Les Romains qui se sont fait une gloire de surpasser toutes les nations par leurs prodigalitez, ont ajoûté quelquefois des Loteries aux festins & aux bals, dont les lots noires étoient distribuez gratis aux conviez de ces sortes d’assemblées ; surtout à la célébration des mariages, où l’on dansoit des danses nuptiales fort licentieuses, qu’ils tenoient des Latins & des Toscans, & qui avoient beaucoup de rapport à celles des Baccantes & des Satyres, c’est-à-dire très impudiques : comme elles tendoient à la corruption des mœurs, elles furent abolies par l’Empereur Tibere, qui réforma autant qu’il put le luxe des Romains pendant son régne. […] Quatre jeunes Seigneurs de la Cour, après avoir soupé aux Bons-Enfans, s’aviserent d’aller incognito à ce bal, mais d’une maniere fort surprenante, puisqu’ils étoient tout nuds, enveloppez de manteaux d’écarlate, doublez de velours, des chapeaux garnis de grands bouquets de plumes, bien chaussez, & sans masques, parce que dans ce tems-là on ne se masquoit que pendant le cours du Carnaval ; ils avoient leurs épées cachées sous leurs bras : desorte qu’il ne fut pas difficile de les reconnoître pour ce qu’ils étoient. […] Enfin n’en voulant point démordre, & le Cavalier ne sçachant plus que lui répondre, entra dans le centre du bal ; & laissant tomber son manteau, il fit voir à la mariée un corps de Satyre au naturel : ce qui scandalisa toute l’assemblée ; les Dames eurent recours à leurs éventails, les hommes coururent à leurs épées, & criérent qu’on fermât les portes ; mais ces jeunes Seigneurs se doutant bien de ce qu’il en pourroit arriver, avoient eu la précaution d’ordonner à leurs valets de s’en emparer : ils mirent tous l’épée à la main, aussi-bien que leurs Maîtres ; desorte qu’ils se firent jour pour sortir, sans coup férir. […] Les filles d’honneur des Reines vêtues très également, partie en Nymphes, partie en Naïades ; elles avoient le soin de ranger les plats sur les tables, de donner à boire à la table Royale : des Satyres sortant du Bois, leur apportoient tout ce qui convenoit pour le service ; desorte qu’il sembloit que la fête étoit ordonnée par quelque Divinité champêtre, & que Comus y présidoit. […] L’Histoire remarque que du tems d’Henri IV. les treize Cantons avoient envoyé un très-grand nombre de Bourguemestres à Paris, pour renouveler leurs alliances ; ce qui se fait depuis tous les cinquante ans.
« Les Juifs, dit-il, n’avoient de spectacles pour se réjouir que leurs fêtes, leurs sacrifices, leurs saintes cérémonies. Gens simples et naturels par leur institution primitive, ils n’avoient jamais connu ces inventions de la Grèce… Le peuple innocent et simple trouvoit un assez agréable divertissement dans sa famille, parmi ses enfans : c’est où il venoit se délasser, à l’exemple de ses patriarches, après avoir cultivé ses terres ou ramené ses troupeaux, et après les autres soins domestiques qui ont succédé à ces travaux ; et il n’avoit pas besoin de tant de dépenses, ni de si grands efforts pour se relâcher. » L’endroit de saint Jean Chrysostôme que M. […] Vous avez les paroles de la vie éternelle ; mais encore ceux même qui étoient venus pour se saisir de sa personne, répondoient aux pharisiens qui leur en avoient donné l’ordre : Jamais homme n’a parlé comme cet homme.
Mais au nom d’Auguste, et plus encore à la voix de Mécène, les marbres de leurs tombes s’ébranlèrent et s’ouvirent ; et s’emblables au Phénix qui renait de sa cendre ils réssuscitèrent pour ainsi dire, et se montrèrent à Rome avec éclat ; ils y déployèrent toutes leurs richesses, et firent presque pour elle ce qu’ils avoient fait pour Athènes. […] Le goût cessa de présider aux productions des arts ; les théatres n’eurent plus de modèles et les spectacles n’offrirent que les tableaux dégoûtants de la crapule, et du libertinage ; les Romains perdirent leur moralité ; les grands associèrent leurs débauches à celles de ces bas farceurs, les dames Romaines, et leurs filles joüoient avec eux les scènes les plus indécentes, et se prostituèrent sans aucun ménagement, libère successeur farouche d’Auguste n’aimoit ni les talons, ni les théâtres ; il chassa de Rome tous les Baladins, et fit fermer les théâtres ; mais la passion éffrénée que les Grands avoient pour les représentations licencieuses, les détermina à donner azile dans leurs palais à tous ces crapuleux histrions. […] Il prononça de nouveau l’arrêt de bannissement, répudia sa femme, fit massacrer Paris, et assassiner son éleve, parceque ses traits avoient de la ressemblance avec ceux de son maître.
