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10. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XII. » pp. 115-121

J e vous ai entretenu, Monsieur, dans une de mes précédentes lettres, des obstacles invincibles qui s’opposoient aux progrès de l’art pantomime ; obstacles que l’on ne connoissoit point à Rome ; je vous ai dit que le langage des gestes et des signes y étoit parfaitement entendu, parce qu’il existoit sous le règne d’Auguste des écoles, où on l’enseignoit ; il y avoit même des dictionnaires complets de cette langue muette, propre à exprimer chaque idée par un signe, ou par un geste quelconque. […] Le geste noble simple et naturel est l’ornement du discours ; il prêté de la dignité aux pensées, de l’énergie aux phrases ; il fortifie et augmente le charme de 1’ éloquence ; il est à l’homme qui parle, ce que sont les accompagnemens à l’homme qui chante. Le geste conventionnel est ridiculement mauvais ; le geste étudié devant une glace est faux et infidèle ; le geste qui est mu par le sentiment ou les passions, est juste et expressif ; il devient l’interpréte de l’âme et des agitations diverses qu’elle éprouve. Le geste, comme je l’entends, est un second organe que la nature à donné à l’homme ; mais il ne se fait entendre que lorsque l’ame lui ordonne de pailer.

11. (1775) La littérature renversée, ou l’art de faire des pièces de théâtre sans paroles [graphies originales] « Lettre, d'un grand sauteur. A M. de Voltaire, sur les pantomimes . » pp. 17-37

Notre Scène comique va bientôt aussi ne peindre que par des gestes les ridicules des hommes. […] Avant d’introduire la parole dans les Drames, on aura commencé par les gestes tout simplement. […] « J’ai cherché la clarté dans le geste, la simplicité dans la marche. […] « Je crois bien que vous m’en saurez bon gré ; quant à ces personnes dont je vous parle, je suis bien fâché de ne pouvoir les satisfaire ; mais je leur répondrai, & vous appuierez mon avis, sans doute, que pour bien exceller dans l’Art Pantomimique, il faut mettre la chose pour le mot, & rien de plus ; que des gestes de situation profondément sentis, valent cent fois mieux que des gestes faits par l’esprit, pour refroidir l’ame ; qu’enfin il faut préférer le geste qui fait vivre un ouvrage, à celui qui sait briller l’Acteur » : soit dit en passant, ceci peut encore servir de règle pour les Théâtres, où la parole est en usage ; car je ne prétends pas moins qu’à la gloire d’éclairer mon siècle .... […] Il me suffira de citer deux ou trois Tragédies, dans lesquelles un geste, un regard, font le plus grand effet.

12. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Avant-propos. » pp. -

De son coté, le maître de ballets s’élançant au de là des bornes du matériel de son art, cherche dans ces mêmes passions, les mouvemens et les gestes qui les caractérisent, et liant de la même chaîne les pas, les gestes et l’expression de la figure aux sentimens qu’il veut exprimer, il trouve dans la réunion de tous ces moyens, celui d’opérer les effets les plus étonnans. On sait jusqu’où les Pantomimes anciens poussèrent l’art d’émouvoir par le geste. […] Elle ne fait qu’indiquer par des pas, des gestes, des mouvemens, et par l’expression de la physionomie la situation et les sentimens de chaque personnage ; et elle laisse à chaque spectateur le soin de lui prêter un dialogue qui est d’autant plus juste qu’il est toujours en mesure avec l’émotion que l’on a reçue. […] Un pas, un geste, un mouvement et une attitude disent ce que rien ne peut exprimer : plus les sentimens que l’on a à peindre sont violens, moins il se trouve de mots pour les rendre. Les exclamations qui sont comme le dernier terme où le langage des passions puisse monter deviennent insuffisantes et alors elles sont remplacées par le geste.

13. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur la danse moderne »

Les danseurs et les danseuses les exécutaient avec les pas et les gestes les plus indécents. […] Les gestes ont été de la même manière la source primitive de ce que les anciens et nous avons appelé danse. Voyez l’article suivant [Geste (Danse)]. Pour parler du geste d’une manière utile aux Arts, il est nécessaire de le considérer dans ses points de vue différents. […] ) la Danse est l’art des gestes ; on a expliqué à cet article dans les volumes précédents l’objet et l’origine de cet art.

14. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE X. » pp. 261-289

Je crois, Monsieur, que l’Art du geste est resserré dans des bornes trop étroites pour produire de grands effets. […] Les anciens étoient nos Maîtres à cet égard, ils connoissoient mieux que nous l’Art du geste, & c’est dans cette partie seule de la Danse qu’ils l’emportoient sur les modernes. […] Le geste puise son principe dans la passion qu’il doit rendre ; c’est un trait qui part de l’ame, il doit faire un prompt effet, & toucher au but, lorsqu’il est lancé par le sentiment. […] Que mes confreres se persuadent que j’entends par gestes les mouvements expressifs des bras soutenus par les caracteres frappants & variés de la physionomie. […] Mais ces derniers n’ont-ils pas les gestes, les attitudes, les pas & la musique que l’on doit regarder comme l’organe & l’interprete des mouvements successifs du Danseur ?

15. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre IX [X] » pp. 97-106

Suivant cet auteur la musique dirige nos sentimens et nos affections ; elle donne de la grace an corps et aux gestes ; elle règle toutes les infléxions de la voix, et les mouvemens de la tête, St. […] Les infléxions de la voix, dans le discours, me paraissent encore étrangères à la musique ainsi que le geste ; il suffit d’avoir une âme. […] Mais on ne peut raisonnablement appeller danse une marche grave ou vive, on des gestes qui n’avoient d’autre expréssion que celle de la gratitude, et d’une admiration respectueuse. […] La représentation théatrale partagée entre l’acteur récitant, et l’acteur faisant les gestes passe ma conception ; si j’ajoute à cette méthode peu naturelle, un troisième personnage chaussé d’une sandale de fer, frappant rudement le plancher pour marquer la mesure de chaque geste ; si je parle ensuite d’une flûte gauche nommée Tibia, faite avec la partie la plus grosse du roseau, dont le son devoit approcher de celui du Basson, et qui servoit à accompagner l’acteur ; si je compare le son de ce frêle instrument avec celui de la voix qui sortoit avec fracas du cornet adapté à l’enorme bouche du masque de l’acteur ; mes conjectures se perdent, ma raison se tait, et c’est vainement que je cherche ce sage, ce vrai, ce naturel qui embellit les arts ; je n’apperçois sur cette scène antique qu’un amas de ridicules et d’invraisemblances. […] Ces deux acteurs modernes nous montroient la nature embellie par les charmes de l’art ; on voyoit leurs formes et leur physionomie ; on voyoit naitre et éclore sur leurs traits tous les signes des passions, et toutes les nuances des affections de l’âme ; on entendoit le langage de leurs yeux, et les feux qui s’en échappoient, répandoient une lumière vive sur toutes les parties de leur physionomie ; leurs gestes libres, mûs par l’ame, étoient naturels ; imprimoient de la force aux mots, et ajoutoient une nouvelle puissance à leur déclamation.

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