/ 105
2. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE IV. » pp. 47-60

Je ne parle point de cette partie du Public qui en est l’ame & le ressort, de ces hommes sensés qui, dégagés des préjugés de l’habitude, gémissent de la dépravation du goût, qui écoutent avec tranquillité, qui regardent avec attention, qui pesent avant de juger, & qui n’applaudissent jamais que lorsque les choses les remuent, les affectent & les transportent ; ces battements de mains prodigués au hazard ou sans ménagement perdent souvent les jeunes gens qui se livrent au Théatre. […] S’il veut persuader, qu’il dessille les yeux trop fascinés des jeunes danseurs, & qu’il leur dise : « Enfants de Terpsichore, renoncez aux cabrioles, aux entrechats & aux pas trop compliqués ; abandonnez la minauderie pour vous livrer aux sentiments, aux graces naïves & à l’expression ; appliquez-vous à la Pantomime noble ; n’oubliez jamais quelle est l’ame de votre Art ; mettez de l’esprit & du raisonnement dans vos pas de deux ; que la volupté en caractérise la marche & que le génie en distribue toutes les situations ; quittez ces masques froids, copies imparfaites de la nature ; ils dérobent vos traits, ils éclipsent, pour ainsi dire, votre ame, & vous privent de la partie la plus nécessaire à l’expression ; défaites-vous de ces perruques énormes & de ces coëffures gigantesques, qui font perdre à la tête les justes proportions qu’elle doit avoir avec le corps ; secouez l’usage de ces paniers roides & guindés qui privent l’exécution de ses charmes, qui défigurent l’élégance des attitudes, & qui effacent la beauté des contours que le buste doit avoir dans ses différentes positions. […] Livrez-vous à un métier où les mouvements de l’ame soient moins nécessaires que les mouvements des bras, & où le génie ait moins à opérer que les mains. » Ces avis donnés & suivis, Monsieur, délivreroient la Scene d’une quantité innombrable de mauvais Danseurs, de mauvais Maîtres de Ballets, & enrichiroient les forges & les boutiques des artisans d’un très-grand nombre d’ouvriers, plus utiles aux besoins de la Société, qu’ils ne l’étoient à ses amusements & à ses plaisirs.

3. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Euthyme et Eucharis. Ballet héroï-pantomime. » pp. 51-63

Par un miracle inattendu, le temple élevé à Lybas et l’autel s’écroulent ; les jeunes Témessiennes ne craignent plus pour leurs jours ; les mères ne tremblent plus sur le sort de leurs filles ; les pères peuvent se livrer sans trouble à l’espoir de voir renaître leur postérité, et Eucharis peut posséder ce qu’elle chérit. […] Deux personnes de l’un et l’autre sexe s’attachent à l’amour ; deux autres se livrent à l’hymen, et deux autres enfin s’unissent à l’amitié. […] Ceux qui se sont livrés à l’amour, ne sont pas long-tems sans être tourmentés par la jalousie : ils se piquent et se boudent.

4. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre XV. » pp. 83-88

Après avoir long-temps dansé le sérieux, elle l’abandonna pour se livrer au genre mixte que j’avois crée pour elle et pour le Sr. […] Il s’est livré à la composition des ballets.

5. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XV. » pp. 150-159

Si un ballet étoit uniquement composé de premiers danseurs et de premières danseuses ; l’exécution en seroit parfaite, et le compositeur pourroit alors se livrer à toutes les difficultés qu’offre le mélange des pas et des temps ; mais il y a bien de la différence à faire entre les talens des premiers sujets à ceux des figurants ; entre l’émulation des uns et l’insouciance des autres. […] Ils ne peuvent ni l’un ni l’autre se livrer à l’arbitraire et à la fantasie : ils doivent avoir une exécution mâle et nerveuse, observer toutes les nuances et le clair-obscur propres à augmenter le charme de l’exécution, sans toutefois ajouter ou diminuer au noté du compositeur ni au tracé du maître de ballets. […] Rameau avoit posé les limites sages qui convenoient au genre de musique propre à la danse ; ses chants étoient simples et nobles : en évitant la monotonie des airs et des mouvemens aux quels ses prédécesseurs s’étoient livrés, il les avoit variés ; et ayant senti que les jambes ne pouvoient se mouvoir avec autant de vitesse que les doigts, et que le danseur étoit dans l’impossibilité de faire autant de pas que les airs présentent de notes, il les phrâsoit avec goût.

6. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Les Graces. Ballet anacréontique. » pp. 75-97

  Je préviens le public que je ne me suis servi que des 2ème, 3ème et 4ème chants du poème, et que j’ai été contraint de renoncer à toutes les beautés de détail, que la pantomime ne peut exprimer, pour me livrer à l’action et à tout ce qui s’appelle tableau de situation ; je me suis vu forcé d’avoir recours à des moyens étrangers à l’original, pour pouvoir indiquer l’instant, où, les Graces, cessant d’être méconnues, paroissoient avec le caractère de leur essence et de leur immortalité. […] Ce vieux Berger et cette vieille Bergère, assis près d’une table sur la quelle est servi un repas champêtre et frugal, attendent le retour de leurs filles ; ils expriment leur crainte et leur tendre inquiétude ; ils ne savent à quoi attribuer une aussi longue absence, et déjà ils se livrent au sentiment accablant de l’incertitude, lorsqu’enfin ils les voyent paroître. […] Philis triste et rêveuse, fixe un rameau sur le quel sont perchées deux tendres tourterelles, image la plus belle de l’Amour et de la fidélité ; puis détournant les yeux, elle considère deux cygnes qui folâtrent sur les eaux d’un bassin rustique ; elle apperçoit sur un autre bassin un autre cygne, qui seul et sans compagne, paroît livré à la tristesse. […] Philis, la tête appuyée sur un de ses beaux bras, et livrée aux sentimens divers qui remplissent son âme, ne voit et n’entend rien ; vainement l’Amour frappe du pied, tousse et soupire ; plongée dans ses réflexions elle n’écoute que son cœur. […] Philis et Daphnis unis à jamais, sont les premiers à orner de festons et de guirlandes l’autel des Graces ; ils y déposent leurs couronnes ; ils se rejoignent ensuite aux Bergers et se livrent à des danses, qui caractérisent l’expression naïve d’une joie pure.

/ 105