Mais comme il est aussi difficile de marcher, sans s’égarer, dans les routes obscures de l’antiquité, que d’anatomiser des objets presque décharnés , et de distinguer exactement ceux dont la forme se perd dans l’immesurable distance des siècles, il faut présumer avec les commentateurs raisonnables, que les anciens avoient des gestes de convention, qui devenoient les signes représentatifs de telle ou telle chose, j’en ai parlé avec assez d’étendue dans mes lettres précédentes ; j’ai même avancé qu’il a existé des dictionnaires explicatifs de tous les gestes possibles. […] Les interlocuteurs avoient un accoutrement si bizarre, qu’il n’est pas possible de croire qu’une telle mascarade pût produire de si grands effets ; pour suppléer à l’immensité des théâtres et aux dégradations du lointain, et pour n’avoir pas l’air Pygmée, ces acteurs avoient des cothurnes très-exhaussés, des ventres postiches, des têtes ou masques affreux, dont la bouche étoit ouverte et béante ; ces masques énormes emboitoient toute la tête ; leur base étoit appuyée sur les épaules ; une espèce de cornet se terminoit en s’évasant vers la bouche de ces visages postiches et hideux, et répercutoit les cris de l’acteur ; l’attirail gigantesque et monstrueux de celui-ci ne lui permettoit aucun mouvement des bras ; mais un pantomime, vêtu sans doute plus lestement, faisoit les gestes, pendant que le comédien déclamoit ; ces gestes et cette déclamation étoient accompagnés par l’orchestre ; la musique, comme on doit le supposer, fortifioit l’expression du pantomime, règloit ses gestes et en déterminoit l’action dans des tems justes et mesurés ; elle ménageoit encore à l’acteur essoufflé, et enterré, pour ainsi dire, sous un harnois incommode, le temps de reprendre baleine.
Ses sons foibles & inarticulés avoient besoin d’être soutenus par la Musique & d’être expliqués par la Poésie, ce qui équivaut sans doute à l’espece de Héros d’Armes du Théatre, au Crieur public dont je viens de vous parler. […] Tout Ballet qui dénué d’intrigue, d’action vive & d’intérêt, ne me déploie que les beautés méchaniques de l’Art, & qui décoré d’un titre ne m’offre rien d’intelligible, ressemble à ces Portraits & à ces Tableaux que les premiers Peintres firent, au bas desquels ils étoient obligés d’écrire le nom des personnages qu’ils avoient voulu peindre, & l’action qu’ils devoient représenter ; tant l’imitation étoit imparfaite, le sentiment foiblement exprimé, la passion mal rendue, le dessein peu correct, & le coloris peu vraisemblable. […] Il seroit avantageux, Monsieur, aux Auteurs de secouer le joug & de quitter la gêne, si toutefois ils avoient la sagesse de ne pas abuser de la liberté, & d’éviter les pieges qu’elle tend à l’imagination ; pieges dangereux dont les Poëtes Anglois les plus célebres n’ont pas eu la force de se garantir.
Cette salle très-sale et très-ridiculement construite, étoit enterrée dans les batimens du Palais Royal et annonçoit la plus antique barbarie, à une époque, où l’esprit et le goût, les connoissances et les lumières avoient été portés à leur perfection.
Des gens d’esprit et de goût m’ont assuré, que la partie dansante de ces deux compositions, étoit brillante et remplie de charmes ; mais que l’action pantomime et l’expression qui en est l’âme, n’avoient pu se déployer dans deux sujets également mal-choisis, totalement dénués d’intrigues et incapables de fournir au compositeur de grands traits et d’heureuses situations. […] si ces deux dernières productions avoient obtenu un succès égal aux quatre premières, on n’auroit pas songé à parler de l’incorrection et des négligences qui règnoient dans leurs descriptions.
Cependant en y réfléchissant, j’ai pensé que ces programmes pourroient avoir quelqu’utilité, ou plutôt qu’ils en avoient une très réelle ; en effet, c’est d’après eux que la plupart des ballets qu’on a donnés au public depuis moi ont été dessinés ; on a fait mieux, on ma fait l’honneur d’en prendre plusieurs et de les suivre scène par scène.
