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3. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XI. » pp. 107-114

chaque passion a un accent particulier qui lui est propre ; elle a ses couleurs, ses nuances, ses dégradations ; je n’entreprendrai pas d’en faire l’analyse. […] Ne pourroit-on pas regarder ce qui constitue l’intonation parfaite, l’accent propre à l’organisation de la voix ; comme un instrument chargé d’une infinité de cordes, les quelles, pour être justes et sonores, doivent être montées par nos affections et accordées par les sentimens à tous les tons, et à tous les modes propres à exprimer les accens variés des passions. Ces cordes, quoique bien disposées, ne produiront entre elles que des sons faux et dissonants, lorsque l’art seul voudra les faire parler : mais elles obéiront, et rendront au contraire tous les tons propres au langage des passions, lorsqu’elles seront touchées par lâme, et que le coeur en déterminera toutes les vibrations. […] Au physique comme au moral, ou s’adonne plus volontiers aux unes qu’aux autres ; mais dans tous les cas l’exercice augmente l’énergie de l’organe ou de la faculté qu’on employe, ou dont on se sert davantage aux dépens de celle qu’on néglige le plus ; c’est une loi invariable de l’économie animale : Voilà pourquoi les jambes d’un danseur, et les bras d’un maître d’escrime ont tant de prestesse et d’agilité ; voilà pourquoi les mains de certains artistes acquièrent par la répétition des mouvemens une dexterité telle, qu’un homme habile dans un art n’est pas propre à passer subitement à l’exercice d’un autre, sans l’avoir étudié et sans en avoir contracté l’habitude ; voilà encore pourquoi le mathématicien profond qui analyse tout, ne brille point par les produits de son imagination, tandis que le poëte chez le quel elle est dans une activité continuelle, est souvent sujet à des erreurs de jugement.

4. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Avertissement. » pp. 33-34

Je ne doute pas que s’ils eussent travaillé d’après leur propre imagination, ils n’eussent fait aussi bien : du moins auroient-ils eu le mérite de l’invention. […] C’est d’après ces considérations que je me suis déterminé à faire imprimer ceux de mes programmes qui me sont restés ; car plus jaloux de la gloire et des progrès de mon art que de mon propre intérêt, j’en ai donné la majeure partie à mes élèves, ou à des artistes à qui ils pouvoient être utiles.

5. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre VIII. » pp. 81-87

La déclamation des anciens dans les beaux jours d’Athènes, et sous le règne éclatant d’Auguste, vous paroitra aussi extraordinaire que peu naturelle, et la description que je vais vous en faire, vous offrira des contes bien plus propres à vous ennuyer, qu’a vous intéresser, à choquer votre raison qu’à l’éclairer. […] Audronicus désespéré de sa situation supplia le public de lui permettre de faire réciter son rôle par son esclave, tandis que lui Andronicus feroit les gestes propres à prêter de l’énergie à la déclamation ; le public toujours avide de nouveauté applaudit, avec transport, à cette proposition : Un joueur de flutte accompagnoit les récits de l’esclave, tandis que l’acteur muet faisoit les gestes convenables au monologue. […] elles sont infidèles ; les ouvrages propres à nous éclairer, ont été déchirés, et brûlés par la main des barbares ; que nous reste-t-il donc ? […] C’est l’âme seule qui imprime sur les traits du visage et en caractères énergiques, les sentimens, les affections, les passions, les plaisirs et les peines qu’elle éprouve ; c’est, elle encore qui donne aux muscles de la physionomie ce jeu varié, et ces teintes propres à l’expréssion ; mais cette variété et cette mobilité seroit imparfaite, si les yeux n’y ajoutoient pas le signe de la vérité, et de la ressemblance ; je les comparerai a deux flamheaux faits pour éclairer tous les traits, et y répandre ce clair-obscur qui les distingue, et les fait valoir.

6. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre troisième — Chapitre I. Naissance du Théâtre »

Comme la représentation, et par conséquent l’imitation fut leur objet principal, il était naturel, que ces hommes extraordinaires, que la tradition avait agrandis dans leur mémoire, se présentassent les premiers à leur esprit, comme les sujets les plus propres à faire le fond des tableaux animés, qu’ils se proposaient de peindre. […] La Danse qu’on employait partout, ne manquait qu’au théâtre ; et elle y fut bientôt portée avec le caractère d’imitation qu’elle avait toujours eu, auquel on ajouta celui, de représentation qui était propre au local, où on venait de l’introduire.

7. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre deuxième — Chapitre IV. Des Bals »

On avait à peine joui quelques moments de cet agréable coup d’œil, qu’on vit successivement paraître pendant la durée de ce Festin, différentes troupes de Danseurs et de Danseuses représentant les habitants des Provinces voisines, qui dansèrent, les uns après les autres, les Danses qui leur étaient propres, avec les instruments et les habits de leur pays. […] [Voir Fête (Beaux-Arts)] Ces sortes d’embellissements aux Bals de cérémonie, leur ont donné quelquefois un ton de galanterie et d’esprit, qui a pu leur ôter l’uniformité languissante qui leur est propre. […] Le Roi avait fait prier par Billets tout ce qu’il y a de personnes les plus distinguées de l’un et de l’autre sexe de la cour et de la Ville, avec ordre de ne paraître au Bal qu’en habits des plus propres et des plus riches ; de sorte que les moindres habits d’hommes coûtaient jusqu’à trois à quatre cents pistoles. […] Pendant tout le temps qu’il y fut on ne dansa que des Danses graves et sérieuses, où la bonne grâce et la noblesse de la danse parurent dans tout son lustre. » À cette gravité si l’on ajoute les embarras du cérémonial, la froide répétition des mêmes Danses, les règles rigides établies pour le maintien de l’ordre de ces sortes d’Assemblées, le silence, la contrainte, l’inaction de tout ce qui ne danse pas ; on trouvera que le Bal de cérémonie, est de tous les moyens de se réjouir, celui qui est le plus propre à ennuyer.

8. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XII. » pp. 115-121

J e vous ai entretenu, Monsieur, dans une de mes précédentes lettres, des obstacles invincibles qui s’opposoient aux progrès de l’art pantomime ; obstacles que l’on ne connoissoit point à Rome ; je vous ai dit que le langage des gestes et des signes y étoit parfaitement entendu, parce qu’il existoit sous le règne d’Auguste des écoles, où on l’enseignoit ; il y avoit même des dictionnaires complets de cette langue muette, propre à exprimer chaque idée par un signe, ou par un geste quelconque. […] Vest ris le père avoit obtenu de la cour de France la permission de passer trois mois de chaque année à celle du Duc de Wurtemberg ; on trouvoif chez ce Prince ami des arts, des talens et de le magnificence, la danse la plus belle, la plus nombreuse et la mieux exercée : Les rares talens de Vestris quant à la partie mécanique mirent le sceau à la perfection qu’on y remarquoit ; ce beau danseur ne s’étoit point exercé à l’art pantomime, inconnu alors à l’opéra ; étonné de ma manière de faire et de la nouveauté de mon genre, il sentit qu’il avoit en lui les moyens propres à peindre et à exprimer les passions ; je lui fis jouer successivement les rôles de Renaud dans le ballet d’Armide ; d’Admete dans celui d’Alceste ; de Jason dans Médée ; de Danaüs dans les Danaïdes ; de Pluton dans Proserpine ; d’Hercule dans le ballet de ce nom, d’orphée etc. ; il joua ces différens rôles avec une perfection rare, et encouragé par les succuès qu’il avoit obtenu dans ce nouveau genre, il donna à l’opéra mon ballet de Médée et Jason ; cette scène tragique fut reçue avec enthousiasme et ce fut pour la première fois que la danse en action fit répandre des larmes aux spectateurs. […] où en sera-t-il lorsqu’il essayera de composer nn pas de progression propre à terminer la finale d’un grand ballet ?

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