De là il est évident que le chant a son expression propre, indépendante de celle de l’articulation des paroles. […] Une voix sans agrément et mal conduite distrait autant de son propre ennui la personne qui chante, qu’une voix sonore et brillante, formée par l’art et le goût. […] Tel est le pouvoir de l’habitude, que sa figure mal dessinée, colossale et sans grâces, passait pour théâtrale : on prenait pour de la noblesse, une morgue insupportable ; pour gestes d’expression, des mouvements convulsifs qui n’étaient jamais d’accord avec les choses qu’elle devait exprimer ; et pour une voix propre à la déclamation, des sons durs, presque toujours forcés, et souvent faux. […] Il n’en est point qu’on puisse appeler belle, si tous les sons qu’elle peut rendre dans l’étendue qui lui est propre, ne sont entre eux dans une parfaite égalité. […] Mais ce chant formé de sons qui tiennent de la nature l’expression du sentiment qui leur est propre, a plus ou moins de force, plus ou moins de douceur, etc.
Et comme ce qu’il dit sur les spectacles est également applicable aux danses, je crois devoir rapporter ses propres paroles en substituant les danses aux spectacles. […] Le temps même du carême, « encore, dit-il, que ce soit un temps consacré à la pénitence, un temps de larmes et de douleur pour les chrétiens, un temps où, pour me servir des termes de l’Ecriture, la musique doit être importune, et auquel le spectacle et la comédie paroissent peu propres, et doivent, ce semble, être défendus ; l’auteur, dit M. […] Et de peur qu’on ne s’imagine que cette discipline des pénitens ne fût excessive ou déraisonnable, saint Thomas l’appuie de cette raison, que ces spectacles et ces exercices empêchent la récollection des pénitens, et que leur état étant un état de peine, l’Eglise a droit de leur retrancher, par la pénitence, même des choses utiles, mais qui ne leur sont pas propres, sans y apporter d’autre exception que le cas de nécessité, comme seroit la chasse, s’il en falloit vivre : tout cela conformément aux canons et à la doctrine des saints. » Est-il plus aisé d’allier les danses que les spectacles avec l’esprit de récollection et de componction, qui doit être en tout temps dans les chrétiens, et surtout dans les pénitens, mais qui doit particulièrement se renouveler en eux, et y être plus agissant dans les jours et les temps spécialement consacrés à la pénitence, comme le saint temps de carême, plus que tout autre ?
je ne puis m’en passer, sa peine m’inspira une idee ; je lui proposai de distribuer les chanteurs et de les placer derrière les coulisses, de telle sorte, que le public ne pût les appercevoir, et je promis de les remplacer par l’élite de mon corps de ballets, de lui f’aire faire tous les gestes propres à l’expression du chant et de combiner la chose de manière à persuader au public que les objets qu’il voyoit agir étoient ceux qui chantoient. […] Je ne demande point de vers ; je ne veux que des mots entrecoupés, des cris de désespoir et de douleur, et des exclamations propres à rendre plus effrayans les tableaux déchirans de la scène. […] Je leur demanderai si le sujet de Médée est bien joyeux, si une femme jalouse et barbare qui empoisonne sa rivale, brûle son père, poignarde ses propres enfans, et embrâse le palais de Créon, offre des peintures riantes et agréables ?
La Nature semble avoir chargé de penser pour eux certains êtres privilégiés qu’elle produit quelquefois pour sa propre gloire, et pour le bonheur du reste de l’humanité.
Nous commençons à considérer la danse dans ce qu’elle a de spécifique, nous en recherchons la définition propre et l’usage conforme à cette définition.
C’est pourquoi je prie le Lecteur de faire attention à cette méthode facile que je vais d’écrire ; on n’y trouvera que les propres mouvemens que la nature fait.