Admète joignit à l’hospitalité tout ce que la magnificence et la générosité, peuvent y ajouter ; il leur donna des fêtes brillantes ; Hercule à l’exemple d’Apollon devient l’ami et le Protecteur d’Admète ; mais Lycomède dont l’ame étoit basse et ingrate, conçut l’horrible projet d’enlever Alceste à son époux ; il dissimula sa passion criminelle, et résolut en secret d’exécuter ce barbare dessein, lorsqu’il en tronveroit l’occasion. Le public instruit s’appercevra facilement que Lycomède n’est qu’un personnage épisodique, mais qui devient absolument nécessaire à l’exposition et au nœud de l’action, et qu’il en amene le dénouement d’une manière claire et facile, lors-même qu’il n’existe plus et quoi qu’il soit étranger à la suite des événemens. […] Alceste s’est échappée des mains de son ravisseur ; elle est errante et ne sait de quel coté tourner ses pas ; Lycomède, qui est à sa poursuite, la rencontre, lui déclare sa passion, et lui offre le partage de son trône : Alceste ne répond à ses vœux et à ses hommages que par l’expression du mépris ; Lycomède offensé ose devenir téméraire. […] Lycomède fait une sortie, mais il est joint par Admète ; le combat s’engage et devient général.
En élaguant les inutilités, le maître de ballets fixera le nombre des principaux acteurs que le sujet du poème exige ; si ce nombre excédoit celui de quatre, il seroit sage alors de renoncer totalement à un plan que l’art ne peut adopter, et qu’il ne dessineroit que très-imparfaitement ; car plus il y aura d’acteurs dans un ballet-pantomime, moins il sera entendu, plus l’action s’obscurcira, plus le sujet deviendra inintelligible. […] Pour réussir complettemeut dans la composition des grands ballets, il est nécessaire que le maître pèse les possibilités et les impossibilités, qu’il calcule les moyens et les obstacles ; d’après cet examen, il n’exigera plus de son art les secours qu’il ne peut lui accorder et ses compositions deviendront sages et régulières. […] Le maitre de ballets qui ne donne point dans ces erreurs, malheureusement trop communes, est assuré du plus grand succès ; ses ouvrages deviennent des modèles ; ils lui obtiennent des éloges, des applaudissemens et une réputation justement méritée. […] C’est un talent de savoir les employer à propos et de les faire disparoitre lorsqu’ils deviennent inutiles ; car ils ne peuvent être témoins des scènes mystérieuses qui se passent, qui forment le noeud de l’action et qui en préparent le dénouement. […] Il n’y a pas d’état plus fatiguant au moral et au physique que celui de maître de ballets ; ils doit régler et donner les pas ; il doit les faire, et si on ne les prend point au premier coup-d’oeil, il est obligé de les recommencer plusieurs fois ; lorsque le pas est saisi, il doit s’occuper d’un autre enchainement pour arriver au dessin ou à la figure qu’il imagine ; mais lorsqu’il quitte les formes symétriques, pour peindre celles que l’on nomme irrégulières, les combinaisons deviennent plus difficiles.
À mesure d’ailleurs que la Danse devint un Art, et qu’on la cultiva comme un exercice, le charme qui en résultait pour les Exécutants et pour les Spectateurs, redoubla la passion qu’on avoir déjà pour ce genre d’amusement. Le nombre des Danses se multiplia34, le goût leur assigna leurs divers caractères, la Musique si expressive chez les Grecs, suivit les idées primitives dans les airs qu’elle composa, et chacune des Fêtes qu’on célébrait, devint un spectacle animé, dont tous les Citoyens étaient Acteurs et Spectateurs tour à tour.
Le sujet trouvé, la manière de la traiter en devenait une suite nécessaire. […] Devenue en France une partie essentielle d’un nouveau spectacle, que les Romains auraient jugé digne de leur magnificence ; et qui aurait flatté le goût délicat des Grecs, il est inconcevable que ses progrès aient été si lents.
Quand une opinion est consacrée par le tems, qu’elle soit justifiée par les raisons, on fondée sur des préjuges ; qu’elle soit due à une cause qui dure encore, ou à une cause qui a cessé, n’importe ; elle devient un axiôme ; on y croit sans examen, on la respecte sur la foi publique ; et la proposer comme un doute, paroît une insigne absurdité. […] En France, on écoute tout avec attention, plaisir ou patience ; ce n’est qu’a la longue que l’on devient turbulent, et la plus grande chûte y obtient plus de silence que le plus beau succès en Italie.