. ; elle supprima les jupes et les manches de ses vêtemens ; elle proscrivit toutes les étoffes qui n’avoient point de transparence : des gazes légères et des crêpes encore plus légers composoient ses vêtemens que le souflé des zéphirs faisoit voltiger à son gré et à celui des amateurs de la belle nature. […] Ils avoient cinq boucles de cheveux de chaque côté poudrées à blanc, un toupet très-exhaussé, nommé improprement toupet à la Grèque. […] Le résultat de mes observations vous prouvera que chaque siècle a eu ses ridicules et que les goûts les plus bizarres se sont introduits furtivement, a des époques mêmes, où les sciences, les talens et les arts avoient atteint le plus haut dégré de splendeur et de perfection.
Le plaisir & la douleur produisent des mouvemens au-dehors ; comme la fureur divine qui est un mouvement surnaturel, est obligée de se faire sentir par des transports extraordinaires, l’ame ne la pouvant recevoir qu’elle ne se répande sur le corps : c’est pour cela que les anciens avoient des airs & des chants convenables aux passions. […] Toutes ces danses diversifiées de gestes, d’actions & de mouvemens, avoient leur nom particulier, qu’il seroit difficile de rapporter du Grec en notre Langue, pour les faire bien entendre : on peut avoir recours à l’Auteur, si l’on est curieux de les avoir.
Sophocle et Euripide, après eux, n’introduisirent rien de nouveau ; ils perfectionnèrent seulement la tragédie, et ne changèrent aux masques d’Eschyle que la forme dont ils avoient besoins, pour les différents caractères de leurs pièces. […] Les anciens avoient encore des masques à deux visages ; le profil du côté droit étoit gai, celui du coté gauche étoit triste et de mauvaise humeur. […] Ces masques énormes étoient sculptés en bois, et d’une pésanteur considérable ; ils enveloppoient toute la tête, et ils avoient pour base les épaules. […] On seroit presque tenté de croire que les anciens n’avoient aucune idée de la danse analogue à celle de nos jours : car, comment concilier notre exécution vive et brillante avec l’attirail lourd des Grecs et des Romains ? […] Les danseurs avoient-ils moins besoin de s’enfler et de se grossir ?
Sophocle & Euripide après eux n’introduisirent rien de nouveau ; ils perfectionnerent seulement la Tragédie, & ne changerent aux masques d’Eschyle que la forme dont ils avoient besoin pour les différents caracteres de leurs pieces. […] Ces masques énormes étoient sculptés en bois, & d’une pesanteur considérable ; ils enveloppoient toute la tête, & ils avoient pour base les épaules. […] On seroit presque tenté de croire que les anciens n’avoient aucune idée de Danse analogue à celle de nos jours ; car comment concilier notre exécution vive & brillante avec l’attirail lourd & incommode des Grecs & des Romains. […] Les Danseurs avoient-ils moins besoin de s’enfler & de se grossir ? […] Les anciens avoient des bras, & nous avons des jambes : réunissons, Monsieur, à la beauté de notre exécution, l’expression vive & animée des Pantomimes ; détruisons les masques, ayons une ame, & nous serons les premiers Danseurs de l’Univers.
Mes lettres n’étoient pourtant que le frontispice du monument que je me proposois d’élever à la danse en action, et que les Grecs avoient nommée pantomime. […] Cette correspondance me donna lieu de parler des acteurs qui avoient enrichi de leurs talens les différens théatres de l’Europe.
Raphaël, Michel-Ange, le Titien, Paul Veronèse, le Tintoret, l’Albane, le Corrège, Rubens etc. ont une couleur absolument différente : cependant tous avoient le même objet, celui d’imiter fidélement la nature. […] Bon s’ils n’avoient en vue que l’état actuel de la poésie, et la décadence de l’art dramatique ; mais les autres arts soutiennent leur ancien éclat. […] Cette heureuse métamorphose, ce retour à la pudeur qui embellit la beauté même, inspirera aux hommes cette politesse, ces égards et ce respect qui regnoient autrefois, et qui avoient acquis aux Français la réputation d’être le peuple le plus aimable, le plus galant et le plus intéressant de l’Europe.
Ses sons foibles et inarticulés avoient besoin d’être soutenus par la musique et d’être expliqués par la poësie, ce qui équivaut sans doute à l’espèce de héraut d’armes du théâtre, au crieur public dont je viens de vous parler. […] Il seroit, peut être avantageux, Monsieur, aux auteurs de secouer un peu le joug, et de diminuer la gêne, si toutefois ils avoient la sagesse de ne pas abuser de la liberté, et d’éviter les piéges qu’elle tend à l’imagination ; piéges dangereux dont les poètes Anglais les plus célèbres n’ont pas eu la force de se garantir.
Cramer, que la mort a enlevé à son art, aux amateurs, à sa famille et à ses amis, m’a assuré qu’indépendemment des bienfaits de la cour, les concerts des années 1793 et 1794 avoient produit un fond de 6500 guinées.
