Le corps étant posé suivant les regles ci-devant prescrites, si vous voulez saluer quelqu’un, il faut lever le bras droit à la hauteur de l’épaule, comme le represente cette premiere Figure 1. ayant la main ouverte 2. puis plier le coude pour prendre votre chapeau, ce qui fait un demi cercle, suivant ces mots, ply du coude, qui prend son point du coude même. […] Deuxieme attitude de l’exercisse du Chapeau [Légende intérieure] Chemin que fait le bra Le coude étant plié comme vous le voyez par la deuxiéme Figure, & la main ouverte comme vous l’avez vu par la premiere ; il faut que vous l’approchiez de la tête, qui ne doit faire aucun mouvement, puis porter le pouce contre le front, les quatre doigts posez sur le retroussi du chapeau, & en serrant le pouce & les doigts, le pouce par son mouvement leve le chapeau, & les quatre doigts le maintiennent dans la main ; mais le bras se haussant un peu plus, leve tout-à-fait le chapeau de dessus la tête, en s’étendant & le laissant tomber à côté de soi, ce qui fait l’effet que representent ces mots : chemin que le bras fait. […] La maniere de tenire son Chapeau a coté de soi Cette troisiéme Figure represente la maniere de tenir le chapeau à côté de soi la forme en dessous. Toutes ces differentes attitudes representées par ces trois Figures ne sont que pour marquer tous les differens tems & toutes les mesures que l’on doit observer dans cette action, on ne doit pas entendre par ces differentes attitudes que l’on doive s’arrêter à chaque tems, ce qui seroit ridicule.
Elevation des bras pour Dancer Comme l’ornement du corps en dansant, ainsi que je viens de le dire, dépend de bien faire les bras, on ne peut donc prendre trop de précaution de les sçavoir bien poser d’abord, afin qu’ils puissent se mouvoir dans toute la liberté necessaire ; c’est pourquoi je suppose dans l’élevation que je represente par cette Figure, qu’une personne soit bien proportionnée : ainsi il m’a paru suivant les regles, qu’il faut les élever à la hauteur du creux de l’estomac, comme je le démontre par cette Figure : elle est representée de face pour que l’on puisse distinguer toutes les parties dans leur juste égalité, elle a la tête droite, le corps posé sur les deux jambes, les pieds à la deuxiéme position ; ce qui est relatif avec les bras, en ce que les jambes étant ouvertes, & les deux pieds sur une même ligne, les bras doivent estre ouverts & élevez également ; car s’ils étoient plus hauts, ils tiendroient du crucifix, outre qu’ils seroient plus portez à la roideur, & n’auroient pas la même douceur ; néanmoins comme nulle regle n’est pas sans exception, & que l’on est obligé d’aider ou de cacher les défauts de la nature, c’est dans cette occasion que les Maîtres doivent gouverner leurs Ecoliers : par exemple, si une personne a la taille courte il faut de necessité lui faire lever les bras un peu plus haut, afin de lui dégager la taille, ce qui par consequent lui donne plus d’agrément ; de même que si la taille est longue, il faut ne les faire lever qu’à la hauteur des hanches, ce qui diminue en quelque façon cette disproportion, & donne tout l’agrément que l’on n’auroit pas sans ces sortes d’attentions ; Je lui ai aussi répresenté les mains ni ouvertes ni fermées, pour que les mouvemens du poignet & du coude se fassent avec toute la douceur & la liberté qu’il faut observer dans leurs mouvemens : au lieu que si le pouce se joignoit à un des doigts, cela causeroit un retardement dans les autres jointures qui leur ôteroit cette facilité. Je ne me suis pas entêté sur l’attitude que j’ai donné à mes Figures dans l’élevation de leurs bras ; j’ai voulu consulter ce qu’il y a de plus habile, non-seulement dans la danse ; mais même dans le dessein, & qui ont trouvé que je les avois dessinées selon les regles, pour pouvoir accompagner le corps, & se mouvoir avec facilité dans les differens pas où il faut observer le contraste, ce qui fait l’ornement de la danse.
Quant à ceux de côté ils se font differemment, tant à l’égard des jambes que des bras, & comme je vous en ay fait sentir tous les differens tems dans la premiere Partie, tant par le discours que les Figures, c’est ce qui m’engage de mettre les trois figures de suite, pour mieux faire sentir tous les differens tems & mouvemens que les bras doivent executer dans le cours de ce pas. […] Premiere attitude pour le contretems en allant du coté gauche [Légende intérieure] [de part et d’autre] chemin du bras Sçavoir, lorsque vous avez les pieds à la deuxiéme position, & le corps posé sur les deux jambes : ainsi qu’il est representé par cette premiere Figure dont les deux bras sont étendus & où sont ces mots à chacun, chemin du bras, ce qui est pour faire remarquer de quelle situation les bras se doivent plier. […] Deuxieme attitude pour le Contretems de coté [Légende intérieure] [de part et d’autre] contour du bras de haut en bas Lorsque l’on prend le mouvement du contre-tems, comme cette seconde Figure vous le represente : elle a le corps droit sur les deux jambes, la tête droite, les genoux pliez, & la ceinture ferme, mais en vous relevant en sautant, vous retombez sur le pied gauche, & vos bras s’étendent par le contour qui est exprimé par ces mots, contour du bras de haut en bas, ce qui est à l’un & à l’autre : afin de faire comprendre que les deux bras font le même mouvement à la fois. […] Troisieme attitude apres avoir sauté Cette troisiéme Figure, est pour vous faire voir, comme les bras doivent être étendus après le saut, & pour faire ressentir comme j’ai dit à la premiere Partie, que la jambe droite s’étend à côté, lorsque vous sautez sur la gauche, puis vous la croisez de suite devant la gauche à la cinquiéme position, & vous portez le pied gauche à la deuxiéme position, mais pendant ces deux pas les bras restent étendus sans faire aucun contraste.
