Le nom seul de cachucha faisait redresser les perruques et grincer les pochettes des maîtres de ballet. « En effet, que signifient, s’écriaient les classiques, cette démarche onduleuse et brisée, ces yeux noyés d’amour, ces bras morts de volupté, cette tête qui s’incline comme une fleur trop chargée de parfum, cette taille flexible et cambrée qui se renverse éperdument en arrière de façon à faire toucher presque la terre aux épaules, les mains agiles et fluettes qui réveillent la langueur de l’orchestre par le pétillant caquetage des castagnettes ?
» Voulons-nous donc obtenir un jour un jugement favorable, de la vérité qui doit nous juger après notre mort ?
Chaque jour une colonne de son journal était remplie de ces laconiques sentences de mort.
. — Vous avez sans doute vu quelques-uns de ces tableaux où Rembrandt, Teniers et Eugène Isabey entassent, avec un caprice de brosse et une fantaisie de désordre admirables, des matras au ventre d’hippopotame, des alambics au bec allongé en trompe d’éléphant, des fioles au col grêle, perchées au bord d’une planche comme des cigognes en méditation, des siphons enroulés sur eux-mêmes en manière de serpents, des crocodiles empaillés, des bouquins agrafés de cuivre, des parchemins jaunis, des têtes de morts au rire décharné, des mappemondes, des macrocosmes, des télescopes, des abracadabras, des tables cabalistiques, tout ce monde poussiéreux, rance, moisi, fétide, éraillé de la sorcellerie et de l’astrologie judiciaire. — La lune éclaire d’un rayon livide ce taudis hasardeux, allant accrocher dans l’ombre une paillette d’argent sur la bedaine d’un énorme flacon de verre que vous prendriez pour un de ces vases où l’on met rafraîchir l’agraz en Espagne.
L’admiration qu’il excitait s’accompagnait du regret que tant de vie, de grâce et d’énergie fussent dépensées à vouloir ranimer des fictions mortes.
« Je pleurais, dit-il, sur le mont Apennin la mort de la tendre Eurydice ; j’ai appris l’union de deux amans dignes de vivre l’un pour l’autre, et j’ai senti pour la première fois, depuis mon malheur, quelque mouvement de joie ; mes chants ont changé avec les sentiments de mon cœur ; une foule d’oiseaux a volé pour m’entendre, je les offre à la plus belle princesse de la terre, puisque la charmante Eurydice n’est plus ». Des sons éclatants interrompirent cette mélodie ; Atalante et Thésée conduisant avec eux une troupe leste et brillante, représentèrent par des danses vives une chasse à grand bruit : elle fut terminée par la mort du sanglier de Calydon, qu’ils offrirent au jeune duc en exécutant des ballets de triomphe. […] Les Comédiens-Français y représentèrent une pièce en cinq actes : elle avait été composée par feu Coypel, qui est mort premier peintre du Roi, et qui a laissé après lui la réputation la plus désirable pour les hommes qui, comme lui, ont constamment aimé la vertu.