Dès que la flamme du Génie eut fait briller à leur esprit l’idée d’un théâtre, toutes les idées subséquentes s’offrirent en foule à leur imagination, et ils les développèrent avec cette facilité précieuse qui est toujours la marque du grand talent. Comme la représentation, et par conséquent l’imitation fut leur objet principal, il était naturel, que ces hommes extraordinaires, que la tradition avait agrandis dans leur mémoire, se présentassent les premiers à leur esprit, comme les sujets les plus propres à faire le fond des tableaux animés, qu’ils se proposaient de peindre. […] Les Mœurs ordinaires des contemporains, que la pénétration, la gaieté, et la vivacité grecque, saisissaient toujours du côté ridicule ; l’esprit épigrammatique si naturel aux Athéniens, la liberté de leur gouvernement, l’influence que chacun des Citoyens avait dans les affaires publiques, le moyen facile dans des représentations imitatives, de peindre, avec les couleurs les plus défavorables, des Rivaux qu’on avait toujours un intérêt éloigné ou prochain de dégrader ; tous ces objets saisis vivement par des Esprits susceptibles de la plus grande chaleur, produisirent en peu de temps la Comédie.
Je leur accorde avec plaisir ce qui nous manque, et ce que nous posséderons lorsqu’il plaira aux danseurs de secouer des règles qui s’opposent à la beauté, et à l’esprit de leur art. […] Concluons que l’action de la danse est trop restreinte ; que l’agrément et l’esprit ne peuvent se communiquer également à tous les êtres ; que le goût et les graces ne se donnent point. […] L’applaudissement part ; les bras et les doigts méritent des éloges ; et on accorde à l’homme-machine et sans tête, ce que l’on refusera constamment de donner à un violon Français qui réunira au brillant de la main, l’expression, l’esprit, le génie et les graces de son art. […] De deux acteurs également servis par la nature, celui qui sera le plus éclairé, sera, sans contredit, celui qui mettra le plus d’esprit et de légèreté dans son jeu. […] Si notre âme détermine le jeu et l’action de nos ressorts, dès lors, les pieds, les jambes, le corps, la physionomie et les yeux seront mus dans des sens justes, et les effets résultants de cette harmonie et de cette intelligence, intéresseront également le cœur et l’esprit.
C’est afin que, s’abstenant des travaux et des occupations ordinaires, on ait plus de loisir, plus de liberté d’esprit et de cœur pour s’appliquer à Dieu, aux exercices de piété, et à la grande affaire du salut, que souvent les affaires temporelles font trop long-temps perdre de vue. […] En connoît-on beaucoup qui, affectionnés au sermon et à l’office de la paroisse, après les avoir ouïs, aillent perdre à la danse, dans une si grande effusion d’une joie mondaine, l’esprit de recueillement et de componction que la parole de Dieu et ses louanges auront excité ? […] La femme, en changeant ainsi d’habits, se dépouille assez aisément de la pudeur et de la modestie naturelles aux femmes ; et l’homme aussi, en prenant l’habit qui convient à l’autre sexe, donne lieu de craindre qu’il n’en ait la mollesse et l’esprit, ou qu’il ne les prenne bientôt : ce qui est un renversement de la nature, abominable aux yeux de Dieu. […] C’est pour entrer dans cet esprit d’affliction, qu’on a introduit cette pénible soustraction de la nourriture. […] Cet esprit se conserve encore dans l’Eglise, comme le savent et l’expliquent ceux qui entendent les rits.
Le Cardinal Mazarin avait de la gaieté dans l’esprit, du goût pour le plaisir, et dans l’imagination moins de faste, que de galanterie. […] Il avait de la fertilité, la mécanique du vers facile, des grâces, de la finesse, un tour galant dans l’esprit. […] Le P… de P*** avait réellement de l’esprit, des connaissances, et du goût, autant qu’il en faut pour sentir les beautés d’une composition théâtrale, pour éclairer un Auteur, pour décider même de son degré de talent ; mais bien moins que n’en exige l’invention, la charpente, l’assemblage, en un mot, d’un grand ouvrage. […] À mesure que l’idée qu’on se formait du P… de P*** croissait dans les esprits trop prévenus pour lui, on se dégoûtait de Benserade dans les ouvrages duquel on croyait voir toujours les mêmes choses. […] L’âme s’affecte, l’esprit s’aigrit, la bile s’allume, le trait échappe, et il nous perd.
Mais supposé que l’idée de la Peinture, à la considérer dans sa perfection, ne soit pas encore bien établie, si celle que l’on conçoit aujourd’hui n’avoit pas un fond de mérite, par toutes les connoissances qu’elle renferme, & pour tout ce qu’elle est capable de produire sur les esprits, d’où viendroit la passion qu’ont pour elle les grands Seigneurs & tant de gens d’esprit, & que ceux mêmes qui ont de l’indifférence pour cet art, n’oseroient l’avouer sans rougir. […] Pour ce qui est de l’esprit, il est égal dans ces deux arts : le même Horace qui nous a donné des régles si excellentes de la Poésie, dit qu’un tableau tient également en suspens les yeux du corps & ceux de l’esprit. […] Il est vrai que le raisonnement qui se trouve dans la Peinture, n’est pas pour toutes sortes d’esprits ; mais ceux qui ont un peu d’élévation, se font un plaisir de pénétrer dans la pensée du Peintre, & de trouver le véritable sens du tableau, par les simboles qu’on y voit représentez, en un mot d’entendre un langage d’esprit qui n’est fait que pour les yeux. […] Quintilien avoue que la Peinture pénétre si avant dans notre esprit, & qu’elle remue si vivement nos passions, qu’il paroît qu’elle a plus de force que tous les discours du monde. […] Mais, me dira-t-on, quelque esprit que l’on puisse donner à la Peinture, elle n’exprimera jamais aussi nettement ni aussi fortement que la parole.