A peine est-il permis à un maitre de ballets de faire changer le mouvement d’un air ancien ; on a beau leur dire que nos prédécesseurs avoient une exécution simple, que les airs lents s’ajustoient à la tranquillité et au flégme de leur exécution ; vains efforts ! […] Que n’eût-il pas fait, si l’usage de se consulter mutuellement eût règné à l’opéra, si le poète et le maître de ballets lui avoient communiqué leurs idées, si l’on avoit eu soin de lui esquisser l’action de la danse, les passions qu’elle doit peindre successivement dans un sujet raisonné, et les tableaux quelle doit rendre dans telle ou telle situation ! […] Nous avons enfin des jambes et une exécution que nos prédécesseurs n’avoient point : cette raison devroit déterminer, ce me semble, les musiciens à se varier dans leurs mouvemens, et à ne plus travailler pour ceux qui n’existent que dans la mémoire du public, et dont le genre est presqu’éteint. […] Il est certain qu’il n’appartient qu’au mérite supérieur d’innover, et de changer en un instant la forme des choses aux quelles l’habitude, bien moins que le gout et la réflexion nous avoient attachés. […] Nous en avions un du second genre dans le tremblement de terre fait pour le second acte des Indes galantes, que l’orchestre ne pût jamais exécuter en 1735, et dont l’effet avoit été néanmoins surprenant dans l’epreuve ou dans l’essai que des musiciens habiles et de bonne volonté en avoient fait en présence de M.
A peine est-il permis à un Maître de Ballets de faire changer le mouvement d’un air ancien ; on a beau leur dire que nos Prédécesseurs avoient une exécution simple ; que les airs lents s’ajustoient à la tranquillité & au flegme de leur exécution : vains efforts ! […] Que n’eut-il pas fait si l’usage de se consulter mutuellement eût régné à l’Opéra, si le Poëte & le Maître de Ballets lui avoient communiqué leurs idées, si on avoit eu le soin de lui esquisser l’action de la Danse, les passions qu’elle doit peindre successivement dans un sujet raisonné, & les Tableaux qu’elle doit rendre dans telle ou telle situation ! […] Nous avons enfin des Jambes & une exécution que nos prédécesseurs n’avoient point ; cette raison devroit déterminer, ce me semble, les Musiciens à se varier dans leurs mouvements, & à ne plus travailler pour ceux qui n’existent que dans la mémoire du Public, & dont le genre est presque éteint. […] Il est certain qu’il n’appartient qu’au mérite supérieur d’innover & de changer dans un instant la forme des choses auxquelles l’habitude, bien moins que le goût & la réflexion nous avoient attachés. […] Nous en avions un du second dans le tremblement de terre fait pour le second Acte des Indes Galantes, que l’Orchestre ne put jamais exécuter en 1735, & dont l’effet avoit été néanmoins surprenant dans l’épreuve ou dans l’essai que des Musiciens habiles & de bonne volonté en avoient fait en présence de M.
Les Fêtes Saturnales chez les Romains, avoient tant de rapport à la licence de notre Carnaval, qu’on ne peut pas douter que ce ne soit de-là que le bal masqué tire son origine. […] Mais les Suisses qui avoient ordre de ne laisser entrer les masques que par billets, refuserent l’entrée à la bande du Roi, quoiqu’il fût une heure après minuit.
Cette représentation eut le plus grand succès ; mais moins indulgent que le public, je me jugeois sévèrement ; et ayant toujours préféré la qualité à la quantité ; m’étant fortement persuadé que les longueurs dans un ballet en action effacent les impressions reçues ; je fus très fâché de m’avoir pas cousu mon divertissement à la fin du second acte ; en diminuant les longueurs, je n’aurois pas éteint le feu que l’action et l’expression avoient allumé ; ni amorti les impressions vives qu’elles venoient de faire éprouver au spectateur. […] Ces hommes rares avoient porté leur art au dernier dégré de la perfection ; mais ces précieux modèles ont été oubliés ; moi-même, Monsieur, je ne suis plus aujourd’hui considéré que comme un vieux radoteur incommode ; cependant ou s’attache à m’imiter, mais hélas !
Les talens de Mademoiselle Dumesnil l’avoient électrisée, et elle marcha d’un pas rapide dans la carrière que cette actrice inimitable s’étoit frayée. […] Mademoiselle Dangeville l’avoit enchanté dans les rôles de soubrettes ; la finesse de son jeu, le tatillonage propre à son emploi, la volubilité nuancée de sa diction, l’intérêt soutenu qu’elle mettoit a la scène, lui avoient acquis des droits à l’estime que Garrick montroit pour ses talens accomplis. […] Je lui répondis que le mépris des comédiens du Roi pour les acteurs de province, étoit d’autant plus ridicule, qu’ils y avoient presque tous débutés ; et que le public de nos villes de parlement étoit aussi éclairé, et même avoit moins d’indulgence que celui de la capitale.
