Connaissons sa forme, comme nous voulons connaître la facture d’un tableau, la mesure d’un vers, — pour pénétrer jusqu’au sens.
J’examinai la roche et pris de l’œil mes mesures.
Par la danse, j’avoue que je n’entends pas simplement cet art mécanique qui consiste à remuer alternativement les bras et les jambes au son d’un instrument, à se fatiguer en mesure pour exécuter des pas qui ne signifient rien, à avancer sans dessein, à reculer uniquement pour changer de place, enfin à faire toutes les évolutions que les danseurs médiocres regardent comme la perfection de l’art, et qui n’en sont que le commencement.
pourquoy tant d’ennemis contre ce qui est si necessaire, & dequoy Messieurs nos Maistres ne me peuuent prouuer la censure dans les sainctes lettres, ouy bien dans quelques legeres apparences qu’ils mettent en consideration, nous ne blasmons pas la Danse, disent-ils, pour ses pas & ses mesures, autrement la voix & la Musique courroient la mesme fortune, mais parce qu’elle oblige les Venus à se parer plus ambitieusement, desquelles il faut fuir la hantise, d’autant que l’imagination prend feu (aussi soudain que le Naphthe) si on l’arreste tant soit peu en la contemplation d’vn obiect amoureux, qu’elle est en fin tousiours suiuie de mil mauuais desirs de vanité & de concupiscence, & ces desirs de scandales qui produisent souuent de grands malheurs. […] Ie dis ceux : pource que ie ne puis donner ma voix à l’inconsideration de plusieurs, qui poussez de quelque affection particuliere, ou forcez, peut estre, de cest instinct qui nous faict ordinairement fauoriser vne chose plus que l’autre, & bien souuent trouuer chois en deux pareils subiects, attribuent c’est aduantage à vn seul ; car si l’on iuge que tant de personnes qu’on sçait auoir attaint la perfection de bien danser, ont apris en diuers lieux & soubs differents Maistres, & qu’eux mesmes par leur exercice & iugement y ont apporté quelque chose du leur, on sçaura que i’ay raison de dire qu’vn seul n’a pas inuenté tout ce qui est auiourd’huy receu estre bien faict : mais que plusieurs, qui plus, qui moins y ont contribué leur industrie, & que par consequent il est tres-raisonnable que tout plain de braues gens qui honnorent ceste profession participent à ceste loüange, sinon à pareil degré d’honneur que les premiers, au moins à mesure que chacun a de la vertu ce qui sera d’autant plus equitable qu’ils ont acquis dequoy se faire imiter & se distinguer d’auec ceux qu’on sçait profaner le mestier.
Lors que sa discretion luy fera iuger le temps de saluer la compagnie qu’elle reçoit ou qu’elle aborde, il faut qu’elle escarte tant soit peu l’vn des pieds à costé, & d’vn mesme temps glisser doucement l’autre quasi tout ioignant, les pointes ouuertes, lors sans s’arrester que bien peu, ayant les bras negligement estendus sur les costez, elle doit auec le plus de douceur qu’il sera possible plier esgalement les deux genoüils, non en auant comme font plusieurs, qui pour tenir les pointes des pieds closes s’en aquittent assez mal, mais chacun de son costé, & si elle la desire descendre tres-basse & y tenir quand & quand le corps droit & ferme, qu’elle leue doucement les talons en se soutenant sur la pointe des pieds à mesure qu’elle pliera les genoüils, & lors qu’elle l’aura tiree au point qu’elle la voudra faire, faut tout aussi tost luy faire remonter de mesme air qu’elle aura descendu. […] Quand elle aura faict la reuerence comme i’ay enseigné aux bransles, se resouuenant de tenir les pointes des pieds ouuertes, il luy faudra faire porter negligemment trois pas sans chasser, ny s’esleuer hors terre, mais pliant vn peu les genoüils se releuer sur la pointe du pied qui se trouuera à terre, faisant retirer auec la mesme douceur tant soit peu l’espaule du costé du pied qui aduance, & apres auoir fait chasser le troisiesme faire vn pas porté & vn pas chassé sur l’vn, puis sur l’autre pied, iusqu’à la fin, sur tous lesquels pas, faut faire plier esgalement les genoüils, à fin que le corps bien droit suiue l’action des pieds, & prendre garde que le pied qui chasse soit porté esgal au costé du chassé, & s’esleuant hors terre sur le pas porté, faut couler doucement le chassé tombant tousiours sur la pointe des pieds, il y faut pourtant obseruer vne mesure vn peu viste sans bransler la teste, aduancer le ventre, ny plier de la ceinture, & en pliant les genoüils tenir le corps droit d’vne façon esgale, sans pancher de costé ny d’autre ; au surplus ces mesmes pas seront fort aduantageux pour celles qui manquent de disposition, ne peuuent s’esleuer hors terre.