/ 304
44. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 19 mars. Le cas des Sakharoff. »

Ces derniers sentirent cependant le danger dont les menaçait cette formule qui leur conférait le titre de musiciens et ils cherchent à s’en échapper en affirmant la priorité, dans leur art, de l’invention et de la réalisation plastiques, en s’attribuant de plus un entraînement gymnastique qui me semble, d’ailleurs, purement imaginaire. […] Leur art ressort à une culture intellectuelle et artistique peu commune, diverse, complexe. […] Ces danses n’ont pas l’allure franche du grand art ; c’est là de l’art appliqué, du fignolage et du plaquage. […] Ils ne nous apportent aucune conception d’art mais un choix varié de succédanés.

45. (1921) Danse et musique « Danse et musique, par André Suarès — III » p. 135

III La danse est la promesse d’un art, et n’est pas de l’art véritable. […] Film et ballet sont les deux conquêtes de l’art par la plèbe.

46. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Avant-propos »

Je n’avais qu’à m’attacher un peu moins à l’histoire de l’Art et beaucoup plus à celle des Artistes ; mais je n’ai point cherché à rendre cet Ouvrage plaisant. […] Les Historiens, les Philosophes, les Poètes, les Orateurs, toute l’antiquité désignent cet art ou cet exercice avec les mêmes expressions. […] Mon objet est une espèce de poétique de cet Art. […] En écrivant de la Danse, je suppose de même les pas et les figures, qui ne sont que les lettres et les mots de cet Art. […] La Chorégraphie est l’art de noter la Danse, comme on note la Musique.

47. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre IV. » pp. 27-36

Sans doute des productions des hommes de génie devoient assurer aux beaux arts une existence immortelle. […] Les arts sensibles, et reconnoissants effacèrent le souvenir de tous ses crimes ; le vainqueur d’Actium, le tyran de Rome et le fléau des Romains dût la gloire de son règne à l’acceuil, et à la protection qu’il accorda aux arts, et par un heureux échange les hommes de génie firent oublier ses cruautés : sans eux la mémoire d’Auguste eût été confondüe avec celle des Tarquin, des Catilina et des Sylla ; mais telle est la puissance des arts, tel est l’empire du Génie, qu’ils consacrèrent le nom d’Auguste dans les fastes de l’immortalité, qu’ils le rendirent cher à sa patrie, qu’il avoit désolée, et qu’enfin son nom est devenu le titre le plus illustre, que l’on puisse donner aux Princes, éclairés, et bienfaisants. […] La mort d’Auguste, et celle de Mécènes présagèrent la chûte des beaux arts ; les Batyle, et les Pylade disparurent. […] Ainsi le règne des beaux arts ne dura pas longtems, leur trône fut ébranlé par l’humeur inquiète et farouche de Tibère, et leur empire fut détruit par la cruauté, la barbarie, et les débauches de ses successeurs. […] Le génie des arts est indestructible ; cette émanation devine, qui donne à l’homme une si grande prééminence sur les êtres de son espèce est immortelle, et j’oserai dire que ce feu sacré est à l’esprit ce que l’âme est au corps.

48. (1761) Le Festin de Pierre. Ballet Pantomime « [Première partie] »

Les merveilles de leur Art sont immortalisées par les Historiens, les Orateurs et les Poètes. Lucien nous a même laissé un Traité de cet Art célèbre, qu’on peut regarder comme une espèce de Poétique des Danses Pantomimes, quoiqu’il soit imparfait. […] J’ajouterai simplement que cet Art est perdu. […] Si le Public ne veut pas se priver des plus grandes beautés de notre Art, il doit s’accoutumer à s’attendrir et à pleurer à nos Ballet. […] L’Art n’est pas responsable des fautes de l’Artiste.

49. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre troisième — Chapitre II. De la Danse théâtrale des Grecs »

On pouvait fixer par là les objets que devaient embrasser les Arts, le goût des Spectateurs, et le but des Artistes. […] Il n’est guère de Particulier qui ne s’érige en juge des arts, et qui ne se croie très digne de l’être. […] On n’est jamais que dans un enthousiasme extravagant, ou dans une froideur glaçante sur les Arts agréables, et sur les gens qui les exercent. […] Portée au Théâtre, elle y reçut plusieurs accroissements glorieux à l’Art, sans perdre aucun de ses premiers avantages. […] Ils eurent encore, entre plusieurs femmes extraordinaires qui firent honneur à l’Art, cette célèbre Empuse, dont l’agilité était si grande, qu’elle paraissait et disparaissait comme un fantôme.

50. (1921) Danse et musique « Danse et musique, par André Suarès — XI » p. 141

Les gens de bon sens diront qu’il est bien digne de la métaphysique et de la religion qu’elles se résolvent en art, en musique et en poème : toutes ces fumées sont bien faites pour répondre les unes des autres. […] L’amour, tel que l’homme l’a conçu, le cœur, la charité, la musique, l’art enfin ne sont point de la raison ni du bon sens. […] Infini ou absolu, Amour enfin, Dieu sensible au cœur, voilà ce que l’art des sons propose à l’homme.

51. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE XIII. » pp. 362-395

Ce genre d’écriture particulier à notre Art, & que les anciens ont peut-être ignoré pouvoit être nécessaire dans les premiers moments où la Danse a été asservie à des principes. […] Cet Art au reste est très-imparfait ; il n’indique exactement que l’action des pieds, & s’il nous désigne les mouvements des bras, il n’ordonne ni les positions ni les contours qu’ils doivent avoir : il ne nous montre encore ni les attitudes du corps, ni ses effacements, ni les oppositions de la tête, ni les situations différentes, nobles & aisées, nécessaires dans cette partie, & je le regarde comme un Art inutile puisqu’il ne peut rien pour la perfection du nôtre. […] Ils me répondront, s’ils sont sinceres, que cet Art n’a pu les élever au-dessus de ce qu’ils étoient, mais qu’ils ont en revanche tout ce qui a été fait de beau en matiere de Danse depuis cinquante ans. […] De cette marque de distinction & de cet arrangement naîtroit à coup sûr l’émulation (aliment précieux des Arts) & la Danse encouragée par cette récompense quelque chimérique qu’elle puisse être, se placeroit d’un vol rapide à côté des autres. […] Il eût été à souhaiter, Monsieur, que les Académiciens & le Corps même de l’Académie eussent fourni à l’Encyclopédie tous les articles qui concernent l’Art.

52. (1724) Histoire générale de la danse sacrée et profane [graphies originales] « Paralele. DE. LA PEINTURE. ET DE. LA POESIE. » pp. 213-269

Je n’ai jamais douté que ces deux Arts ne soient d’une égale considération, ni que l’un & l’autre ne méritassent les mêmes honneurs : j’en parle dans ce sens-là ; & je ne fais que suivre le sentiment des Auteurs les plus célébres qui ont traité cette matiere, & par rapport à la convenance que ces deux Arts ont avec la Musique. […] Ces deux Arts se sont maintenus de tous les tems dans un même dégré de perfection. […] Il s’est même trouvé d’excellens Peintres & de très-habiles Sculpteurs, qui pénétrez du mérite de leur art, consacrerent aux Dieux leurs ouvrages, croyant que les hommes en étoient indignes. […] Après avoir exposé le paralele de ces deux arts, il me reste encore à détruire quelques objections que l’on m’a faites. […] A quoi je répons que le secours naturel des Arts justifie qu’ils ne peuvent se passer l’un de l’autre : la Peinture n’emprunte pas plus de la Poésie, que la Poésie emprunte de la Peinture.

53. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre xvii.  » pp. 102-108

Pour bien juger des arts, et apprécier les talens de ceux qui les embellissent, il faut les avoir vus, et les avoir étudiés. […] La pantomime, qui en augmenteroit le charme et l’intérêt, ne s’y montrera que foiblement, tant que l’on n’associera pas à l’école de cet art, une école de gestes et d’expression. […] que la danse de l’opéra est maintenant de la même couleur du même style, du même genre ; la manière de faire n’est qu’une : c’est art a chassé la variété pour adopter la monotonie la plus insupportable : il n’offre plus à l’œil ces oppositions, ces contrastes et ce clair-obscur qui constituent le charme des beaux-arts. […] Ses grands talens, son expérience, la richesse de ses moyens, donnent lieu de penser qu’il s’occupe dans ce moment de se créer un genre, basé sur les principes communs à tous les arts imitateurs ; principes qu’il ne doit point avoir oubliés, et que lui seul est en état de faire revivre. Qu’il se hâte donc de présenter dans sa personne, le modèle parfait de son art ; qu’il l’embellisse, qu’il le fasse briller par de belles proportions, par l’harmonie de ses mouvemens et par le fini précieux d’une exécution simple mais savante ; qu’il ramène les grâces que les difficultés et les tourbillons incommodes ont fait disparoître ; tel est le vœu des amateurs ; tel est celui de l’amitié, et de tous ceux qui s’intéressent à la réputation de ce danseur et à la perfection d’un art dont il a été le plus bel ornement.

54. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre quatrième — Chapitre VII. Influence constante du bon ou du mauvais Gouvernement sur les Arts. »

Influence constante du bon ou du mauvais Gouvernement sur les Arts. […] Dans un siècle où on aurait pensé, la prévoyance du Gouvernement aurait su prévenir la disette, rendre les leçons des Philosophes profitables, et faire servir les Représentations même du Théâtre à la correction et à l’amusement des Citoyens ; mais la corruption des mœurs, l’avilissement des arts, et l’affaiblissement de l’esprit sont trois fléaux de l’humanité qui ne vont jamais les uns sans les autres. […] Le miracle n’arriva pas, et les arts furent anéantis avec l’Empire. […] Il la sut le dernier ; mais il la sut, la souffrit avec fermeté, ne fit tuer personne, tourna ses vues du côté de l’art, réforma, autant qu’il était en son pouvoir, les abus qui avaient infecté le Théâtre, restreignit à certains jours de la semaine, les représentations dont la continuité était préjudiciable au commerce, prescrivit des bornes à la licence, et décerna des prix aux talents.

55. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre quatrième — Chapitre V. Honneurs et Privilèges accordés à la Danse »

En les mettant sous sa Juridiction immédiate, en interdisant aux Préteurs celle qu’ils avaient naturellement sur eux, ainsi que sur le reste du Peuple, il les mit au-dessus des Citoyens ordinaires, et se conserva d’ailleurs par là des moyens faciles de porter l’art à la plus grande perfection et de le faire servir à ses vues. […] L’Artiste qu’on punit ou qu’on récompense à propos, va toujours dans son art plus loin que tous les autres. […] J’aime à voir Auguste et Marc-Aurèle, qui sont de tous les empereurs romains les deux à qui il serait le plus glorieux de ressembler, honorer l’art dans la personne des grands Artistes ; mais j’éprouve un sentiment plus vif encore, lorsqu’en parcourant les Annales de Rome, je vois le Peuple, les Sénateurs, la Noblesse courir avec empressement au-devant de Pylade, l’entourer, le suivre dans les rues, et reconnaître par cet empressement honorable, la supériorité que le génie et les talents doivent avoir dans l’opinion des hommes, sur la naissance, la fortune, et les dignités. […] L’Histoire qui nous peint tous les grands Rois occupés sans cesse à cultiver, à honorer les arts, nous montre aussi tous les Princes médiocres74 tremblant toujours qu’on ne fasse trop en saveur des meilleurs Artistes. […] Sous l’empire des premiers, le défaut d’émulation, le mauvais goût, la prudence même concourent à la chute des Arts.

56. (1765) Dissertation sur les Ballets Pantomimes des Anciens, pour servir de programme au Ballet Pantomime Tragique de Sémiramis « [Première partie] »

6L’éducation de ceux qu’on destine aujourd’hui à exercer cet Art, ne leur permet pas certainement d’apprendre tout ce que je viens de rapporter. […] C’est-là un préjugé bien favorable pour notre Art, et si surtout on fait réflexion à la magnificence avec laquelle les Grecs en général, et principalement les Athéniens faisaient jouer les Pièces Dramatiques de leurs grands Poètes. […] Quand on a la faculté de parler, il est aisé de se faire entendre ; et ces mêmes épisodes amenés avec art, ne refroidissent pas l’action principale ; ils la rendent même quelquefois plus intéressante. […] Enfin il faut acquérir l’expression, ou l’art de parler en dansant. […] Mais d’ailleurs par quel art pourrions-nous expliquer aux Spectateurs, je ne dis pas l’intérêt que chacun des personnages ajoutés prend dans l’action, mais simplement leurs noms ?

57. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre XIII. » pp. 181-196

Ce genre d’écriture particulier à notre art, et que les anciens ont peut-être ignoré, pouvoit être nécessaire dans les premiers momens où la danse a été asservie à des principes. […] L’amour de mon art, et non l’amour de moi-même, est le seul qui m’anime ; et je me persuade que sans blesser quelqu’un, il m’est permis de souhaiter à la danse les prérogatives dont jouit la comédie. […] De cette marque de distinction et de cet arrangement naitroit à coup sur l’émulation (aliment précieux des arts) ; et la danse encouragée par cette récompense, quelque chimérique qu’elle puisse être, se placeroit d’un vol rapide à coté des autres. […] Il eût été à souhaiter, Monsieur, que les académiciens et le corps même de l’académie eûssent fourni à l’Encyclopédie tous les articles qui concernent l’art de la danse. […] Ils auroient éclairé le public et les danseurs ; et en illustrant l’art, ils se seroient illustrés eux-mêmes.

58. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre premier — Chapitre IV. Origine de la Danse, définition qui en a été faite par les Philosophes. »

L’un et l’autre ne sont en effet, que les instruments de ces deux Arts auxquels ils ont donné lieu, et dont la Nature elle-même est le principe. […] Les différentes affections de l’âme sont donc l’origine des gestes, et la Danse qui en est composée, est par conséquent l’Art de les faire avec grâce et mesure relativement aux affections qu’ils doivent exprimer. Aussi a-t-elle été définie par les Philosophes qui l’ont le mieux connue, l’Art des gestes. […] On apprend ainsi à danser, quoiqu’on ait en soi tous les pas dont se forme la Danse, comme on apprend à chanter, quoiqu’on ait dans la voix tous les sons dont se forme le chant ; parce qu’on développe, par le secours de l’Art, le don reçu de la nature.

59. (1724) Histoire générale de la danse sacrée et profane [graphies originales] « Histoire generale de la danse sacrée et prophane : son origine, ses progrès & ses révolutions. — Chapitre VII. Des Spectacles des Danseurs de corde, & de l’Art Gymnastique, & des sauts périlleux. » pp. 161-182

Des Spectacles des Danseurs de corde, & de l’Art Gymnastique, & des sauts périlleux. J’ai crû devoir employer dans l’Histoire générale de la Danse, ce qui concerne celle des Danseurs de corde, après avoir eu connoissance du Livre d’Archange Tuccaro Professeur en l’Art Gymnastique, qui traite de cet Art, ou des Exercices du corps, dédié au Roi de Naples, & imprimé à Paris en 1599, que M. […] Ceux de nos jours n’ayant pas la liberté de parler dans leurs Piéces de Théâtre, imiterent pendant un tems l’art des Pantomimes, qui s’exprimoient par les gestes, & ensuite par le chant & par des tableaux. […] Il est assez ordinaire de voir de pareils attentats contre ceux qui excellent dans les Arts : l’Histoire nous en fournit quantité d’éxemples, surtout pour la Peinture & la Sculpture. […] Quoiqu’il semble n’être permis qu’à Moïse de parler de ce qui s’est passé avant le Déluge universel, néanmoins Béroce nous assure que l’art du saut & de la lute étoit en usage dans la ville d’Enos ou de Caen, proche la montagne du Liban, où les Géans s’éxerçoient avant le Déluge, étant un art convenable à leur force gigantesque.

60. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre VI. » pp. 56-71

L’homme mercenaire en fait d’art imitateur suit servilement son sujet. […] Les arts imitateurs demandent une certaine hardiesse, que le génie seul peut inspirer ; le goût doit en être la Boussole ; et je dirai, d’après un critique moderne que les hardiesses sont les ailes des beaux arts. […] Elles furent créées dans un tems où cet art ne marchoit qu’à l’aide des lisières ; ces règles n’annoncent que la foiblesse de l’enfance. […] C’est par ce seul moyen que l’art peut se propager et s’embellir. […] Après l’avoir salué dans les règles de l’art, on alloit vers la cheminée et on jettoit dans un vase d’argent son écu de six francs.

61. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre IX [X] » pp. 97-106

Nous n’éstimons les arts, qu’autant qu’ils nous offrent l’imitation de la nature. […] Quintillien accorde à la musique une puissance sans bornes ; il la regarde comme la boussole des sciences, des arts et des talents : sans elle on n’arrive a rien, on voyage inutilement, et plus on avance, plus le rivage de la perféction s’éloigne. […] Je pourrois encore parler de ces acteurs tragiques qui créerent l’art de la tragédie, et dont les successeurs font encore aujourd’hui les délices de la scène Française ; si leur éloquence est secondaire, il faut avouer néanmoins que c’est un mérite de faire ressortir par la déclamation toutes les beautés de la poésie ; car combien ces belles productions ne perdent-elles pas de force et d’energie dans la bouche d’un lecteur ou d’un acteur médiocre ? […] On appelloit musique hypocritique, l’art du comédien ; d’où est venu le mot hypocrite, pour exprimer un mime qui contrefait l’homme de bien. […] Il paroit cependant, que cet art n’étoit point assujetti à des règles certaines, car il arrivoit quelque fois que les deux auteurs n’étoient point d’accord.

62. (1936) Philosophie de la danse

L’art comme la science, chacun selon ses voies, tendent à faire une sorte d’utile avec de l’inutile, une sorte de nécessaire avec de l’arbitraire. […] Il faut bien qu’il compense son ignorance technique et dissimule son embarras par quelque ingéniosité d’interprétation universelle de cet art, dont il constate et subit les prestiges. […] Si j’ai parlé de cet art, en me tenant à ces considérations très générales, c’est un peu avec l’arrière-pensée de vous conduire où je viens à présent. […] Je vous disais, tout à l’heure, que tous les arts sont des formes très variées de l’action et s’analysent en termes d’action. […] Je pense qu’elle a obtenu ce magnifique résultat, puisqu’il s’agissait de sauver une forme d’art et d’en régénérer la noblesse et la puissance légitime, par une analyse infiniment déliée des ressources de ce type d’art, et des siennes propres.

63. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre V. » pp. 32-39

A en juger par la quantité prodigieuse des maîtres en ce genre, qui se trouvent répandus dans l’Europe, on seroit tenté de croire que cet art est aussi facile qu’il est agréable ; mais ce qui prouve clairement qu’il est mal-aisé d’y réussir et de le porter à la perfection, c’est que ce titre de maître de ballets, si légèrement usurpé, n’est que trop rarement mérité. […] Comment surmonter les obstacles, applanir les difficultés, et franchir les bornes de la médiocrité, si l’on n’a reçu en partage le germe de son art ? […] Il ne peut se distinguer dans son art, qu’autant qu’il s’appliquera à l’étude de ceux dont je viens de parler : exiger qu’il les posséde tous dans un dégré de supériorité qui n’est réservé qu’à ceux qui se livrent particulièrement à chacun d’eux, ce seroit demander l’impossible ; mais s’il n’en a pas la pratique, il doit en avoir l’esprit. […] Tous les arts se tiennent par la main, et sont l’image d’une famille nombreuse, qui cherche à s’illustrer, l’utilité dont ils sont à la société, excite leur émulation ; la gloire est leur but ; ils se prêtent mutuellement des secours pour y atteindre. […] De ce rapport des arts, de cette harmonie qui règne entre eux, il faut conclure, Monsieur, que le maître de ballets dont les connoissances seront les plus étendues, et qui aura le plus de génie et d’imagination, sera celui qui mettra le plus de feu, de vérité, d’esprit et d’intérêt dans ses compositions.

64. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XVIII. » pp. 185-200

Elle est à l’acteur et à l’orateur, ce que la bravoure est à l’officier le plus instruit dans l’art de la guerre. […] L’art fit pour Mademoiselle Clairon tout ce que la nature avoit fait pour Mademoiselle Dumesnil. […] L’art d’un grand acteur est de faire oublier jusqu’à son nom, lorsqu’il paroit sur la scène. […] Le génie de son art l’a élevé en un instant à une perfection vraiment divine. Son talent est son ouvrage ; il ne doit sa sublimité qu’à lui-même, et je le regarde comme le créateur de l’art de la déclamation en France.

65. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre troisième — Chapitre VIII. Suites du Vice primitif »

Suites du Vice primitif L’Opéra Français tel qu’on le forma dans sa nouveauté fut reçu de la Nation avec un applaudissement presque unanime135 ; parce que les lumières des Spectateurs sur le genre et sur tous les Arts qu’on y avait rassemblés étaient en proportion avec les forces, le talent, et l’art des sujets employés pour l’exécuter. […] On crut ne pouvoir mieux faire que de suivre littéralement et servilement ce qui avait été pratiqué sous les yeux d’un homme, pour lequel on conservait un enthousiasme qui a manqué d’anéantir l’Art. […] Sur un Théâtre créé par le génie, pour mettre dans un exercice continuel la prodigieuse fécondité des Arts, on n’a chanté, on n’a dansé, on n’a entendu, on n’a vu constamment que les mêmes choses et de la même manière, pendant le long espace de plus de soixante ans.

66. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 15 décembre. La revanche de la danse. »

Si d’autres s’en tiennent avant tout à l’interprétation de la musique ou encore tentent de la « traduire intégralement », si Mlle Sérac use de la musique comme d’un agent psychologique qui, ayant déclenché l’improvisation plastique, n’intervient plus pendant que celle-ci s’accomplit, — certaines danseuses ont résolument éliminé de leur art toute base musicale. […] La danse obtiendra de la musique de danse qu’elle redevienne un art appliqué, calqué sur la configuration du mouvement, ancilla choregraphiæ. […] La confusion des modes d’expression artistique dont le « chef-d’œuvre de l’avenir » de Wagner fut la manifestation suprême, est remplacée peu à peu par une différenciation fort utile des arts. […] Paru dans le numéro 1 de la Gazette des Sept Arts.

67. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur les fêtes nationales] — Lettre ii. sur le même sujet. » pp. 116-121

Lorsque les productions des arts s’annoncent sans principes et sans proportions, elles choquent les yeux et révoltent le bon goût. […] Ce sont les arts réunis, enfans du goût et de l’imagination, qui doivent y déployer leur magie enchanteresse, et transporter, par leur puissance, les spectateurs dans des règions célestes. […] On sait que la France est la patrie et le sol des arts et des talens en tout genre. […] Les arts doivent s’annoncer avec majesté ; ce qu’ils créent doit être noble, simple et grand, à l’exclusion du gigantesque, la beauté ne peut exister sans proportions ; une imitation outrée, dégrade l’artiste, et choque le bon goût. […] Elle n’est point assujétie à la règle des unités, mais elle doit avoir, comme tout ouvrage des arts, un commencement, un milieu et une fin.

68. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « Observations sur la construction d’une salle d’opéra. » pp. 3-32

Il seroit fort utile que l’administration du spectacle de la république et des arts, eût huit hommes pris du corps des pompiers, ils ne quitteroient point le théâtre pendant les représentations. […] On dira sans doute que mon plan est à cet art ce qu’est à la morale la république de Platon, qu’il est tout à la fois gigantesque et fantastique. […] Lorsque les arts suivent la mode, ils s’égarent et se perdent. […] D’après tout ce que j’ai dit, il est aisé de voir que j’ai parlé d’un vaste monument élevé aux arts et dont la construction peut immortaliser les artistes. […] Le citoyen, ami des arts, a rempli sa tâche, quand il a proposé des vues et des idées qu’il croit utiles.

69. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE IX. » pp. 195-260

Celui qui joindra aux difficultés & aux graces de l’Art cette Pantomime vive & animée, & cette expression rare de sentiment, recevra avec le titre d’excellent Danseur, celui de parfait Comédien ; les éloges l’encourageront, les avis & les conseils des connoisseurs le conduiront à la perfection de son Art. […] En fait d’Art agréable, on fuit la peine, on craint l’examen, on veut être séduit, n’importe à quel prix. […] Mais si l’Art se perfectionne, si les Danseurs s’attachent à peindre & à imiter, il faut alors quitter la gêne, abandonner les masques, & en briser les moules. La nature ne peut s’associer à l’art grossier ; ce qui l’éclipse & ce qui la dégrade doit être proscrit par l’Artiste éclairé. […] Cet Art, ainsi que quantité de choses précieuses, ont été, pour ainsi dire, enterrées dans les ruines de l’antiquité.

70. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre première. À Voltaire. » pp. 2-7

J e ne prendrois pas la liberté de vous écrire, si le motif qui m’y détermine ne me servoit d’excuse ; je sais combien vos instants sont précieux, et combien l’emploi que vous en faites est cher a tous ceux qui cultivent les lettres et les sciences, et qui chérissent les arts. […] J’ai fait revivre l’art de la pantomime si célèbre sous le regne d’Auguste, et la nature que j’ai pris pour guide et pour modèle, m’a fourni les moyens de faire parier la danse, de lui faire peindre toutes les passions, et de la placer au rang des arts imitateurs. […] Indépendamment des ballets dont j’ai tiré les sujets de mon imagination, j’en ai composé un grand nombre d’après les auteurs anciens ; l’histoire, la fable m’ont fourni de précieux matériaux ; le théâtre des Grecs, Homère, Virgile, l’Arioste et le Tasse m’ont offert, des secours, qui ont embelli mon art, et le théatre Anglais m’a prêté des beautés très propres à l’action pantomime. […] Chaque art, vous le savez, Monsieur, a sa marche particulière ; celle de la pantomime est bornée ; tout dialogue tranquille, toute situation froide s’oppose à son langage, et à l’activité qui lui convient ; il est donc nécessaire de savoir faire un choix de situations et de passions ; elles sont l’organe de l’acteur pantomime. Le neuvième chant de la Henriade m’offre une carrière vaste dans la quelle je puis déployer toutes les richesses de mon art, et réunir dans un seul cadre tous les genres d’expréssions possibles ; le tendre, le voluptueux, le terrible y paroitront tour-à-tour, s’y disputeront l’avantage de plaire, et me fourniront avec des contrastes admirables ce clair-obscur si nécessaire a la réussite des arts.

71. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre troisième — Chapitre VII. Principes Physiques du vice de l’Exécution primitive de l’Opéra Français. »

En examinant les vues de Quinault, le plan de son Spectacle, les belles combinaisons qui y sont répandues, la connaissance profonde des différents Arts qu’il y a rassemblés, qu’elles supposent dans ce beau génie ; je me suis demandé mille fois, pourquoi au Théâtre, la plus grande partie de ce qu’il m’est démontré que Quinault a voulu faire, semble s’évaporer, se perdre, s’anéantir, et j’ai cru en voir évidemment la cause dans l’exécution primitive. […] L’art n’avait rien à gagner dans ma première découverte, sans le secours de cette seconde ; et cette recherche une fois faite avec quelque succès, les remèdes étaient aisés, et les progrès de l’art infaillibles. […] La Danse, la Musique instrumentale et vocale, l’art de la décoration, celui des machines, étaient, pour ainsi dire, au berceau ; et le dessein du Poète aurait exigé des exécutants consommés dans tous ces différents genres.

72. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur l’artiste »

Qu’il n’est point d’erreur dans les Arts, de quelque nature qu’elle soit, qu’il ne paraisse évidemment utile de détruire. […] Que celle dont il s’agit est infiniment préjudiciable aux Artistes et aux Arts. […] Les règles n’ont été faites que sur le mécanisme des Arts ; et en paraissant les gêner, elles les ont guidés jusqu’au point heureux où nous les voyons aujourd’hui. […] Il en est des Arts comme de la Navigation ; on ne courait les mers qu’en tâtonnant avant la découverte de la boussole. […] Quel est le tableau, dira-t-on peut-être, que la raison peut offrir à peindre à l’art du musicien?

73. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre IX. » pp. 97-129

La physionomie est donc la partie de nous-même la plus utile à l’expression ; or, pourquoi l’éclipser au théatre par un masque, et préférer l’art grossier à la belle nature. […] Qu’importe la hauteur, si d’agréables proportions brillent également dans toutes les parties du corps, et rendent cette grâce et cette expression sans art qui regne au village ? […] De telles leçons feroient parler la danse et raisonner le danseur ; il apprendroit à peindre en apprenant à danser, et ajouteroit à notre art un mérite qui le rendroit beaucoup plus estimable. […] Mais si l’art se perfectionne, si les danseurs s’attachent à peindre et à imiter, il faut alors quitter la gêne, abandonner les masques et en briser les moules, la nature ne peut s’associer à l’art grossier ; ce qui l’éclipse et ce qui la dégrade doit être proscrit par l’artiste éclairé. […] Cet art, ainsi que quantité de choses précieuses, a été, pour ainsi dire, enterré dans les ruines de l’antiquité.

74. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre IX. » pp. 88-96

si l’imitation fidèlle de la belle nature constitue le sublime des arts, si cette imitation vraie peut seule élever l’acteur à la perfection ; combien ne devons-nous pas douter du mérite des acteurs de l’Antiquité. […] En voilà plus qu’il ne faut sur l’abus des mots, je quitte cette tour de Babel, pour vous entretenir un instant de la saltation, ou de l’art du geste. Batyle et Pylade passoient pour les inventeurs de la pantomime ; mais c’est une erreur ; cet art étoit connu chez les Grecs ; Ampuse et Prothée l’avoient porté à sa perfection ; il est donc plus vrai de dire que Batyle et Pylade firent revivre cet art, et qu’ils l’introduisirent chez les Romains. […] Les Romains, pour conserver à leurs esclaves, cette souplesse que l’âge fait disparoitre, les transformoient eu eunuques ; cette amputation barbare s exerçoit particulièrement sur ceux que l’on destinoit a l’art de la scène. […] comment pouvoir croire encore que ces eunuques pantomimes, ayent porté a un si haut dégré de perfection l’art du geste, qui éxige de l’àme, de la noblesse et de l’énergie ?

75. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XIII. » pp. 122-133

Les beautés de cet art sont fuyantes et passagères ; on les admire lorsqu’elles se montrent, et elles échappent, lorsqu’on veut les saisir. Je voudrois bien pouvoir vous citer un grand nombre de maîtres de ballets qui réunissent aux connoissances approfondies de leur art, du goût, de l’imagination et du génie. […] Pour juger sainement d’un ballet et d’un tableau, il faut les voir ; c’est l’unique moyen qui permet au connoisseur de prononcer sur les objets que ces arts lui présentent. […] Il est un point dans tous les arts, je dois le répéter, que les artistes ne peuvent dépasser ; s’entêtent-ils à vouloir franchir les limites sages que la nature a posées ? […] Si la partie méchanique de la danse donne au maître de ballets tant de peines et de fatigues, si elle exige tant de combinaisons ; combien l’art du geste et de l’expression n’exige-t-il pas de travaux et de soins ?

76. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Avx cavaliers et avx dames, par luy mesme. »

  Car vray Phare pour tous il a rendu par fait Le chemin du bien estre : Ioignant comme il a fait, Et la Nature a l’Art, & l’Art a la Nature.

77. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VI. Preuves de la possibilité de la Danse en action »

L’histoire de l’Art prouve que les Danseurs de génie n’ont eu que ce seul secours, pour exprimer toutes les passions humaines, et les possibilités sont dans tous les temps les mêmes. […] On ne doit se défier ni de ses forces, ni de l’Art, lorsqu’on a l’ambition d’exceller. […] Qu’on se persuade que le siècle qui a produit, dans les Lettres, L’Esprit des lois, la Henriade, l’Histoire naturelle, et l’Encyclopédie, peut aller aussi loin, dans les Arts, que le siècle même d’Auguste.

78. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Question d’un homme de lettres sur la musique. » pp. 4-7

Cependant comme dans les arts, il n’y a pas d’obligation de croire sans examen, il faut toujours pouvoir se rendre raison d’une opinion quelconque ; et un sentiment quelque général qu’il soit, n’est pas pour cela dispensé d’être appuyé sur des preuves. Notez que je ne demande pas ici, qu’elle est celle des deux nations qui excelle dans l’art musical, mais seulement quelle est celle qui l’aime le mieux. […] On sent bien qu’en parlant de nations je n’entends que cette portion des peuples qui cultive les arts. En Italie, on voit communément les gens aisés ou riches cultiver cet art, au moins comme amateurs.

79. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur les fêtes nationales] — Lettre iii. sur le même sujet. » pp. 122-128

Lorsque cet art sublime ne borne pas ses effets aux éclats insignifians d’un vain bruit, mais qu’il parle la langue des passions, qu’il peint et qu’il exprime avec les accens du sentiment ; il a atteint son but, il est imitateur et divin. Les autres arts, comme la peinture, l’architecture, la sculpture et la danse, n’ont, à leur tour, que l’œil pour juge de leurs productions. Si l’oreille communique rapidement à l’ame les impressions délicieuses et les émotions vives dont l’harmonie et la mélodie l’ont frappée, l’œil enchanté des merveilles que les arts lui offrent, peint à l’imagination, avec une égale promptitude, tous les tableaux séduisants qui l’ont charmé. […] Dailleurs, ils faudroit qu’ils connussent intimement les arts et leur magie, et qu’ils sçûssent juger sainement de leurs moyens d’exécution ; alors ils sauroient apprécier le parti qu’on en peut tirer, et ils apprendraient à ne point exiger d’eux des choses également extravagantes et impossibles. […] Ce genre de spectacle offre au génie un champ vaste à parcourir, avec d’autant plus de succès, et de facilité, que tous les arts sont à sa disposition, et entièrement disposés à lui offrir toutes leurs richesses.

80. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XI. » pp. 107-114

Ce sujet est si délicat et si fugitif que je l’abandonne à ceux qui auront l’art de trouver des expréssions capables de développer l’idée juste que l’on peut se former de ces accens momentanés. […] Ces cordes, quoique bien disposées, ne produiront entre elles que des sons faux et dissonants, lorsque l’art seul voudra les faire parler : mais elles obéiront, et rendront au contraire tous les tons propres au langage des passions, lorsqu’elles seront touchées par lâme, et que le coeur en déterminera toutes les vibrations. […] Ces deux danseurs ont porté leur art à ue perfection telle, qu’ils n’ont point été remplacés, et qu’on n’a pas eu les moyens de les imiter, et de marcher sur leurs traces. La beauté de la taille, celle des proportions, et l’élégance qui résulte de cet heureux ensemble relevé encore par le charme de la figure, seront insuffisantes pour le succès, si l’homme qui possède ces qualités, n’est appellé par goût et par inclination à la pratique de son art, et aux soins pénibles et journaliers qu’il exige impérieusement. […] Je crois pouvoir avancer comme vérité incontestable, que l’homme apporte en naissant un germe précieux susceptible de produire en se développant, un goût déterminé pour un art, ou une science quelconque ; ce germe miraculeux jetté par la providence dans toutes les créatures ne se développe pas également dans tous les hommes.

81. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur les fêtes nationales] — Lettre iv. sur le même sujet. » pp. 129-136

Le peuple avoit du pain, le luxe naissant venoit au secours de l’industrie ; les arts sortant de leur berceau étoient caressés et encouragés par des récompenses et des distinctions flatteuses. […] Je voudrois qu’on eût l’art de donner à ces feux et à ces illuminations, un caractère d’intérêt et de nouveauté qu’ils n’ont point encore atteint et qu’il seroit possible de leur imprimer : dèslors ils deviendroient partie d’un grand tout. […] Vous avouerez que tant de merveilles réunies par le goût et la puissance des arts, le frapperoient d’étonnement et exciteroient ses applaudissemens. […] Le Champ de Mars présenteroit à l’œil toutes les merveilles des arts réunis, dont je m’empresse de vous transmettre les détails. […] Vous conviendrez que rien au monde ne peut être comparé à ce vaste plan, que l’on nommeroit le miracle des arts.

82. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE II. » pp. 15-29

Ce principe me paroît d’autant plus blâmable, qu’il est rare de trouver des Maîtres de Ballets qui sentent ; il y en a si peu qui soient excellents Comédiens, & qui possédent l’Art de peindre les mouvements de l’ame, par les gestes ! […] L’Art de la Pantomime est sans doute plus borné de nos jours, qu’il ne l’étoit sous le regne d’Auguste ; il est quantité de choses qui ne peuvent se rendre intelligiblement par le secours des gestes. […] Télemaque dans l’Isle de Calipso, offre un Plan plus vaste, & fera le sujet d’un très-beau Ballet, si toutefois le Compositeur a l’Art d’élaguer du Poëme, tout ce qui ne peut servir au Peintre ; s’il a l’adresse de faire paroître Mentor à propos, & le talent de l’éloigner de la Scene, dès l’instant qu’il pourroit la refroidir. […] Ne dansant point, il devient étranger au Ballet ; son expression d’ailleurs étant dépourvue des graces que la Danse prête aux gestes & aux attitudes, paroît moins animée, moins chaude, & conséquemment moins intéressante ; il est permis aux grands talents d’innover, de sortir des regles ordinaires, & de se frayer des routes nouvelles, lors qu’elles peuvent conduire à la perfection de leur Art. […] Je conviendrai que l’exécution méchanique de cet Art est portée à un degré de perfection qui ne laisse rien à desirer ; j’ajouterai même qu’elle a quelquefois des graces, mais la grace n’est qu’une petite partie des qualités qu’elle doit avoir.

83. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE VII. » pp. 110-128

Dès le troisieme siecle on commençoit à s’appercevoir de la monotonie de cet Art, & de la négligence des Artistes ; St.  […] Il est en vérité bien étonnant, Monsieur, que l’époque glorieuse du triomphe des beaux Arts, de l’émulation & des progrès des Artistes, n’ait point été celle d’une révolution dans la Danse & dans les Ballets ; & que nos Maîtres, non moins encouragés & non moins excités alors par les succès qu’ils pouvoient se promettre dans un siecle où tout sembloit élever & seconder le génie, soient demeurés dans la langueur & dans une honteuse médiocrité. […] Si le Ballet est le frere aîné des autres Arts, ce n’est qu’autant qu’il en réunira les perfections ; mais on ne sauroit lui déférer ce titre glorieux dans l’état pitoyable où il se trouve, & convenez avec moi, Monsieur, que ce frere aîné fait pour plaire, est un sujet déplorable, sans goût, sans esprit, sans imagination, & qui mérite à tous égards l’indifférence & le mépris de ses sœurs. […] Dégagé des préjuges de mon état, & de tout enthousiasme, je considere ce Spectacle compliqué comme celui de la variété & de la magnificence, ou comme la réunion intime des Arts aimables ; ils y tiennent tous un rang égal ; ils ont dans les Programmes les mêmes prétentions ; je ne conçois pas néanmoins comment la Danse peut donner un titre à ces divertissements, puisqu’elle n’y est point en action, qu’elle n’y dit rien, & qu’elle n’a nulle transcendance sur les autres Arts qui concourent unanimement & de concert aux charmes, à l’élégance & au merveilleux de ses représentations. […] En rapprochant toutes mes idées ; en réunissant ce que les Anciens ont dit des Ballets ; en ouvrant les yeux sur mon Art ; en examinant ses difficultés ; en considérant ce qu’il fut jadis, ce qu’il est aujourd’hui & ce qu’il peut être si l’esprit vient à son aide, je ne puis m’aveugler au point de convenir que la Danse sans action, sans regle, sans esprit & sans intérêt, forme un Ballet ou un Poëme en Danse.

84. (1921) Salvatore Viganò pp. 167-190

La chorégraphie est sans doute de tous les arts le plus périssable. […] C’est un art dont on ne se doute pas où vous êtes ! » Mais en quoi consiste cet art, il ne tente pas même de l’expliquer. […] Avant Viganò on ignorait l’art des groupements variés. […] Leur seul tort était de vouloir comparer deux formes d’art aussi différentes.

85. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre second — Chapitre XI. Des Usages de quelques Peuples, et de certaines Lois de Lacédémone. »

C’est ainsi que la jeunesse de Sparte apprenait, en se jouant, l’art terrible de la guerre. […] On les exerçait en même temps à la Danse sur les modes de Philoxène et de Timothée, et tous les ans pendant la fête des Orgies, ils exécutaient sur des théâtres publics, des Ballets composés avec autant d’Art que de magnificence. […] En occupant à la Danse un grand Peuple qu’il souhaitait de rendre heureux, en appliquant cet exercice aux vues différentes qu’il avait pour la gloire de Sparte, il en conduisit tous les habitants au but qu’il était proposé par des routes aussi agréables que sûres ; parce qu’il sut opposer en Philosophe, les continuelles émotions de l’Art, aux mouvements perpétuels de la Nature.

86. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre V. Préjugés contre la Danse en Action »

Jusqu’à quel point avaient-ils porté l’art de la Danse ? […] Mais ce discours qu’on a tenu pendant vingt ans sur des sujets évidemment supérieurs à ceux qu’on exaltait à leur préjudice, ce préjugé qui nous est démontré injuste aujourd’hui à tous égards, aurait cependant été funeste à l’Art, s’il avait retenu les Dupré, les Sallé, les Camargo, dans les bornes étroites de la carrière qu’avaient parcourue leurs prédécesseurs. […] Détruire un préjugé qui refroidit la chaleur des Artistes, est un des plus utiles secours qu’on puisse prêter à l’Art.

87. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VII. Supériorité et avantages de la Danse en action »

L’Art du Dessin l’a réglée. […] Jeunes talents qui entrez dans la carrière du Théâtre ; étudiez la nature, approfondissez l’Art. […] Tournez la tête : parcourez ces quatre tableaux où une allégorie fine et délicate vous retrace les Arts libéraux.

88. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Euthyme et Eucharis. Ballet héroï-pantomime. » pp. 51-63

Mais en convenant de ma foiblesse, je dois encore avouer avec la même franchise, que la pantomime est de tous les arts imitateurs le plus borné. […] La danse est l’art des pas, des mouvemens gracieux et des belles positions. Le ballet, qui emprunte de la danse une partie de ses charmes, est l’art du dessin, des formes et des figures. […] La pantomime ou l’art du geste, étoit associée chez eux à la déclamation des pièces de théâtre. […] Je demanderai de l’indulgence pour moi, et pour la pantomime, art au maillot, qui n’articule que des mots sans suite et souvent mal prononcés.

89. (1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Chapitre huitième. Danseur sérieux, danseur demi-caractère. Danseur comique » pp. 88-95

L’exécution parfaite d’un adagio est le nec plus ultra de l’art, et je la regarde comme la pierre de touche du danseur64. […] Le sujet qui s’y destine peut se permettre l’exécution de tous les temps, de tous les pas que l’art nous apprend. […] La confusion des genres qui ternit l’art de la danse, le peu de constance des danseurs pour l’étude, et le goût corrompu du public dans certains théâtres, en sont les véritables causes. […] De belles poses, de beaux mouvements, donnent à l’art de la danse une importance qui, sous le rapport de l’imitation, se rapproche de l’art du sculpteur. […] Après avoir été charmé par la facilité, par la pureté, par la délicatesse et la légèreté du travail qui règne dans ces délicieuses statues, admirez le grand et le sublime de l’art dans son Hercule terrassant Lychas, dans son Thésée vainqueur des Centaures, et dans quelque autre ouvrage de ce genre que son génie a produit.

90. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur les fêtes nationales] — Lettre i. sur les fêtes nationales. » pp. 109-115

Il faut convenir d’une triste vérité, c’est que la nation Française, cette nation qui marque le plus en Europe, pour les sciences et les arts, et qui l’emporte sur les autres par l’invention, l’esprit et le goût, n’a pu imagnier, depuis cent ans, un projet de fête digne d’elle. […] C’est à cette epoque qu’elle pourroit déployer, d’une manière glorieuse et utile à ses intérêts, toutes les richesses de l’imagination et du goût ; c’est dans cette circonstance enfin, que les talens et les arts enfans de la paix, s’empresseroient, à l’envi de déployer toutes leurs richesses, et de prouver à l’Europe, que si la France est la patrie des héros, elle est encore celle du génie et des arts. […] Je repeterai encore que Colbert regardoit comme un fond bien placé, celui qu’il destinoit à embellir la capitale ; à y encourager l’industrie, les talens et les arts ; à y attirer, par l’attrait du plaisir, le concours des étrangers. […] Si le soleil, après un long et rigoureux hyver réssuscite, pour ainsi dire la nature ; si en la pénétrant de ses rayons bienfaisans, il la ranime et l’aide à enfanter des fleurs et des fruits ; de même la paix, cette fille du ciel, rallumera les feux presqu’éteints de l’imagination et de génie ; à son retour les arts sortiront de leur léthargie ; les artistes heureux et tranquilles reprendront leurs brillans travaux, en cessant d’être épouvantés par les orages ensanglantés de la révolution, et par les tableaux effrayans de la guerre ; c’est alors, qu’à l’ombre de l’olivier, ils donneront le jour à des chefs-d’œuvres immortels qui leur mériteront la véritable gloire.

91. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre VI. Sur le même sujet. » pp. 35-39

Je sais que vous aimez les arts avec passion, et je n’ignore point que vous les cultivez avec succès ; que vos poëmes lyriques ont enrichi nos théatres et fourni à la musique les moyens de s’exercer avec éclat. […] J’ignore si toutes ces conditions ont été remplies : tout ce que je sais, c’est que la musique a besoin de la poësie on d’un art auxiliaire, pour être vraiment imitative. […] Des hommes opulens et amis des arts firent un prospectus, dans le quel ils proposoient aux musiciens appointés et à ceux qui ne l’étoient pas, de sacrifier annuellement une petite partie de leurs appointemens ou de leur gain, pour former successivement un grand capital ; et pour l’augmenter insensiblement, on leur accordoit deux ou trois représentations par année à leur profit. […] Cramer, que la mort a enlevé à son art, aux amateurs, à sa famille et à ses amis, m’a assuré qu’indépendemment des bienfaits de la cour, les concerts des années 1793 et 1794 avoient produit un fond de 6500 guinées.

92. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre III. Des Positions, & de leur origine. » pp. 9-10

Ces Positions ont été mises au jour par les soins de feu Monsieur de Beauchamp, qui s’étoit formé une idée de donner un arangement necessaire à cet Art. On ne les connoissoit pas avant lui, ce qui prouve sa penetration dans cet Art.

93. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE VIII. » pp. 129-194

Cette harmonie qui auroit régné dans deux Arts si intimes, auroit produit l’effet le plus séducteur & le plus admirable ; mais par un malheureux effet de l’amour propre, les Artistes loin de se connoître & de se consulter s’évitent scrupuleusement. […] S’il n’a pas l’Art de distribuer les lumieres à propos, il affoiblit l’ouvrage du Peintre & il renverse l’effet de la décoration. […] Permettez-moi, Monsieur, une digression ; quoiqu’étrangere à mon Art, elle pourra peut-être devenir utile à l’Opéra. […] Je bannirois tout arrangement symmétrique dans les habits ; arrangement froid qui désigne l’Art sans goût & qui n’a nulle grace. […] Le vrai talent n’est qu’un, il plaît sans Art.

94. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur la musique moderne »

Le chant et l’orchestre étaient dans ces commencements ce que sont tous les Arts à leur naissance. […] Mais l’exécution de la partie instrumentale et du chant devait s’étendre dans la suite aussi loin que pouvait aller l’art lui-même ; et cet art susceptible de combinaisons à l’infini, ne faisait alors que de naître. […] L’exécution a suivi l’art dans ses différentes marches ; leurs progrès ont été et dû être nécessairement les mêmes. […] Mais qu’il soit permis de parler sans déguisement dans un ouvrage consacré à la gloire et au progrès des Arts. […] Lorsque l’art n’était encore qu’au berceau, Quinault n’avait pas pu couper ses opéras, comme il les aurait sûrement coupés de nos jours, que l’art a reçu ses accroissements.

95. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre III. » pp. 17-24

Notre art est assujetti, en quelque façon, aux règles de la perspective ; les petits détails se perdent dans l’éloignement. […] Ne concluez pas de ce que j’ai dit plus haut, sur les figurans et sur les figurantes, qu’ils doivent jouer des rôles aussi marqués que les premiers sujets ; mais comme l’action d’un ballet est tiède, si elle n’est générale, je soutiens qu’il faut qu’ils y participent avec autant d’art que de ménagement ; car il est important que les sujets chargés des principaux rôles conservent de la force et de la supériorité sur les objets qui les environnent. L’art du compositeur est donc de rapprocher et de réunir toutes ses idées en un seul point, afin que les opérations de l’esprit et du génie y aboutissent toutes. […] Que les maîtres de ballets qui voudront se former une idée juste de leur art, jettent attentivement les yeux sur les batailles d’Alexandre, peintes par le Brun ; sur celles de Louis XIV. peintes par Vander-Meulen : ils verront que ces deux héros, qui sont les sujets principaux de chaque tableau, ne fixent point seuls l’œil admirateur. […] Je crois décidement, Monsieur, qu’il n’est pas moins difficile à un peintre et à un maître de ballets de faire un poème ou un drame en peinture et en danse, qu’il ne l’est à un poète d’en composer un ; car, si le génie manque, on n’arrive à rien ; ce n’est point avec les jambes que l’on peut peindre ; tant que la tête des danseurs ne conduira pas leurs pieds, ils s’égareront toujours, et leur exécution sera machinale : et qu’est-ce que l’art de la danse quand il se borne à tracer quelques pas avec une froide régularité.