Les Anciens ont aussi distingué trois sortes de mouvemens dans les Balets, qui sont les ports du corps, les figures, & les expressions. […] Et les figures sont les diverses dispositions des danseurs, qui dansent de front, dos contre dos, en rond, en quarré, en croix, en sautoir, en croissant, sur une ligne, en évolution, en se poursuivant, en fuyant, ou en s’entre-lassant les uns dans les autres ; ensorte que le compositeur du Balet peur former autant de danses qu’il y a de figures dans la Géométrie. […] Enfin ce sont ces sortes de mouvemens que les Grecs nomment démonstrations, pareilles aux figures de l’éloquence, qui semblent mettre sous les yeux les choses dont l’Orateur parle. Il y en a, dit Plutarque, qui ne dansent que pour danser, & dont toute l’adresse ne consiste qu’à faire une belle cadence & de grands portemens de corps ; ce qu’il appelle danser plus proprement que sçavamment : car comme une chanson, ajoute-t-il, a des tons & des tems pour l’air, le Balet a aussi des mouvemens, des figures, ou des démonstrations, pour le distinguer de la simple danse. […] A l’égard des figures arbitraires de la danse, ce sont les diverses situations que prennent les danseurs dans les Entrées, selon le nombre des personnes qui dansent ; ce qui dépend de l’imagination ou du caprice du compositeur.
Premiere attitude de la Reverence en avant veue de Face Je commencerai par celle en avant : le corps droit, glissez le pied devant vous, soit le droit ou le gauche, (mais je dis le pied droit pour m’assujettir à mes Figures démonstratives qui en parlent,) pour le passer à la proportion ordinaire qui est la quatriéme Position, telle qu’elle est representée par ces deux Figures qui expriment dans leurs attitudes la droiture du corps, desquelles le pied est passé devant, afin de vous faire remarquer que le corps ne se doit incliner ou plier qu’après que vous aurez commencé de passer le pied, parce que le corps suit la jambe, & qu’elle se doit faire de suite, ce qui se voit par les deux autres Figures qui sont pliées. […] Effacer signifie que vous vous tournez à demi du côté qu’elles sont, mais en glissant devant soi le pied qui se trouve de leur côté, soit à droit, soit à gauche : en se pliant de la ceinture & s’inclinant la tête du même tems, ainsi que j’ai tâché de l’exprimer dans cette Figure.
Troisieme Position Cette Position est pour les pas emboëtez & autres pas : on la nomme emboëture, & ce n’est pas sans raison : c’est que cette Position n’est parfaite, que lorsque les jambes sont bien étenduës l’une près de l’autre : ce qui fait que les deux jambes & les pieds étant bien serrez, l’on ne peut voir de jour entre deux : ainsi elles se joignent comme une boëte, aussi j’ai tracé cette Figure avec soin, pour qu’on la comprenne plus facilement, & que l’œil qui est le miroir de l’ame donne plus de force à mon expression, en conduisant plus aisément le Lecteur à cette intelligence claire que je desire lui donner. Elle est posée sur les deux pieds dans son à plomb, le pied gauche devant, mais croisé devant le talon au droit du cou de pied, tel qu’il est démontré par cette Figure.
Une teinture de géométrie ne peut être encore que très avantageuse : elle répandra de la netteté dans les figures, de l’ordre dans les combinaisons, de la précision dans les formes, en abrégeant les longueurs elle prêtera de la justesse à l’exécution. […] Son art a le même objet à remplir que le leur, soit pour la ressemblance, le mélange des couleurs, le clair-obscur ; soit pour la manière de grouper et de draper les figures, et les poser dans des attitudes élégantes, de leur donner enfin du caractère, du feu de l’expression : or, le maître de ballets pourra-t-il réussir s’il ne réunit les parties, et les qualités qui constituent le grand peintre ? […] Le peintre n’étudie point aussi l’Anatomie pour peindre des squelettes ; il ne dessine point d’après l’écorché de Michel-Ange, pour placer ces figures hideuses dans ses tableaux ; cependant ces études lui sont absolument utiles pour rendre l’homme dans ses proportions, et pour le dessiner dans ses mouvemens et dans ses attitudes. […] Il est essentiel de discerner la place que chaque partie doit occuper : l’homme enfin doit se trouver sous la draperie, l’écorché sous la peau, et le squelette sous les chairs, pour que la figure soit dessinée dans la vérité de la nature, et dans les proportions raisonnées de l’art. […] Il contribuera à l’agrément des formes ; il répandra de la nouveauté et de l’élégance dans les figures, de la volupté dans les groupes, des graces dans les positions du corps, de la précision et de la justesse dans les attitudes.