De quoi peut-on être capable sans le secours du génie, de l’imagination & du goût ? […] En abrégeant les longueurs, elle prêtera du feu à l’exécution ; le goût se chargera de l’élégance, le génie enfantera la variété, & l’esprit conduira la distribution. […] C’est principalement dans leurs Pantomimes, genre trivial, sans goût, sans intérêt, & d’une intrigue basse, que les chefs-d’œuvres du méchanisme se déploient. […] Il contribuera à l’agrément des formes ; il répandra de la nouveauté & de l’élégance dans les Figures, de la volupté dans les grouppes, des graces dans les positions du corps, de la précision & de la justesse dans les attitudes, & la Danse semera en quelque façon des fleurs sur les chemins que le goût lui tracera. […] Le chant des airs est-il uniforme & sans goût ?
La mélodie, ce chant naif, et touchant qui n’emprunte rien de l’art et qui doit tout au goût et à la nature a surnagé sur les flots tumultueux des siècles ; le tems n’a pu flétrir ses charmes, et elle brille encore parmi nous de l’éclat, et de la fraîcheur intéressante de la jeunesse. Soit quelle paraisse isolée, soit quelle sorte du sein de l’harmonie, et du fracas musical, elle se montre avec la simplicité touchante du sentiment et des graces ; elle charme l’oreille, et en parlant au goût, elle remue et berce pour ainsi dire le coeur. […] La musique cultivée par un instinct, ou un goût inné s’efforça de perfectionner ses heureux essais. […] Ces lignes esquissées par le goût fixent et déterminent les couleurs de l’objet imité et en offrent leurs justes proportions et leur ressemblance. […] Car si l’on étendoit vaguement et au hasard des couleurs sur une planche, et qu’elles ne fussent point arrêtées par les traits qui fixent les contours, ces couleurs, ou ces teintes prodiguées sans intention sans goût et sans harmonie, ne présenteroient qu’un barbouillage informe, et seroient l’image de la palette d’un peintre après quelques heures de travail.
Les Nations intéressées aux différentes parties de son action, les triomphes de ses héros, les fêtes générales introduites avec goût dans ses dénouements, offraient alors les moyens fréquents de varier, d’embellir, de peindre les mouvements de joie populaire, dont chacun des instants peut fournir à la Danse une suite animée des plus grands tableaux. […] Tout ce qui est sans action est indigne du Théâtre ; tout ce qui n’est pas relatif à l’action devient un ornement sans goût, et sans chaleur. […] La règle est constante, parce qu’elle est puisée dans la nature, que l’expérience de tous les siècles la confirme, qu’en s’en écartant, la Danse n’est plus qu’un ornement sans objet, qu’un vain étalage de pas, qu’un froid composé de figures sans esprit, sans goût et sans vie.
De plus, c’est que les contre-tems sautez ne conviennent qu’à de jeunes personnes, ou des personnes de moyenne taille : & pour ceux qui sont d’une taille avantageuse, il les faut faire en tems de Courante & demi-jetté, comme je l’ai déja marqué dans la maniere de donner les mains : parce qu’il ne convient point à de grandes personnes de sauter, & de se tourmenter dans les danses figurées, où ce n’est que des mouvemens doux & gracieux, qui ne dérangent pas le corps de ce bon air qui est si fort estimé & usité par notre Nation : ce qui n’est pas de même de plusieurs contre-danses que l’on a introduit en France depuis quelque temps, & qui ne sont pas du goût de tous ceux qui aiment la belle danse. Il est vrai, qu’il y en a plusieurs qui n’ont aucuns desseins, ni aucuns goûts, puisque c’est toûjours les mêmes figures, sans aucuns pas assurez, toute la plus grande perfection de ces contre-danses, est de se bien tourmenter le corps, de se tirer en tournant, de taper des pieds comme des Sabotiers, & de faire plusieurs attitudes qui ne sont point dans la bien-séance : on me dira que cela divertit une compagnie ; parce que plusieurs personnes dansent à la fois, il n’est pas impossible de faire des danses où plusieurs personnes peuvent danser ensemble, mais avec des pas & des regles gracieuses & moderées à l’imitation des danses Allemandes, que j’ai veu danser en Allemagne ; quoiqu’elles changent de mouvement, il s’y garde une certaine regle qui ne cause point de confusion, surtout parmi les personnes de distinction, ainsi on peut composer des danses qui soient dansées à plusieurs personnes, & qui peuvent avoir different mouvement, comme d’air à deux tems legers & de Menuet, mais je souhaiterois que Messieurs les Maîtres qui composeroient ces danses les missent en Choregraphie, afin que l’on puisse les danser regulierement. On a vû même l’usage des Branles où chacun menne à son tour, ce qui ne cause pas de confusion comme à nombre de ces contre-danses, que j’ai vû danser qui n’ont nul goût ; ce qui diminue le plaisir que l’on a à voir bien danser.
En prenant les rênes de l’Empire, il sentit les avantages que pouvait lui procurer le goût des Romains pour les Spectacles publics, et il fonda sur leur magie, la tranquillité de son Règne62. […] Le goût se ranime, le charme de l’impression excite et soutient l’enthousiasme. […] Le goût qu’Auguste témoigna pour le Spectacle nouveau de Pylade et de Bathylle parut si vif que quelques Auteurs (Suidas) lui en ont attribué l’invention. […] Quelques Auteurs trompés, comme on l’a déjà dit, par le goût qu’il montra pour la Danse Italique, l’en ont cru l’Inventeur.
Rien n’est si difficile à ménager que ce que l’on appelle bonne grace ; c’est au goût à l’employer & c’est un défaut que de courir après elle, & d’en répandre également par-tout. […] Le goût en est le distributeur, c’est lui qui donne aux graces de la valeur & qui les rend aimables : marchent-elles sans lui, elles perdent leur nom, leurs charmes & leur effet ? […] Il n’appartient pas à tout le monde d’avoir du goût ; la nature seule le donne, l’éducation le rafine & le perfectionne ; toutes les regles que l’on établiroit pour en donner, seroient inutiles. […] Concluons que l’action de la Danse est trop restreinte ; que l’agrément & l’esprit ne peuvent se communiquer également à tous les êtres ; que le goût & les graces ne se donnent point. […] Tant que l’on sacrifiera le goût aux difficultés, que l’on ne raisonnera pas, que l’on dansera en mercenaire, & que l’on fera un métier vil d’un Art agréable ; la Danse loin de faire des progrès, dégénérera, & rentrera dans l’obscurité où elle étoit il n’y a pas plus d’un siecle.
Elle est posée dans le même goût des autres, à l’exception des pieds dont le gauche est devant, & le droit derriere. […] Ainsi il ne s’agit que de s’appliquer à les bien faire, à bien marcher : & lorsque vous êtes parvenu à bien faire une reverence avec grace, insensiblement on prend du goût pour la danse.