Seroit-ce par une fatalité attachée à la nature humaine que nous nous éloignons toujours de ce qui nous convient, & que nous nous proposons si communément de courir une carriere dans laquelle nous ne pouvons ni marcher ni nous soutenir ? […] la vérité, n’est qu’une, s’écriera-t-on ; j’en conviens, mais n’est-il qu’une maniere de la démontrer & de la faire passer aux écoliers que l’on entreprend, & ne doit-on pas nécessairement les conduire au même but par des chemins différents ? J’avoue que pour y parvenir il faut une sagacité réelle, car sans réflexion & sans étude, il n’est pas possible d’appliquer les principes selon les genres divers de conformation, & les degrés différents d’aptitude ; on ne peut saisir d’un coup d’œil ce qui convient à l’un, ce qui ne sauroit convenir à l’autre, & l’on ne varie point enfin ses leçons à proportion des diversités que la nature ou que l’habitude souvent plus rebelle que la nature même, nous offre & nous présente. […] Ces deux défauts diamétralement opposés l’un à l’autre, prouvent avec plus de force que tous les discours, que les leçons qui conviennent au premier seroient nuisibles au second, & que l’étude de deux Danseurs aussi différents par la taille & par la forme ne peut être la même. […] Quoi qu’il en soir, la Danse noble & terre-à-terre est la seule qui convienne à de pareils Danseurs.
VII En tout art, mais en musique plus qu’en nul autre, nous allons à un discours libre de toute entrave, à une forme non serve qui ne saurait être prescrite, et qui ne puisse être imitée : celle qui convient à une œuvre, et à elle seule, parce qu’elle est le signe de l’émotion qui l’a fait naître.
Je conviendrai cependant, d’après le proverbe Normand, qu’il y a d’honnêtes gens par-toût ; qu’on trouve à l’opéra quelques êtres estimables, qui réunissent les mœurs aux talens ; ils sont rares à la verité, mais ils existent, et embellisent leur art par les attraits séduisans de la modestie, de la bienséance et de l’honneteté. […] Il faut convenir qu’il y a un triage à faire dans les réputations de nos jours, et que le public qui juge et qui prononce sur le mérite, ne voit pas toujours juste. […] Belle construction, magnifique organe, physionomie noble et expréssive ; telles sont les qualités qui conviennent aux grands genres ; mais elles seroient bientôt infructueuses, si elles n’étaient étayées par une application continue, et par l’amour de la gloire.
De plus, c’est que les contre-tems sautez ne conviennent qu’à de jeunes personnes, ou des personnes de moyenne taille : & pour ceux qui sont d’une taille avantageuse, il les faut faire en tems de Courante & demi-jetté, comme je l’ai déja marqué dans la maniere de donner les mains : parce qu’il ne convient point à de grandes personnes de sauter, & de se tourmenter dans les danses figurées, où ce n’est que des mouvemens doux & gracieux, qui ne dérangent pas le corps de ce bon air qui est si fort estimé & usité par notre Nation : ce qui n’est pas de même de plusieurs contre-danses que l’on a introduit en France depuis quelque temps, & qui ne sont pas du goût de tous ceux qui aiment la belle danse.
Elle était comme une espèce de langage trouvé et convenu parmi les hommes, pour peindre ces deux sentiments.