Ces prétendues fêtes n’offroient que de grossières caricatures, et prouvoient combien ceux qui les imaginoient, avoient peu de talens pour ce genre.
Je me contenterai d’observer que le local étoit trop grand, et la fête trop petite ; que le temps, pour la concevoir et l’exécuter, étoit trop court, et la dépense trop mince ; que cette fête allégorique qui devoit retracer majestueusement tout ce que nos victoires ont eu d’éclatant, ne peignoit rien et n’avoit rien d’imposant, ni de relatif à son titre ; que les auteurs, en manquant le but, n’avoient offert qu’un galimatias de petites choses incohérentes, nullement propres à inspirer l’enthousiasme.
Le docteur Pangloss a dit d’après Pope, plus grand docteur que lui, que tout étoit bien, que tout alloit bien et que nous vivions dans le meilleur des mondes possibles ; je doute qu’ils eûssent l’un et l’autre avancé cette opinion s’ils avoient été maîtres des ballets de l’opéra.
Guymard fixa les applaudissemens du public depuis son début jusqu’à sa retraite ; les grâces l’avoient douée de leurs dons ; elle en avoit les agrémens et les charmes.
Il est vrai que les Anciens ont regardé les Poëtes & les Peintres d’un même œil, puisqu’ils étoient dispensez de rendre compte aux Juges des effets de leurs imaginations, & que la Satyre leur étoit permise pour corriger les vices : c’est pourquoi nous voyons qu’Homere attaque hardiment les Dieux, de même que les Peintres les ont tournez en ridicule, en les représentant sous la figure de plusieurs animaux, que l’on prétendoit qu’ils avoient prise pour satisfaire leurs passions. […] Ainsi il est constant que la route qu’ont suivi les Poëtes qui sont venus depuis ce tems-là, étoit toute marquée, & que la véritable idée de la Poésie ne s’est point perdue ; ou du-moins il étoit aisé de la retrouver, en recourant aux ouvrages & aux régles infaillibles dont je viens de parler : au lieu que la Peinture a été entierement anéantie pendant un fort long-tems, soit par la perte de quantité de volumes qui, au rapport de Pline, en avoient été composez par les Grecs, soit par la privation des ouvrages dont les Auteurs de ces tems-là nous ont dit tant de merveilles ; car je ne compte que pour très peu de choses quelques restes de peinture antique que l’on voit à Rome : comme en effet l’Histoire remarque qu’en 1240 l’Italie étoit si dénuée de Peintres, que quelques Princes en ayant besoin pour embellir leurs Palais, ils en firent venir de la Gréce, qui étoient même assez grossiers ; mais qu’un nommé Cimabué, natif de noble famille de Florence, se trouva un génie si porté à la Peinture, qu’il en fut le restaurateur, & que Giotto son disciple le surpassa de beaucoup par les conseils & les pensées que le Dante Poëte fameux de ce tems-là lui donnoit, lorsqu’il s’agissoit de peindre de grands sujets de fables de l’Antiquité ; de même qu’un Simon Memmy fut un excellent Peintre pour les portraits : il peignit Pétrarque & la belle Laure son amie. […] Les Poëtes de ces tems-là ont reçû des honneurs & des récompenses infinies ; ils ont été excitez par des prix que l’on donnoit à ceux dont les Piéces avoient un succès plus heureux que celles de leurs concurrens ; tous les genres de la Poésie ont eu leurs louanges & leurs protecteurs. […] Si après ce premier mouvement on regarde les effets qu’elle produit sur l’esprit, il faut tomber d’accord que la Poésie, comme la Peinture, a la propriété d’instruire ; mais celle-ci le fait plus généralement ; elle instruit les ignorans aussi-bien que les doctes ; nous voyons même dans l’Histoire de la Conquête du Méxique, que ces peuples n’ayant pas l’usage de l’écriture, envoyoient des relations en peinture de ce qui se passoit dans le Royaume d’une Province à l’autre, par l’expression de la Peinture dont ils avoient l’usage au défaut de l’écriture ; desorte que sans ce secours il est difficile de bien pénétrer dans le reste des Arts, parce qu’ils ont besoin de figures démonstratives pour être bien entendus. […] Cela est si vrai, que les fausses Divinitez qui ont donné lieux aux fables, n’ont été employées par les Poëtes dans leurs fictions, que parce que les Peintres & les Sculpteurs les avoient déja exposées aux yeux des Egiptiens pour les adorer.
