On est aujourdhui si fort prévenu contre la Danse, à cause des désordres qu’elle a faits dans la succession des tems, & par la corruption des mœurs, que personne ne s’est encore avisé d’en donner l’Histoire, de peur de paroître les autoriser : on ne fait même aucune distinction de la Danse Sacrée d’avec la Danse prophane. […] L’usage en a passé dans la Loi de grace ; l’on a dansé dans les Fêtes des Agapes & dans l’Eglise Grecque & Latine, jusqu’au XIII siécle qu’il fut aboli à cause des abus qui s’y glisserent.
En examinant les vues de Quinault, le plan de son Spectacle, les belles combinaisons qui y sont répandues, la connaissance profonde des différents Arts qu’il y a rassemblés, qu’elles supposent dans ce beau génie ; je me suis demandé mille fois, pourquoi au Théâtre, la plus grande partie de ce qu’il m’est démontré que Quinault a voulu faire, semble s’évaporer, se perdre, s’anéantir, et j’ai cru en voir évidemment la cause dans l’exécution primitive. […] Cette erreur est la cause primitive de tous les malheurs du Théâtre Lyrique.
Loret, lettre du 6 août 1661 […] Le Ballet de Fontainebleau Comme il est admirable et beau, Et tout brillant de divers lustres, À cause des Danseurs illustres, Et des Objets de rare prix Que dans iceluy sont compris, À ce qu’on dit, se danse encore : Mais mon esprit se remémore, Qu’étant à Paris de retour, Lors que je parlai, l’autre-jour, De ce Ballet que tant on prise, J’oubliai Monseigneur de Guise, Dont je suis très-humble valet, Et l’un des Grands dudit Ballet.
Quand une opinion est consacrée par le tems, qu’elle soit justifiée par les raisons, on fondée sur des préjuges ; qu’elle soit due à une cause qui dure encore, ou à une cause qui a cessé, n’importe ; elle devient un axiôme ; on y croit sans examen, on la respecte sur la foi publique ; et la proposer comme un doute, paroît une insigne absurdité.
Il est vrai, qu’il y en a plusieurs qui n’ont aucuns desseins, ni aucuns goûts, puisque c’est toûjours les mêmes figures, sans aucuns pas assurez, toute la plus grande perfection de ces contre-danses, est de se bien tourmenter le corps, de se tirer en tournant, de taper des pieds comme des Sabotiers, & de faire plusieurs attitudes qui ne sont point dans la bien-séance : on me dira que cela divertit une compagnie ; parce que plusieurs personnes dansent à la fois, il n’est pas impossible de faire des danses où plusieurs personnes peuvent danser ensemble, mais avec des pas & des regles gracieuses & moderées à l’imitation des danses Allemandes, que j’ai veu danser en Allemagne ; quoiqu’elles changent de mouvement, il s’y garde une certaine regle qui ne cause point de confusion, surtout parmi les personnes de distinction, ainsi on peut composer des danses qui soient dansées à plusieurs personnes, & qui peuvent avoir different mouvement, comme d’air à deux tems legers & de Menuet, mais je souhaiterois que Messieurs les Maîtres qui composeroient ces danses les missent en Choregraphie, afin que l’on puisse les danser regulierement. On a vû même l’usage des Branles où chacun menne à son tour, ce qui ne cause pas de confusion comme à nombre de ces contre-danses, que j’ai vû danser qui n’ont nul goût ; ce qui diminue le plaisir que l’on a à voir bien danser.
Comme elle allait en masque un de ces derniers jours, Des gens que vous voyez toujours À son sujet prirent querelle ; La cause fut qu’en parlant d’elle, L’un d’eux accordait bien qu’elle avait l’air charmant, Qu’elle était belle assurément, Mais, ajoutait-il, pas tant belle.
Mais nous n’apportons pas d’attention à cette corrélation des mouvements et de leurs causes. […] Tout ceci nous prouve le résultat naturel des causes qui ont d’abord poussé les hommes à danser. Maintenant ces causes sont oubliées et on ne pense plus qu’il faille une raison pour danser. […] C’est ainsi que la matière subit la force de la cause immatérielle.