Mais ses yeux bruns et sa façon d’être, calme et simple, exerçaient sur moi une sorte de fascination. […] Ses yeux rencontrèrent encore les miens. […] Est-il besoin de dire que, les yeux tout pleins de l’image de l’autre, je ne pouvais supporter les assiduités de l’importun. […] Il ne m’avait toujours pas vue, car il marchait les yeux baissés. […] Immobile, la main gauche comprimant les frémissements de mon cœur, j’attendais, les yeux en fête : il détourna la tête et passa.
Ce fut le Roi qui commença, Et si parfaitement dansa, Qu’il ravissait les yeux, sans cesse, Par ses pas et sa noble adresse ; Dont Thérèse, qui le voyait, Et qui ses louanges oyait, Donnait, par ses yeux, mainte marque Combien elle aimait ce Monarque. […] Si les Danseurs firent des mieux Pour plaire à tout plein de beaux yeux, Les instruments pour les oreilles Ne firent pas moins de merveilles ; Les huit Récits furent fort beaux, Animés par des airs nouveaux, Et par des voix incomparables De divers Chantres admirables Qui firent d’excellents débuts, Tant les barbus, que non barbus.
Cesmouvements, ces gestes devaient former, pour ainsi dire, un discours suivi : c’était une espèce de Déclamation, faite pour les yeux, dont on rendait l’intelligence plus aisée aux Spectateurs par le moyen de la Musique qui variait ses sons, suivant que l’Acteur Pantomime avait dessein d’exprimer l’amour ou la haine, la fureur ou le désespoir. […] Ce nom ne lui venait pas de Saltare qui signifie Sauter, mais d’un certain Salius qui, le premier, avait enseigné cet Art aux Romains ; et tous les auteurs conviennent qu’on l’exécutait par des gestes parlants, par des signes expressifs et par des mouvements de la tête, des yeux, de la main, des bras et des jambes. […] Ils n’ont que des yeux pour nous entendre, les oreilles leur sont inutiles, il faut que nous leur fassions voir toute l’action. […] Des spectateursfroids et tranquilles ont admiré nos pas, nos attitudes, nos mouvements, notre cadence, notre « à plomb », avec la même indifférence qu’on admire des yeux, des bouches, des nez, des mains artistement crayonnés.
Je remarquai dans ses dessins naïfs et enfantins la façon toute particulière qu’il avait de représenter les yeux des gens. […] Je demandai à Kawakami : — Ne trouvez-vous pas qu’il a une drôle de manière de dessiner les yeux ? — Mais c’est que l’œil européen est tout pareil à l’œil du poisson, répondit le père.
C’est ce qui a fait dire à Plutarque que le Balet est une Poésie muette, qui parle ; parce que sans rien dire, il s’exprime par les gestes & par les mouvemens : c’est ce qui s’appelle sçavoir parler aux yeux, & toucher le cœur par des expressions patétiques & muettes. […] Il faut qu’il paroisse de la contrainte dans un amour naissant, de la hardiesse dans ses progrès, & beaucoup de transport dans ses succès : enfin il faut lui donner toutes les couleurs que les Naturalistes ont remarquées ; que tout parle en lui ; que ses yeux, ses gestes, ses pas, sa mine, ses mouvemens fassent connoître ce qu’il est & ce qu’il sent. La colere qui est une passion fougueuse, s’emporte avec impétuosité ; elle n’a rien de réglé ; tous ses mouvemens sont violens ; & pour l’exprimer par la danse, les pas doivent être précipitez, avec des chutes & des cadences inégales ; il faut battre du pied, aller par élancemens, menacer de la tête, des yeux de la main, jetter des regards farouches & furieux. […] Ceux qui sont affligez, baissent la tête, ont les yeux languissans ; ils croisent les bras, ils paroissent ensevelis dans la tristesse. Enfin ce sont ces sortes de mouvemens que les Grecs nomment démonstrations, pareilles aux figures de l’éloquence, qui semblent mettre sous les yeux les choses dont l’Orateur parle.
D’ans l’impossibilité où je suis de placer devant vos yeux ces objets intéressans pour nos plaisirs, vous voudrez bien vous contenter devoir défiler leurs ombres devant vous ; c’est à votre imagination à leur prêter un corps et le mouvement ; si vous lui donnez l’essor, elle vous créera des êtres parfaits, remplis de graces, dansans, sautans et pirouettans à merveille. […] Je commercerai par mettre sons vos yeux, Madame, le danseur le plus étonnant de l’Europe, Vestris le fils, élève de son père, il parut à l’opéra dès l’âge le plus tendre. […] que la danse de l’opéra est maintenant de la même couleur du même style, du même genre ; la manière de faire n’est qu’une : c’est art a chassé la variété pour adopter la monotonie la plus insupportable : il n’offre plus à l’œil ces oppositions, ces contrastes et ce clair-obscur qui constituent le charme des beaux-arts. […] Il tourne sur lui-même si long-tems et si rapidement, qu’il est impossible à l’œil de compter ses mouvemens de rotation. […] Tous ces raisonnemens et les conséquences qu’on en tire ouvriront sans doute les yeux à Vestris, qui ne doit être comparé qu’à, lui-même.
L’une d’elles, sur la proue, regarde en avant, fascinée ; deux autres, pensives, observent le sillage, les yeux baissés, tandis qu’au milieu, une quatrième, Mlle Bourgat, se penche d’un mouvement lent et incurvé avec ampleur sur la rame invisible ; et le balancement de la nacelle fait onduler le corps souple dans sa tunique. […] Mais comparez donc le mouvement du danseur, dit moderne ou prétendu « antique » : genoux projetés verticalement, ruades variées, — s’il ne s’enhardit pas à sautiller, — à celui du danseur classique, à son amplitude, son aplomb, son élasticité prodigieuse, son articulation parfaite… Pour un œil qui sait voir, pour un œil contemporain, épris de « constructivité », de discipline, de beauté intellectuelle, il y a plus de beauté dans un simple développé à la seconde de Mlle Zambelli que dans maint bacchanal pseudo-grec escamoté à Fokine.