Lorsque ces principes immuables seront adoptés, on sera tout-étonné d’avoir pris le change, et d’avoir applaudi comme ballets des pantomimes tièdes, insipides, et dont on auroit absolument ignoré le sens, si des airs de Vaudevilles très connus et très communs, ne leur avoient servis de truchement, et n’avoient suppléé au vague, au décousu d’une foule de gestes insignifians dont ces misérables farces étoient remplies. […] Sous le règne de la féodalité les seigneurs avoient des troupes ; sans cesse en guerre avec leurs voisins, ils portoient partout la désolation, l’effroi et la mort. […] Bradamante arrivée dans la grotte de l’anchanteur Merlin y étoit reçue par Mélisse, Fée bienfaisante, elle avoit appris par le pouvoir de son art magique que le coeur de Roger et celui de Bradamante avoient été percés du même trait.
je serois tenté de le croire, puisque le plus grand nombre des Compositeurs sacrifient les beautés de la Danse, & abandonnent les graces naïves du sentiment, pour s’attacher à copier servilement un certain nombre de figures dont le Public est rebattu depuis un siecle ; de sorte que les Ballets de Phaëton ou de tout autre Opéra ancien, remis par un Compositeur moderne, différent si peu de ceux qui avoient été faits dans la nouveauté de ces Opéra, que l’on s’imagineroit que ce sont toujours les mêmes.
Quel rapport entre ce mélange indécent et sans pudeur, de personnes de différent sexe, pour se livrer à la licence d’une joie folle et criminelle, et ces chœurs de femmes qui répétoient avec une harmonie majestueuse les hymnes sacrées, après que les chœurs d’hommes les avoient entonnées ? […] Celles-là donc avoient pour unique fin une affection véhémente de donner louange à Dieu avec le témoignage d’une joie sainte ; et celles-ci ne tendent au contraire qu’à prendre et à donner du plaisir.
Tel est l’effet de l’engourdissement et de l’espèce de léthargie dans les quelles cette méthode jette l’esprit, que j’ai vû plusieurs maîtres de ballets obligés de quitter leur répétition, parce qu’ils avoient égaré leurs cahier, et qu’ils ne pouvoient faire mouvoir leurs figurans, sans avoir sous les yeux le mémorial de ce que les autres avoient composé.
Tel est l’effet de l’engourdissement & de l’espece de léthargie dans lesquels elle jette l’esprit, que j’ai vu plusieurs Maîtres de Ballets obligés de quitter la répétition, parce qu’ils avoient égaré leur cahier & qu’ils ne pouvoient faire mouvoir leurs figurants sans avoir sous les yeux le mémorial de ce que les autres avoient composé.
C’est peut-être sur la connoissance que les Anciens avoient de la Musique naturelle, & de sa conformité avec l’organisation du corps humain, que les Médecins dans l’antiquité étoient obligez de sçavoir la Musique pour l’éxercice de leur Profession.
Je serois tenté de le croire, puisque le plus grand nombre des compositeurs se borne à copier servilement un certain nombre de pas et de figures dont le public est rebattu depuis des siècles ; de sorte que les ballets de Phaéton, ou de tout autre opéra, remis par un compositeur moderne, diffèrent si peu de ceux qui avoient été faits dans la nouveauté, que l’on s’imagineroit que ce sont toujours les mêmes.
Pyrrhus, profitant de la brèche que les Troyens viennent de faire à leur ville, pour y donner l’entrée à l’enorme cheval qui renfermoit des hommes armés, et que les Grecs avoient fait construire et feint d’abandonner ensuite, pour surprendre la crédulité des ennemis ; Pyrrhus tombe sur les Troyens ; il fonce dans leur ville ; il y répand le carnage et la mort et la fait incendier par ses troupes.
Volant de ses propres ailes, n’écoutant que les conseils du caprice et de la fantaisie, il renversa l’édifice auguste que les élèves chéris de Terpsicore avoient élevé à cette Muse ; temple fondé sur des bases solides, décoré par les Graces et sublime dans ses proportions et son ensemble.
Le prestige de la liberté et de l’égalité avoit disparu ; le peuple avoit renoncé à sa prétendue souveraineté ; et ceux de ces petits souverains, qui avoient le plus de bon sens, regardoient toutes ces fêtes comme des épigrammes, d’autant plus sanglantes, qu’elles retraçoient leur égarement passé et leur misère présente.
Ces précieux restes attestoient en faveur de l’architecture, et de la sculpture, et annoncoient invariablement la perfection que ces arts avoient atteint sous le règue d’Auguste.
