En écrivant contre les danses et les différentes espèces de mauvaises chansons dont je parle dans le petit ouvrage que je donne au public, je me suis attendu à avoir beaucoup de contradicteurs. […] Dès que nous ne la suivons plus, il est évident que, du moins dans le point précis par rapport auquel on s’en écarte, on est hors des voies de Dieu qui sont toutes vérité ; et se peut-il que ce qui est hors des voies de Dieu ne soit pas mauvais, rien ne pouvant être bon dans les créatures que par une participation de sa bonté, qui est la source inépuisable d’où sortent, comme autant de ruisseaux, les différentes perfections et les différens caractères de bonté qui se trouvent dans chaque être particulier ? […] « pourquoi ils craignent en différentes occasions de la connoître, en sorte que lorsqu’on la leur dit, on s’attire leur haine, comme J. […] « Voilà, dit saint Augustin, expliquant ces paroles, voilà deux mots différens que le prophète emploie en priant Dieu de lui envoyer sa lumière et sa vérité ; mais ces deux mots ne signifient qu’une même chose : (Ps. 42, n.° 4.) […] « Vous êtes partout, lui dit-il, Vérité éternelle ; et du trône où vous présidez à toutes choses, vous répondez à tous ceux qui vous consultent, et vous leur répondez tout à la fois, quelque différentes que leurs consultations puissent être.
Le danseur et le mime doivent consulter leur physique et leurs habitudes corporelles pour se couvrir du costume des différents personnages qu’ils veulent représenter. […] Dans l’art du chant la chose est différente ; une belle voix, de la facilité naturelle dans le gosier, et quelques années d’un travail peu fatigant, suffiront pour faire parvenir l’élève au but qu’il s’est proposé. […] « Il en est de la danse comme de la musique, et des danseurs comme des musiciens ; notre art n’est pas plus riche en pas fondamentaux que la musique l’est en notes ; mais nous avons des octaves, des rondes, des blanches, des noires, des croches, des temps à compter, et une mesure à suivre ; ce mélange d’un petit nombre de pas et d’une petite quantité de notes, offre une multitude d’enchaînements et de traits variés ; le goût et le génie trouvent toujours une source de nouveautés en arrangeant et en retournant cette petite portion de notes et de pas de mille sens et de mille manières différentes ; ce sont donc ces pas lents et soutenus, ces pas vifs, précipités, et ces temps plus ou moins ouverts, qui forment cette diversité continuelle (c). » [NdE J. […] (b) Pas se dit des différentes manières de former et de conduire ses pas, en marchant et en sautant, soit en face ou en tournant.
Cela posé, je dirai qu’il me semble que des Gesticulateurs habiles pourraient représenter à la muette les excellentes Pièces, sans faire rien perdre de leurs beautés, parce que, tandis qu’ils les rendraient à l’aîde de différens signes, ceux des Spectateurs, qui voudraient en prendre la peine, liraient le Poème, pour juger si les gestes correspondent à l’action ; ainsi que cela se pratique à l’Opéra, où l’on n’entend pas facilement les paroles. […] Vous ignorez donc mille traits curieux, répandus dans différens Auteurs, & qui prouvent le pouvoir, l’énergie, la sublimité des gestes ? […] Le Lecteur voit par ces différents traits combien les gestes sont expressifs, lorsqu’ils sont l’ouvrage réfléchi d’une personne intelligente, puisque, même quand ils ne signifient rien, ils présentent à l’esprit des idées complettes.
Je préviendrai la critique juste et éclairée des artistes, en leur annonçant que j’ai supprimé les ailes que les poëtes et les peintres donnent quelquefois à Psyché, et toujours à l’Amour ; je dirai que chaque art a sa magie et ses règles de convenance ; que les ailes de Psyché se seroient opposées aux différens effets de mes grouppes ; cette raison m’a encore déterminé à supprimer les attributs que l’on prête à l’Amour. […] L’Amour, caché derrière les Nymphes, jouit de la surprise, de la beauté et des graces de l’objet qui l’enchante ; mais quel est l’étonnement de Psyché, lorsqu’elle jette les yeux sur le miroir, le premier, sans doute, qu’elle ait vu ; elle se mire, elle se considère, elle recule, elle avance ; et sa physionomie, ses mouvemens et ses gestes étant répercutés par le miroir, elle ne peut concevoir qui peut produire cet enchantement ; elle réfléchit, et retourne au miroir ; elle y déployé ses graces ; elle prend des positions différentes : la glace les lui répète. […] Vénus est placée sur son trône ; Adonis amant chéri de cette Déesse, est à ses pieds ; les Graces l’entourent et la couronnent : des Amours et des Zéphirs sont grouppés de différentes manières.
Ce sens, si l’on en croit Platon, produit l’harmonie de tous les mouvements de l’âme et du corps que la Danse sert à entretenir. « Lorsque (dit il poétiquement), la raison répète à la mémoire les concerts que cette harmonie a formés, toutes les puissances de l’âme se réveillent ; et il se forme une Danse juste et mesurée entre tous ces divers mouvements. » On dirait que ce philosophe ne nous considère que comme des espèces de clavecins bien accordés, sur lesquels des mains exercées touchent les airs différents, qu’un caprice heureux leur suggère.
Il n’y a pas dix ans que la Danse a osé produire quelques figures différentes de celles que Lully avait approuvées, et j’ai vu fronder comme des nouveautés pernicieuses, les premières actions qu’on a voulu y introduire.
Cette époque étoit bien différente de celle qui fut marquée par la main ensanglantée de Robespierre. […] On ne peut donc eviter tous ces dangers qu’en divisant cette masse énorme, et en donnant au peuple autant de fêtes particulières, qu’il y a de faubourgs et de sections différentes.