Le plaisir, la convenance les forment, les brisent et les renouvellent sans cesse. […] Un simple particulier à Paris, qui sait unir le goût à l’opulence, est le maître de rassembler chez lui plus de commodités, d’agréments et de plaisirs que n’en ont imaginé la délicatesse d’Athènes, ou le luxe de Rome, et sur ce point les peuples contemporains les plus polis de l’Europe sont encore à notre égard, ce qu’ont été les Grecs et les Romains. […] Cependant outre les Fêtes publiques, qui mettaient quelque variété dans cette manière monotone de vivre, les événements particuliers de chaque famille, lui fournissaient encore de temps en temps des occasions de plaisir. […] L’amitié, la tendresse, l’hospitalité concouraient ensemble pour ranimer la joie et pour entretenir le plaisir. […] Ces Assemblées, où l’on dansait pour le seul plaisir de danser, furent toujours en usage parmi eux.
Toutes ces Danses tiennent par leur origine à la danse sacrée ; mais après la simplicité des premiers temps, lorsque l’Empire tyrannique des passions eut détruit le règne paisible de l’innocence, dans la dépravation générale des mœurs, toutes ces danses ne tinrent plus par leur exécution, qu’au plaisir. […] On voyait au commencement de l’Automne la jeunesse Grecque couronnée de Pampres et de Lierre, former des pas mesurés au son des fifres et des tambours ; elle ne respirait dans ses Chants, dans ses mouvements, dans ses attitudes que la liberté, le plaisir et la joie : ses danses étaient l’image vive de la gaieté, des transports de Bacchus. […] Ils jouissaient des plaisirs de l’âge d’or, qu’ils faisaient renaître. […] Après le festin, les concerts de Musique et les Danses recommençaient, on ne songeait qu’au plaisir. […] Ce n’est pas la seule occasion où l’orgueil a usurpé les droits du plaisir.
Les hommes communs ne considèrent dans les plaisirs que le plaisir même. […] L’examen qu’ils ajoutent à la jouissance, leur rend le plaisir plus piquant et la réflexion leur suggère les moyens de le multiplier et de le rendre utile. […] c’est par ce sens qu’ils nous meuvent avec une délicatesse de plaisir qui nous ajuste à leurs desseins, et qui nous attire doucement, en secondant l’impulsion qu’ils nous ont donnée. » Voilà le système de l’attraction adapté au moral, longtemps avant que Newton ne l’eût appliqué au Physique.
De plus, vous avez une femme et des enfans ; si vous les aimez comme vous le devez, pourrez-vous trouver de plus grand plaisir que d’être avec eux ? Vous avez une maison et des amis ; n’y a-t-il pas du plaisir et même du profit à se trouver avec eux ? […] Voyant les Romains passionnés pour les spectacles, et entendant parler des plaisirs qu’ils y alloient chercher, les Barbares disoient : On croiroit que les Romains, qui ont inventé ces plaisirs, n’ont ni femmes, ni enfans ; faisant entendre par là que pour quiconque veut vivre honnêtement, il n’y a rien de plus doux que la compagnie de sa femme et de ses enfans, et qu’elle peut tenir lieu de beaucoup d’autres divertissemens. […] Bossuet propose un moyen qui seroit bien propre à dégoûter des dangereux ou criminels plaisirs de ce monde, quels qu’ils soient, des chrétiens sur qui les grands objets de la Religion feroient les impressions qu’ils doivent y faire. […] Nul récit, nulle musique, nul chant, (j’ajoute nulle danse) ne tient devant ce plaisir.
En effet, quand vous sortiriez de ces divertissemens sans qu’ils aient produit en vous aucun mauvais effet, pouvez-vous n’être pas coupable en inspirant aux autres, par votre exemple, une plus grande ardeur pour ces plaisirs si dangereux ? […] Certainement, quelque chaste que vous puissiez être, vous le seriez encore davantage en fuyant ces plaisirs si dangereux. […] Par là nous nous procurerons les vrais et solides plaisirs ; par la paix de la conscience qui ne sera point troublée par des remords, nous mènerons en ce monde une vie pure et chaste, et nous obtiendrons en l’autre la vie éternelle, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. »