Une laçure et une espèce de chaussure imitant l’écorce d’arbre, m’avoient semblé préférables à des escarpins ; point de bas ni de gants blancs, j’en avois assorti la couleur à la teinte de la carnation de ces habitans des forêts ; une simple draperie de peau de tigre couvroit une partie de leurs corps, tout le reste paroissoit nu ; et pour que le costume n’eût pas un air trop dur, et ne contrastât pas trop avec l’habillement élegant des Nymphes, j’avois fait jetter sur les draperies une guirlande de feuillages mélés de fleurs. […] Si ceux qui m’ont critiqué sur la prétendue licence que j’avois prise d’introduire des Bostangis et des Janissaires au Sérail, avoient été témoins de l’exécution, de la distribution et de la marche de mon ballet, ils auroient vû que ces personnages, qui les ont blessé à cent lieues d’éloignement, n’entroient point dans la partie du Sérail ou se tiennent les femmes ; qu’ils ne paroissoient que dans le jardin, et que je ne les avois associés à cette scène que pour faire cortège, et pour rendre l’arrivée du Grand-Seigneur plus imposante et plus majestueuse.
Une lassure & une espece de chaussure imitant de l’écorce d’arbre m’avoient semblé préférables à des escarpins ; point de bas ni de gands blancs, j’en avois assorti la couleur à la teinte de la carnation de ces habitants des forêts ; une simple draperie de peau de tigre couvroit une partie de leur corps, tout le reste paroissoit nu ; & pour que le costume n’eût pas un air trop dur & ne contrastât pas trop avec l’habillement élégant des Nymphes, j’avois fait jetter sur les bords des draperies une guirlande de feuillage mêlée de fleurs. […] Si ceux qui m’ont critiqué sur la prétendue licence que j’avois prise d’introduire des Bostangis & des Janissaires au Serrail, avoient été témoins de l’exécution, de la distribution & de la marche de mon Ballet, ils auroient vu que ces personnages qui les ont blessé à cent lieues d’éloignement, n’entroient point dans la partie du Serrail où se tiennent les Femmes ; qu’ils ne paroissoient que dans le jardin, & que je ne les avois associés à cette Scene que pour faire cortege & pour rendre l’arrivée du Grand Seigneur plus imposante & plus majestueuse.
On trouve encore que Cicéron qui vivoit l’an 706 de Rome, a fait un Traité de la nature des Dieux, & qu’il dit avec Plutarque & d’autres fameux Auteurs, que les Oracles avoient cessé bien du tems avant eux ; ils ont crû que leur fin venoit de ce que les Démons & les Esprits élémentaires ne sont pas immortels, & que leur tems a pû être limité par le Créateur de l’Univers : mais qu’il en peut renaître aussi comme des hommes, suivant l’opinion des Cabalistes : j’oserai dire en passant que j’ai lieu de le croire plus qu’un autre.
Tous ces hommes célèbres, en étonnant leurs siècles reçurent les tributs d’admiration et de respect, qu’ils avoient mérités : la plupart obtinrent des distinctions flatteuses, et des récompenses magnifiques, qui outre les avantages d’une grande fortune, les mirent en état de se procurer une retraite sûre et honorable.
En un mot, les noces ne sont point un théâtre de folie et de turpitude, mais une solennité sainte d’une chose sacrée, pour mener la vertu, la modestie, la chasteté, l’honneur, Dieu même avec toutes ses grâces dans la maison des époux. » Que répondront au jour du jugement à Dieu, tant de chrétiens qui connoissent si peu la sainteté du mariage, et qui, y entrant sans aucune vue de servir Dieu et sans le moindre sentiment de piété, célèbrent leurs noces d’une manière toute païenne, lorsque Jésus-Christ leur opposera ce qu’en ont écrit les docteurs protestans dont je viens de rapporter les paroles, et qu’il leur reprochera que dans le sein même de l’Eglise, ils ont moins sainement pensé des choses de la Religion et de la sainteté de nos sacremens, que des hommes qui avoient le malheur d’en être séparés par l’hérésie, et qui ne regardoient point la célébration du mariage comme un vrai sacrement ?
Didon, qui n’a plus rien à ménager, seconde leur fureur ; elle se saisit d’une torche ; elle court dans le perystile ; elle en embrase les parties qui avoient échappé à la rage des Maures, et elle fait tous ses efforts pour augmenter les flammes et accélérer les ravages de l’incendie.
