MESURE en avant. […] MESURE à droite. […] MESURE en avant. […] MESURE à droite. […] MESURE en avant.
VI La barre de mesure porte tout le ballet moderne, à l’égal de l’ancien. […] La barre de mesure soutient toute la tradition des gestes et des pas, si niais la plupart et si ridicules. […] Le rythme passe de bien loin la mesure : il y supplée. Il est même une sorte ample et libre de rythme qui va décidément contre la mesure.
Les deux pas glissés doivent s’exécuter en pliant les genoux et glissant alternativement les pieds sur la pointe, le cou-de-pied tendu à la quatrième position en avant, en observant que la moitié du chemin doit se faire en pliant et l’autre moitié en tendant les jarrets d’un mouvement lent et égal dans l’intervalle des quatre premiers temps des deux mesures, c’est-à-dire que chaque glissé emploie deux temps des deux mesures. Les deux marchés qui complètent le pas s’exécutent en portant les pieds de même à la quatrième position, d’un mouvement plus accéléré, avec les jarrets tendus dans l’intervalle des deux derniers temps des deux mesures, c’est-à-dire que chaque marché emploie un temps des deux mesures. […] Étant à la deuxième position, pliez, passez le pied droit derrière le gauche à la troisième position, en le retirant sur la pointe un peu vivement, et se relevant sur les deux pointes des pieds dans la même position, les jarrets bien tendus, on soutiendra l’intervalle du temps plié ainsi que la mesure, et pliez, glissez le pied gauche à la deuxième position, marchez deux pas tendus, dont l’un du pied droit à la troisième position derrière le gauche, et l’autre du pied gauche à la deuxième position.
Après avoir examiné tous les temperamens & l’intelligence necessaire pour bien figurer, il me reste encore deux parties essentielles qui sont l’oreille, & les bras, pour cette premiere, si l’on n’a pas cette facile disposition ; qui fait entendre d’abord cette cadance ; c’est alors qu’il faut s’appliquer à battre cette mesure, lorsque vos Maîtres vous donnent vos leçons, & même vous en faire instruire, afin que vous puissiez entendre & comprendre cette cadance, qui fait l’ame de la danse, & qui bien souvent ne dépend que du peu d’application. J’ai déja dit, que le pas de Menuet se faisoit dans l’étenduë de deux mesures à trois tems legers, ainsi il y a une vraye, & une fausse cadance ; la bonne est la premiere mesure, & la seconde est la fausse, mais comme les couplets du Menuet, sont de huit ou douze mesures, c’est ce qui fait que la bonne est en commençant & la fausse à la fin ; cette cadence se marque en frapant de la main droite dans la gauche, & vous levez la main à la seconde ou fausse cadence, ce qui continuë par ces deux tems égaux. Mais le pied fait tout le contraire de la main, puisque dans le tems que vous relevez sur la pointe du pied droit, c’est dans ce même tems que vous frapez ; ainsi on doit plier sur la fin de la derniere mesure, pour se trouver à portée de relever dans le tems que vous frapez : la cadance s’exprime de deux manieres en dansant, sçavoir les pas qui ne sont que pliez & élevez sont relevez en cadence, mais ceux qui sont sautez doivent tomber en cadence. Ainsi les mouvemens doivent toûjours la prevenir, c’est-à-dire, qu’il faut plier sur la fin de la derniere mesure, afin de relever lorsqu’elle se doit marquer.
Augustin a adopté la même opinion ; il me semble que ces deux grands hommes (qui probablemeut n’étoient danseurs ni l’un ni l’autre) ont confondu la musique et la mesure ; car danser en mesure n’est pas être musicien ; cela est si vrai que le paysan le plus grossier danse en mesure. […] On nominoit musique rithmique, ce que nous appelions mesure ; mais la mesure n’est point la musique ; ce n’est qu’une division de temps, et il est certain qu’une musique très agréable peut exister sans mesure ; témoin les points d’orgue, les Caprices ad Libitum qui s’écrivent sans mesure. […] Dire que les soldats Lacédémoniens alloient au combat en dansant est une erreur de mot ; il seroit plus juste de dire qu’ils y alloient en marchant au bruit d’une musique guerrière ; qu’ils régloient leurs pas au mouvement de la mesure et des airs ; qu il y en avoit la lents, de vifs et d’accélérés : chaque mesure de ces airs variés, fixoit le mouvement du pas des soldats ; car l’air qui indiquoit l’attaque n’étoit pas le même que celui qui commandoit la retraite : marcher en mesure n’est donc pas danser. […] La représentation théatrale partagée entre l’acteur récitant, et l’acteur faisant les gestes passe ma conception ; si j’ajoute à cette méthode peu naturelle, un troisième personnage chaussé d’une sandale de fer, frappant rudement le plancher pour marquer la mesure de chaque geste ; si je parle ensuite d’une flûte gauche nommée Tibia, faite avec la partie la plus grosse du roseau, dont le son devoit approcher de celui du Basson, et qui servoit à accompagner l’acteur ; si je compare le son de ce frêle instrument avec celui de la voix qui sortoit avec fracas du cornet adapté à l’enorme bouche du masque de l’acteur ; mes conjectures se perdent, ma raison se tait, et c’est vainement que je cherche ce sage, ce vrai, ce naturel qui embellit les arts ; je n’apperçois sur cette scène antique qu’un amas de ridicules et d’invraisemblances.