96. (1797) Essai ou principes élémentaires de l'art de la danse, utiles aux personnes destinées à l'éducation de la jeunesse « Épître dédicatoire à Madame **** »

Épître dédicatoire à Madame **** Madame, Si l’art dont j’entreprends de tracer ici les règles n’eût été que frivole, je n’aurais point pris la liberté de vous faire l’hommage de cette faible production : mais en l’écrivant, j’ai entrevu l’espoir d’être utile, et j’ai pensé qu’à ce titre seul elle pouvait mériter de vous être présentée. […] Je vous ferais voir Terpsichore elle-même dictant à l’un de ses plus chers favoris (à Gardel) ces ballets si justement vantés, où les fictions les plus brillantes de la mythologie ont reçu plus d’éclat encore de cet art enchanteur, qu’elles ne lui en ont prêté. […] il fallait bien une fois répondre aux détracteurs d’un art que vous aimez, et que j’ai le faible mérite d’avoir cultivé toute ma vie avec enthousiasme.

97. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Avertissement. » pp. 33-34

J’ai hésité quelque tems à joindre à cette édition de mes lettres sur la danse et sur les arts, quelques-uns des programmes de mes ballets : je ne me dissimule pas que ce ne sont pas précisément des ouvrages, et qu’ils n’apprennent rien sur l’art de la danse proprement dit. […] C’est d’après ces considérations que je me suis déterminé à faire imprimer ceux de mes programmes qui me sont restés ; car plus jaloux de la gloire et des progrès de mon art que de mon propre intérêt, j’en ai donné la majeure partie à mes élèves, ou à des artistes à qui ils pouvoient être utiles.

98. (1797) Essai ou principes élémentaires de l'art de la danse, utiles aux personnes destinées à l'éducation de la jeunesse « Du menuet »

Du menuet On a abandonné depuis longtemps le menuet, et il n’est plus d’usage dans les danses de société, cependant il renferme tous les principes de l’art ; et il est facile de démontrer qu’on ne peut parvenir à danser, je ne dis pas bien, mais même médiocrement sans s’y être appliqué : cette danse développe les membres, leur donne des contours gracieux, du moelleux et de la justesse dans les mouvements, de l’aplomb et du soutien dans l’équilibre du corps ; et si la plupart des danseurs ont des attitudes forcées, des mouvements durs et un équilibre mal assuré, c’est qu’ils ignorent ou qu’ils n’ont pas assez pratiqué ces premiers principes ; aussi voit-on la plupart des danseurs modernes se placer comme des mannequins et se mouvoir comme des automates ; j’invite donc les amateurs à ne point le négliger ; il est très-important de s’appliquer à le bien apprendre, d’autant plus qu’il est à l’art de la danse ce qu’est l’a, b, c, à l’égard des mots et des discours.

99. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 19 février. Une grande danseuse russe. Mme Véra Tréfilova. — Émotion et abstraction. — Mélodie continue. — Exotisme transposé. — Deux Moscovites : Novikoff, Clustine. »

Car toute habileté de langage et toute trouvaille verbale apparaîtraient vaines devant cet art d’une sérénité si noble et que rien d’oratoire ni de mesquin ne ravale. […] « Rappelez-vous ces extraordinaires dessins de Léonard de Vinci » observe cet autre que j’invite l’aimable lecteur d’identifier, « dans lesquels la courbe vivante, chef-d’œuvre d’un art souverain, effleure et tente parfois la courbe régulière, mais tout autrement régulière, qui est propre aux dessins de géométrie. […] Car cet art tend vers la formule géométrique, mais, au moment suprême, la brise et s’en évade. […] Comment osai-je soupçonner l’étoile du ballet impérial de ce naturalisme exotique qui incite mainte danseuse européenne à emprunter aux Orientales quelques apparences, souvent illusoires, de leur art ? […] Plutôt un bibelot, mais où se reflète un art souverain.

100. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre quinzième et dernière. » pp. 216-240

de Cahusac dévoile les beautés de notre art, il propose des embellissemens nécessaires ; il ne veut rien ôter à la danse, il ne cherche au contraire qu’à tracer un chemin sûr dans le quel les danseurs ne puissent s’égarer ; on dédaigne de le suivre. […] Ils lui reprochoient de ne pas connoître la mécanique de l’art, et concluoient de là que ses raisonnemens ne portoient sur aucuns principes. […] Ce n’est pas pour eux qu’il a prétendu écrire, il n’a traité que la poétique de l’art ; il en a saisi l’esprit et le caractère ; malheur à tous ceux qui ne peuvent ni le goûter ni l’entendre ! […] En vain cherche-t-on à ramener l’art à la nature, la desertion est générale ; il n’est point d’amnistie qui puisse déterminer les artistes à revenir sous ses étendards et à se rallier sous les drapeaux de la vérité et de la simplicité. […] La plupart dédaignent et sacrifient toutes les connoissances qu’il leur importoit d’avoir, à une oisiveté méprisable, à un genre de vie et de dissipation qui dégradent l’art, et avilissent l’artiste.

101. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — DERNIERE LETTRE. » pp. 435-484

Ils lui reprochoient de ne point connoître la méchanique de l’Art, & concluoient de là que ses raisonnements ne portoient sur aucuns principes ; quels discours ! […] Ce n’est pas pour eux qu’il a prétendu écrire, il n’a traité que la Poétique de l’Art ; il en a saisi l’esprit & le caractere ; malheur à tous ceux qui ne peuvent ni le goûter ni l’entendre. […] Questionnez les Artistes ; demandez leur pourquoi ils ne s’appliquent point à être originaux & à donner à leur Art une forme plus simple, une expression plus vraie, un air plus naturel ? […] En vain cherche-t-on à ramener l’Art à la nature, la désertion est générale ; il n’est point d’amnistie qui puisse déterminer les Artistes à revenir sous ses étendards & à se rallier sous les Drapeaux de la vérité & de la simplicité. […] La plupart dédaignent & sacrifient toutes les connoissances qu’il leur importeroit d’avoir, à une oisiveté méprisable, à un genre de vie & de dissipation qui dégradent l’Art & qui avilissent l’Artiste.

102. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XX et dernière. » pp. 213-241

Sachant qu’ils n’aiment point à lire, j’ai pensé qu’en leur offrant tous les principes de leur art dans une seule lettre, ce seroit satisfaire leur goût. […] Le grand principe des arts est de plaire. […] Il y auroit beaucoup d’art à rendre ce genre quelquefois intéressant. Les hommes dans toutes les classes ont des passions, des malheurs et un pathétique qui leur est propre ; celui de la nature, dépouillé des apprêts de l’art ne pourroit-il pas plaire ? […] Messieurs, ayez l’art de les embellir.

103. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre premier — Chapitre III. Des différentes espèces de Ballets »

Pour faire naître, entretenir, accroître l’illusion Théâtrale, on eut recours à l’art des machines. […] Pour les rendre vraisemblables et pour donner un charme nouveau à leur représentation, l’art devait venir au secours de la nature ; et on trouva, dans les forces mouvantes, dans la Peinture, dans la Menuiserie, dans la Sculpture, etc., tous les moyens d’étonner, d’exciter la curiosité, et de séduire. […] Le jour des lumières est un premier pas vers l’imitation, qui commence à faire naître l’illusion Théâtrale ; et quelles ressources ne peut-il pas fournir à l’art, pour donner de la force, de l’expression, de la vérité, à la décoration, et au surplus de l’ensemble83? […] Le jour artificiel bien ménagé est capable de produire les plus étonnants effets ; mais c’est un Art, et peut-être un de ceux qu’on connaît le moins dans les lieux ou il serait le plus nécessaire.

104. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre II. » pp. 9-16

Ce principe me paroît d’autant plus dangereux, qu’il est rare de trouver des maîtres de ballets qui sentent ; il y en a si peu qui soient excéllents comédiens, et qui possédent l’art de peindre, par les gestes, les mouvemens de l’ame ! […] L’art de la pantomime est sans doute plus borné de nos jours qu’il ne l’étoit sous le règne d’Auguste ; il est quantité de choses qui ne peuvent se rendre intelligiblement par le secours des gestes. […] Télémaque dans l’isle de Calypso offre un plan plus vaste, et fera le sujet d’un très-beau ballet, si toutefois le compositeur a l’art d’élaguer du poème, tout ce qui ne peut servir au peintre ; s’il a l’adresse de faire paroitre Mentor à propos, et le talent de l’éloigner de la scène, dès l’instant qu’il pourroit la refroidir. […] Mentor, dans un spectacle de danse, peut et doit agir en dansant ; cela ne choquera ni la vérité, ni la vraisemblance, pourvû que le compositeur ait l’art de lui conserver un genre de danse et d’expression analogue à son caractère, à son âge, et à son emploi. […] Je conviendrai que l’exécution mécanique de cet art est portée à un dégré de perfection qui ne laisse rien à desirer : j’ajouterai même qu’elle a souvent des graces, de la noblesse ; mais ce n’est qu’une partie des qualités qu’elle doit avoir.

105. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Préface. » pp. -

Mais comme de tous ceux qui enseignent avec applaudissement l’Art de la Danse, il ne s’est trouvé personne qui en ait écrit les regles, j’ai osé l’entreprendre ; & quoique j’aie fait toute ma vie de serieuses reflexions sur les positions & sur l’équilibre du corps, pour être plus à portée de donner des leçons utiles à mes Ecoliers, je me suis moins fondé sur ma propre experience, que sur l’habileté des plus grands Maîtres, que j’ai eu l’avantage de frequenter. […] Le Public n’attend pas d’un homme comme moi, qui a passé tout le tems de sa vie à étudier & à enseigner la Danse une longue dissertation sur l’origine & l’ancienneté de cet Art : je laisse ce soin aux Sçavans. […] Entre tous les Arts qui se sont perfectionnez sous les yeux, & par les liberalitez d’un si puissant Monarque, la Danse a fait les plus rapides progrès ; tout sembloit y contribuer. […] Il fit pendant plusieurs années le plaisir & l’admiration des spectateurs, ses talents furent récompensez par l’honneur qu’il reçut, en donnant le premier la main à LOUIS XV. notre Auguste Monarque, l’amour de ses Peuples & l’esperance de tous les Arts. […] Dans une seule de ses Danses sont renfermées toutes les regles qu’après de longues meditations nous pourrions donner sur notre Art, & elle les met en pratique avec tant de grace, tant de justesse, tant de legereté, tant de précision, qu’elle peut être regardée comme un prodige dans ce genre.

106. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « A Sa Majesté l’Empereur de toutes les Russies. » pp. -

Cet honneur sait aux arts mériteroit d’être célébré par tous les artistes de nos jours. […] Ce spectacle consolant embellit mes derniers jours, et me fait regretter de ne voir qu’en perspective cette Cour brillante, où l’on rencontre la science parée de toutes les graces de l’esprit ; où la philosophie toujours associée à la raison ne cherche point à tromper les hommes par des impostures insidieuses et des promesses mensongères ; où les arts et les talens se développent paisiblement à l’ombre d’un trône que la gloire environne et dont les vertus du Monarque relévent la splendeur.

107. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre VII. » pp. 56-64

Dès le troisième siècle, on commençoit à s’appercevoir de la monotonie de cet art, et de la négligence des artistes. […] Il est en vérité bien étonnant, Monsieur, que l’époque glorieuse du triomphe des beaux arts, de l’émulation et des progrès des artistes n’ait point été celle d’une révolution dans la danse et dans les ballets ; et que nos maîtres, non moins encouragés et non moins excités alors par les succès qu’ils pouvoient se promettre dans un siècle où tout sembloit élever et seconder le génie, soient demeurés dans la langueur et dans une honteuse médiocrité. […] Si le ballet est le frère des autres arts, ce n’est qu’autant qu’il en réunira les perfections ; mais on ne sauroit lui déférer ce titre glorieux dans l’état pitoyable où il se trouve ; et convenez avec moi, Monsieur, que ce frère, fait pour faire honneur à la famille, est un sujet déplorable, sans goût, sans esprit, sans imagination, qui mérite à tous égards d’être méconnu. […] Dégagé des préjugés de mon état et de tout enthousiasme, je considère ce spectacle compliqué comme celui de la variété et de la magnificence, ou comme la réunion intime des arts aimables ; ils y tiennent tous un rang égal ; ils ont dans les programmes les mêmes prétentions ; je ne conçois pas néanmoins comment la danse peut donner un titre à ces divertissemens puisqu’elle n’y est point en action, qu’elle n’y dit rien, et qu’elle n’a nulle transcendance sur les autres arts, qui concourent unanimement et de concert aux charmes à l’élégance et au merveilleux de ces représentations. […] En rapprochant toutes mes idées, en réunissant ce que les anciens ont dit des ballets, en ouvrant les yeux sur mon art, en examinant ses difficultés, en considérant ce qu’il fut jadis, ce qu’il est aujourd’hui et ce qu’il peut être si l’esprit vient à son aide ; je ne puis m’aveugler au point de convenir que la danse sans action, sans règles sans esprit et sans intérêt, forme un ballet, ou un poème en danse.

108. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre xvii » pp. 96-101

Lettre xvii Je vous ai annoncé dans mon avant-dernière lettre, Madame, que je ne vous nommerois que ceux des danseurs et danseuses qu’on peut regarder comme les modèles de leur art ; cependant ceux qui s’efforcent de les copier, ne sont pas sans mérite et je ne hazarderai rien, en avançant que dans le nombre des sujets qui contribuent aux charmes et à la magie des ballets, on en trouverait une douzaine au moins, capables de remplir avec succès les premières places dans les plus beaux théâtres de l’Europe, et qu’ils en feraient les délices et l’ornement. […] Mais les amateurs de cet art et les hommes de goût trouvent qu’elle abuse de ses moyens, et que par une imitation pernicieuse, elle se livre à des courses, à des gambades qui dégradent, la sagesse que ce genre exige. […] Mon âge, soixante années de travaux et de recherches, m’ont acquis, peut être, le droit de parler, de juger et de prononcer sur un art que j’ai approfondi, et au quel j’ai ouvert une nouvelle carrière. […] J’ai loué tout ce qui mérite de l’être et je me suis dispensé d’encencer les écarts et les erreurs qui sopposent à la perfection d’un art qui fait les délices de toutes les nations de l’Europe, et dont le temple pompeux s’élève avec majesté au centre de la capitale des sciences, des arts, des talens et du goût.

109. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE XI. » pp. 290-314

J’ai connu des Danseurs qui ont trouvé l’Art de dérober ce défaut à tel point qu’on ne s’en seroit jamais apperçu, si l’entrechat droit & les temps trop forts ne les avoient décelés. […] Si l’Art peut alors l’emporter sur la nature, de quels éloges le Danseur ne se rend-il pas digne ? […] On comprend au surplus que si ce vice de conformation provenoit de la difformité des os, tout travail seroit inutile & les efforts de l’Art impuissants. […] Ils sont gauches, ils ignorent l’Art de dérober leurs situations par des temps simples qui n’exigeant aucune force, donnent toujours le temps d’en reprendre de nouvelles ; ils ont de plus très-peu d’élasticité & percutent rarement de la pointe. […] Monsieur Vestris est jarreté, & les gens de l’Art ne s’en appercevroient point sans l’entrechat droit qui le trahit quelquefois ; c’est le meilleur ou le seul Danseur sérieux qui soit au Théatre ; il est élégant, il joint à l’exécution la plus noble & la plus aisée le rare mérite de toucher, d’intéresser & de parler aux passions.

110. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre VIII. » pp. 65-96

S’il n’a pas l’art de distribuer les lumières à propos, il affoiblit l’ouvrage du peintre, et il détruit l’effet de la décoration. […] Permettez moi, Monsieur, une digression ; quoiqu’étrangère à mon art, elle pourra peut-être devenir utile à l’opéra. […] Je bannirois tout arrangement symétrique dans les habits ; arrangement froid qui désigne l’art sans goût et qui n’a nul grace. […] il doit dèslors se délivrer d’une mode qui appauvrit l’art, et qui empêche le talent de se montrer. […] Le caprice ne conduisit point Mademoiselle Clairon, lorsqu’elle se dépouilla d’un ornement aussi ridicule qu’embarrassant ; c’est qu’elle avoit étudié toutes les parties de son art, et cherché à les rapprocher de la perfection.

/ 304