L’apôtre saint Jean, dans sa troisième épître qu’il adresse à Gaïus, voulant lui témoigner sa joie de ce que des gens venus de chez lui, lui avoient dit de sa piété et de la sainteté de sa vie, lui écrit : (v. 3 et 4.) […] Les Pères de l’Eglise ont enseigné unanimement la même doctrine sur l’obligation de prendre en tout la vérité pour sa règle ; et il ne faut pas s’en étonner, puisqu’ils avoient puisé toute leur science dans les saintes, Ecritures.
Que l’on consulte, Monsieur, tous ceux qui applaudissent indifféremment, et qui croiroient avoir perdu l’argent qu’ils ont donné à la porte, s’ils n’avoient frappé des pieds, ou des mains ; qu’on leur demande, dis-je, comment ils trouvent la danse et les ballets ? […] Les Nymphes avoient des habits galants dont les corsets différoient peu de ceux des Amazones.
Que l’on consulte, Monsieur, tous ceux qui applaudissent indifféremment, & qui croiroient avoir perdu l’argent qu’ils ont donné à la porte s’ils n’avoient frappé des pieds ou des mains ; qu’on leur demande, dis-je, comment ils trouvent la Danse & les Ballets ? […] Les Nymphes avoient des habits galants dont les corsets différoient peu de ceux des Amazones.
J’ai connu des danseurs qui ont trouvé l’art de dérober ce défaut à tel point qu’on ne s’en seroit jamais apperçu, si l’entrechat droit et les temps trop forts ne les avoient décelés.
Le tyran dévoré d’inquiétudes et d’impatience vouloit savoir si ses ordres avoient été exécutés.
Coriace enchanté regarde ce gage de l’amour, comme le présage heureux de sa victoire ; il tombe aux genoux de Camille, il lui témoigne sa reconnaissance ; mais le bruit éclatant des timbales et des trompettes réveille dans son cœur le désir de combattre, et ralume cette ardeur martiale que les larmes de son amante avoient amortie pendant quelques instans.
J’ai connu des Danseurs qui ont trouvé l’Art de dérober ce défaut à tel point qu’on ne s’en seroit jamais apperçu, si l’entrechat droit & les temps trop forts ne les avoient décelés.
Les habitans du lieu se revoltèrent, et ne purent souffrir qu’on leur ôtât des divertissemens qu’ils avoient vu pratiquer à leurs pères, et qu’ils tenoient d’une coutume immémoriale : ils conspirèrent ensemble la perte de leur pasteur, s’il ne cessoit ses invectives contre les danses, et ne les laissoit dans leurs anciens usages.
Les Romains avoient cependant les écoles où l’on enseignoit l’art de la Saltation, ou, si vous voulez, celui du geste et de la bonne grâce ; mais les maîtres etoient-ils contents de leurs écoliers ?
J’avouerai à regret qu’on a passé la ligne, et le point juste, que les Vestris père, les Dauberval, et les le Picq, avoient invariablement fixés par la beauté, l’élégance, et la perfection de leur exécution ; je dirai encore que les bras sont perdus, que l’on court, que l’on franchit, qu’on allonge, et qu’on ne danse plus.
Les Romains avoient cependant des écoles où l’on enseignoit l’Art de la Saltation, ou si vous voulez celui du geste & de la bonne grace, mais les Maîtres étoient-ils contents de leurs écoliers ?
Cette expédition devoit absoudre Oreste, le délivrer des furies, et faire renaître en son ame le calme et la paix, que le crime et les remords en avoient bannis.
Après donc qu’on eut bien pleuré de part et d’autre, je finis plein d’espérance de les ramener. » Si les églises avoient aujourd’hui un nombre de ministres aussi saints et aussi zélés que S.
) que l’ange ayant sonné de la cinquième trompette, le puits de l’abîme s’ouvrit, qu’il s’éleva du puits une fumée semblable à celle d’une fournaise, qu’il sortit de cette fumée des sauterelles qui se répandirent sur la terre, et qui reçurent un pouvoir tel que l’ont les scorpions de la terre, qui est de piquer ; que ces espèces de sauterelles étoient semblables à des chevaux préparés pour le combat ; qu’elles avoient sur la tête comme des couronnes d’or, des cheveux de femme, et des dents comme des dents de lion : et voici l’explication morale que ce saint archevêque donne à cet endroit de l’Apocalypse, en en faisant usage contre les danses : « Ces sauterelles, dit-il, sont les personnes qui dansent.
Je n’eûsse jamais osé entreprendre un ouvrage d’un genre aussi neuf, si les bontés du public et son indulgence ne m’avoient encouragé ; cette nouvelle entreprise est un tribut de ma reconnoissance ; puisse-je avoir réussi et mériter enfin avec justice les éloges, qu’il a daigné me prodiguer tant de fois avec complaisance.