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11. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 5 juin. Les deux Sacres. »

Ces « tableaux » n’ont pas de sujet au sens d’un développement psychologique ; la sensibilité de l’homme primitif est par trop confuse et rudimentaire ; aussi l’action n’est-elle pas construite ; les épisodes sont simplement alignés. Dans le premier tableau, Rœrich avait restitué ou plutôt imaginé les gestes consacrés d’un culte antique ; ceux des sorciers adorant la terre et le miracle printanier ; ceux du peuple s’adonnant aux jeux rituels. […] Pourtant celle-ci se relevait au second tableau. Dès le début, ce tableau est fleuri d’un épisode parfumé de lyrisme : des jeunes filles mènent un branle, épaule à épaule, avec toute la préciosité angélique des saintes byzantines. […] Aujourd’hui comme jadis le deuxième tableau renfloue la pièce.

12. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XIII. » pp. 122-133

Pour juger sainement d’un ballet et d’un tableau, il faut les voir ; c’est l’unique moyen qui permet au connoisseur de prononcer sur les objets que ces arts lui présentent. […] La danse doit à son tour s’assimiler à ces variétés ; elle sera composée de groupes séparés et inégaux en nombre, ils se réuniront pour former des masses qui se diviseront pour former de nouveaux tableaux. La musique de ce ballet doit étaler tous les charmes de l’harmonie ; des mouvemcns légers, des silences artistement ménagés donneront au maître de ballets les moyens de fixer ses tableaux. […] Si le peintre-décorateur, le musicien, et le maître de ballets se consultent et s’entendent, chose malheureusement inconnue ; ils pourront alors se vanter de présenter au public un tableau vraiment neuf et intéressant. […] D’après cette esquisse, vous devez être convaincu, Monsieur, que le maître de ballets toujours en agitation ne peut composer assis et le crayon à la main ; ce n’est point un petit tableau de fantasie que le peintre doit offrir, c’est un tableau d’histoire ; tout doit y être grand, expressif et majestueux et entrainer le public a celle illusion vive qui lui fait prendre la chose imitée pour la nature même.

13. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XX et dernière. » pp. 213-241

Pendant cet assaut, les femmes des bandits qui sont restées sur la montagne, forment différens tableaux dans le lointain par une pantomime analoque et adaptée à la circonstance. […] Tous ces tableaux variés qui lui sont offerts par la nature excitent, ses réflexions ; elle se méconnoit dans les uns ; elle se retrouve dans les autres. […] Le dernier moment du ballet traçoit un autre tableau de ce genre. […] Ce tableau allégorique étoit terminé par un ballet très-court dont la fin offroit un groupe général. […] ce vaste empire leur présentera de nouveaux tableaux à peindre.

14. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre IV. » pp. 25-31

Si notre art, tout imparfait qu’il est, séduit et enchaîne le spectateur ; si la danse denuée des charmes de l’expression, cause quelque fois du trouble, de l’émotion, et jette notre âme dans un dèsordre agréable ; quelle force et quel empire n’auroit-elle pas sur nos sens, si ses mouvemens étoient dirigés par l’esprit, et ses tableaux esquissés par le sentiment ! […] Un beau tableau n’est qu’une copie de la nature ; un beau ballet est la nature même, embellie de tous les charmes de l’art. Si de simples images m’entrainent à l’illusion ; si la magie de la peinture me transporte ; si je suis attendri à la vue d’un tableau ; si mon âme séduite est vivement affectée par ce prestige ; si les couleurs et le pinceau dans les mains du peintre habile, se jouent de mes sens au point de me montrer la nature, de la faire parler, de l’entendre et de lui repondre ; quelle sera ma sensibilité, que deviendrai-je, et quelle sensation n’éprouverai-je pas à la vue d’une représentation encore plus vraie, d’une action rendue par mes semblables ? quel empire n’auront pas sur mon imagination des tableaux vivans et variés ? […] Vos tableaux auront du feu de l’énergie ; ils seront pleins de vérité, lorsque vous serez affectés, et remplis de vos modèles.

15. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur l’artiste »

Je suppose que, sans vous y être attendu, vous voyez dans son plus beau jour un excellent tableau. […] L’imagination reçoit le dessein rapide du tableau qui est présenté à l’âme, et c’est sur cette première esquisse que le génie distribue les couleurs. Je parle enfin, dans la définition que je propose, d’un tableau nouveau ; car il ne s’agit point ici d’une opération froide et commune de la mémoire. […] Il s’agit donc d’un tableau qui n’a point encore été vu, d’un tableau que la raison vient de créer, d’une image toute de feu qu’elle présente tout-à-coup à une âme vive, exercée, et délicate ; l’émotion qui la saisit est en proportion de sa vivacité, de ses connaissances, de sa délicatesse. […] Quel est le tableau, dira-t-on peut-être, que la raison peut offrir à peindre à l’art du musicien?

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