l’objection à laquelle je réponds, on prétend que, dans les réjouissances publiques, le bal et les danses, qui y sont ordinaires, et qui font partie de ces réjouissances, sont permis. […] Cette maxime de saint Paul ne doit-elle pas être suivie dans les réjouissances publiques comme dans les particulières ? […] Cette injuste accusation étoit fondée sur ce qu’en ces fêtes publiques ils ne se livroient pas aux mêmes excès et aux mêmes désordres que les païens. […] Ne peut-on donc prendre part à la joie publique qu’en se déshonorant publiquement ? […] « Nous prions pour les empereurs, pour leurs ministres, pour les puissances, pour le bon état des affaires et pour la tranquillité publique. » N’est-ce pas là donner des preuves plus réelles de l’amour qu’on a pour le prince et pour le bien de l’état, que de se livrer dans les réjouissances publiques à toutes sortes de folies et d’excès ?
Le public cria au miracle ; les dames Romaines, à qui le jeune pantomine plaisoit, s’écrioient en l’applaudissant, Hilas est miraculeux, Hilas est divin. […] Auguste ferme dans ses projets, et prompt à les faire exécuter, fit arrêter Hylas le lendemain, et sans abroger la loi qu’il avoit crée en faveur des pantomimes, il s’en écarta pour cet instant, et ordonna qu’il fut fouetté dans tous les lieux publics de Rome. […] Pylade ne représentoit que des sujets héroïques ; il se pénétroit si puissament des grands personnages, qu il avoit à peindre, qu’il en prenoit dans sa vie privée la hauteur, la rudesse et la fierté ; il étoit dur et insolent avec ses camarades, ne faisoit point sa cour aux grands, et insultoit même étant en scène au goût, et aux decisions du public. […] Auguste n’approuva ni l’insulte, ni la harangue de Pylade ; une cabale excitée par Batyle et Ilylas, fortifiée par le mécontentement du public, à la têète de la quelle se trouvoit un grand personnage, se forma contre Pylade ; il fut hué et sifflé : le pantomine outré d’une humiliation qu’il n’avoit pas méritée ce jour là, s’en vengea le lendemain en jouant le héros de cette cabale. […] que ne laisse-tu le public s’amuser do nos querelles ?
En prenant les rênes de l’Empire, il sentit les avantages que pouvait lui procurer le goût des Romains pour les Spectacles publics, et il fonda sur leur magie, la tranquillité de son Règne62. […] Les Spectacles anciens sont pour le Public comme une vieille habitude : il les voit, il les suit, parce qu’il est accoutumé de les voir et de les suivre. […] Il ne s’agit plus, dans les cercles, dans les familles, dans les lieux publics, que du spectacle en vogue. […] Il l’aimait, ou, ce qui revient au même pour le Public, lorsqu’on règne, il feignit de l’aimer. […] Ils trouvaient une injustice, qui allait jusqu’à la tyrannie, dans l’exil d’un homme public, qui était devenu nécessaire aux plaisirs de Rome.
La musique languissante de Lulli, faite pour régler les mouvemens des danseurs, leur imprimoit un caractère de tristesse, plus propre à ennuier le public qu’à l’intéresser. […] Si l’on doit juger de ses talens par les regrets que le public montra lorsqu’elle quitta la scène, on doit augurer favorablement de son mérite. […] Sallé, danseuse remplie de graces et d’expression, faisoit les délices du public. […] Camargo les exécutoit avec une extrême facilité, elle ne dansoit que des airs vifs, et ce n’est pas sur ces mouvemens rapides que l’on peut déployer de la grace : mais l’aisance, la prestesse et la gaieté la remplaçoient ; et dans un spectacle où tout étoit triste, traînant et langoureux, il étoit heureux d’avoir une danseuse aussi animée, et dont l’enjouement pût tirer le public de l’assoupissement où le plongeait la monotonie. […] Camargo, si gaie au théâtre, étoit naturellement triste et sérieuse ; et après avoir entraîné le public à la joie et au plaisir ; après avoir obtenu les plus grands applaudissemens, sa physionomie reprenoit une teinte de tristesse.