Rien ne seroit si mauvais qu’une décoration peinte dans le même ton de couleur & dans les mêmes nuances ; il n’y auroit ni lointain ni perspective ; de même, si les morceaux de Peinture divisés pour former un tout sont éclairés avec la même force, il n’y aura plus d’entente, plus de masse, plus d’opposition, & le Tableau sera sans effet. […] J’ai toujours regardé ce Spectacle comme un grand Tableau qui doit offrir le merveilleux & le sublime de la Peinture dans tous les genres ; dont la toile doit être esquissée par un homme célebre, & peinte ensuite par des Peintres habiles dans des genres opposés, qui tous animés par l’honneur & la noble ambition de plaire doivent terminer le chef-d’œuvre avec cet accord & cette intelligence qui annoncent & qui caractérisent les vrais talents. […] Je suis du sentiment d’un Auteur, qui dit, que les grands morceaux de Peinture, de Musique & de Danse qui ne frappent pas à un certain point un ignorant bien organisé sont ou mauvais ou médiocres. […] Un élan, un pas vif, une fuité agiteroient la draperie dans des sens différents : voilà ce qui nous rapprocheroit de la Peinture, & par conséquent de la Nature ; voilà ce qui prêteroit de l’agrément aux attitudes & de l’élégance aux positions ; voilà enfin ce qui donneroit au Danseur cet air leste qu’il ne peut avoir sous le harnois gothique de l’Opéra. […] Cette Peinture forte mais naturelle frappa, intéressa & jetta le trouble & l’horreur dans l’ame du Spectateur.
Le visage est l’organe de la Scene muette, il est l’interprete fidelle de tous les mouvements de la Pantomime : en voilà assez pour bannir les masques de la Danse cet Art de pure imitation, dont l’action doit tendre uniquement à tracer, à séduire & à toucher par la naïveté & la vérité de ses peintures. […] Cette variété immense qui échappe quelquefois à la Peinture & qui est la pierre de touche du grand Peintre, peut-elle être rendue avec fidélité par un faiseur de masques ? […] Les masques des Tritons sont verds & argent ; ceux des Démons couleur de feu & argent ; ceux des Faunes, d’un brun noirâtre ; ceux des Vents sont bouffis & dans l’action de quelqu’un qui fait des efforts pour souffler ; tels sont nos masques : voyons présentement en les comparant avec les chefs-d’œuvres de la Peinture s’ils ont quelque ressemblance ; je vois dans les Tableaux les plus précieux, des Tritons dont les physionomies ne sont point vertes ; j’apperçois des Faunes & des Satyres d’un teint rougeâtre & bazanné, mais un brun sombre n’est pas répandu également sur tous les traits ; je cherche des physionomies couleur de feu & argent, mais inutilement ; les Démons ont un teint rougeâtre, qui emprunte sa couleur de l’élément qu’ils habitent ; je sens la nature & je la vois par-tout ; elle ne se perd point sous l’épaisseur de la couleur & sous la pesanteur de la grosse brosse ; je distingue la forme de tous les traits ; je les trouve si vous voulez hideux, chargés, tout me paroît outré ; mais tout me montre l’homme, non comme il est, mais comme il peut être sans choquer la vraisemblance. […] Mais dans la situation où sont les choses, une bonne peinture m’affecte plus qu’un Ballet. […] Voilà mon sentiment, & si l’on suivoit exactement la route que je viens de tracer, on briseroit les masques, on fouleroit aux pieds l’idole pour se vouer à la nature, & la Danse produiroit des effets si frappants, que l’on seroit forcé de la placer au niveau de la Peinture & de la Poésie.
L’abbé Du Bos [Dubos], à la suite de ses réflexions sur la Poésie et la Peinture, a fait un volume entier pour établir un système tout à fait nouveau sur la Musique et la Danse des Grecs et des Romains. […] Réflexions sur la Poésie et la Peinture. 3. v. sec. 10.
Je leur demanderai si le sujet de Médée est bien joyeux, si une femme jalouse et barbare qui empoisonne sa rivale, brûle son père, poignarde ses propres enfans, et embrâse le palais de Créon, offre des peintures riantes et agréables ? […] Le compositeur de ballets et le peintre sont les maîtres de choisir à leur gré tous les grands tableaux que la nature a soumis à leurs pinceaux ; et tout ce que les livres saints, la poésie, la fable et l’histoire leur offrent d’agréable, de sérieux et de tragique, la peinture en jouissant du privilège sanctionné par le génie et approuvé par l’imagination, a tracé la peste de St.
On commence, paraît-il, à se douter qu’en peinture tout tableau est avant tout une surface plane et symétrique, circonscrite et isolée par un cadre.